Rayon junk-food, sous-sol du grand Monoprix de la rue de Rome, lundi après-midi. Température frigorifique, sols javellisés.
En pleine hésitation existentielle devant des portions individuelles de brochettes Yakitori sous cellophane que j'ai saisies de façon inexplicable, je lance un regard biaiseux sur ma droite à une silhouette trop proche qui tente de dévorer mon espace vital carrelé. Regard anxiogène de consommateur pris au piège, vaguement angoissé à l'idée de subir un flagrant délit de tentation obscène et nauséabonde.
Je m'efforce de prendre un air désabusé. J'inspecte. Femme. Quarantaine fatiguée. Petite taille.
Asiatique.
Qui me jette de petits regards biaiseux vers la gauche, tout en enserrant des deux mains l'emballage rouge et vert d'un duo de croque-monsieur sous vide.
Lequel d'entre nous deux a le plus honte ?
Elle, qui s'interroge sur le type de crime que peut constituer à mes yeux l'achat de deux croque-monsieur agonisants sous plastique, ou moi, soudainement pétrifié à l'idée de me donner en spectacle avec mon envie de brochettes à l'exotisme douteux ?
Dans ces quelques centimètres qui nous séparent, un trou noir terrifiant prend naissance, hypnotique et hurlant dans le grand vide de l'après-midi. Sait-elle cuisiner de bons Yakitori ? Suis-je capable de faire de croustillants croque-monsieur ?
Comme deux coupables, nous finissons par reposer le fruit de notre faiblesse passagère, elle vers le bas, moi vers le haut. Nos paniers de plastique gris à roulette restent identiquement vides. Nous nous mettons à regarder avec cette même désinvolture d'autres rangées de produits que nous n'avons aucune intention d'acheter, puis simultanément, nous décidons de quitter le rayonnage avant que le trou noir ne nous avale, à l'aide de la même déambulation reptile.
Je prends immédiatement à droite, vers les empilements fatigués de pain-de mie.
Je la sens dans mon dos poursuivre tout droit, en direction des barquettes de poulets aux hormones. Dans une chute silencieuse, je me moie un instant dans une mer de pizza surgelées, la poitrine écrasée par la gravité terrestre.
J'errerai au milieu des travées glaciales pendant une interminable vingtaines de minutes, incapable de saisir quoi que ce soit pour le jeter dans ce panier, que je continue à traîner derrière moi comme un animal mort.
Au final, j'achète de l'alcool.
En pleine hésitation existentielle devant des portions individuelles de brochettes Yakitori sous cellophane que j'ai saisies de façon inexplicable, je lance un regard biaiseux sur ma droite à une silhouette trop proche qui tente de dévorer mon espace vital carrelé. Regard anxiogène de consommateur pris au piège, vaguement angoissé à l'idée de subir un flagrant délit de tentation obscène et nauséabonde.
Je m'efforce de prendre un air désabusé. J'inspecte. Femme. Quarantaine fatiguée. Petite taille.
Asiatique.
Qui me jette de petits regards biaiseux vers la gauche, tout en enserrant des deux mains l'emballage rouge et vert d'un duo de croque-monsieur sous vide.
Lequel d'entre nous deux a le plus honte ?
Elle, qui s'interroge sur le type de crime que peut constituer à mes yeux l'achat de deux croque-monsieur agonisants sous plastique, ou moi, soudainement pétrifié à l'idée de me donner en spectacle avec mon envie de brochettes à l'exotisme douteux ?
Dans ces quelques centimètres qui nous séparent, un trou noir terrifiant prend naissance, hypnotique et hurlant dans le grand vide de l'après-midi. Sait-elle cuisiner de bons Yakitori ? Suis-je capable de faire de croustillants croque-monsieur ?
Comme deux coupables, nous finissons par reposer le fruit de notre faiblesse passagère, elle vers le bas, moi vers le haut. Nos paniers de plastique gris à roulette restent identiquement vides. Nous nous mettons à regarder avec cette même désinvolture d'autres rangées de produits que nous n'avons aucune intention d'acheter, puis simultanément, nous décidons de quitter le rayonnage avant que le trou noir ne nous avale, à l'aide de la même déambulation reptile.
Je prends immédiatement à droite, vers les empilements fatigués de pain-de mie.
Je la sens dans mon dos poursuivre tout droit, en direction des barquettes de poulets aux hormones. Dans une chute silencieuse, je me moie un instant dans une mer de pizza surgelées, la poitrine écrasée par la gravité terrestre.
J'errerai au milieu des travées glaciales pendant une interminable vingtaines de minutes, incapable de saisir quoi que ce soit pour le jeter dans ce panier, que je continue à traîner derrière moi comme un animal mort.
Au final, j'achète de l'alcool.
Deux bouteilles. Deux grandes.
Après avoir stupidement serré mes sphincters dans le court escalator remontant vers le rez-de-chaussée, je me mets à traverser les rayonnages textiles comme un triathlète, et dans un effort final, je parviens enfin à m'extirper de la grande surface. J'attéris dans la rue bondée comme si je sortais d'un sex-shop. Je suis en nage.
Dehors, il gèle à pierre fendre.
Dehors, il gèle à pierre fendre.
J'ai toujours détesté les après-midi.
J'ai faim.
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