mardi 5 avril 2011

Existence monospaciale



La révolution Fordiste ? Payer les ouvriers davantage mais cependant toujours pas assez, juste pour qu’ils ne soient plus inquiétés par de potentielles catastrophes matérielles tout en devenant dépendant de cette fonction qui les en écarte : l’ouvrier est dès lors assujetti à sa chaîne (de montage), invention génialement machiavélique qui permet d’astreindre l’homme à une tâche réduite à son strict minimum qu’on lui assigne dans le but, à moyen terme, qu’il finisse par devenir lui-même client du produit de sa propre production dont il n’est cependant jamais qu’un rouage ignare.

Je suis donc l’ouvrier Ford de ma vie : j’enchaîne des journées dépourvues de sens et de lecture, libérées du passé et du futur, réduites à un présent aveugle, assignées à des tâches insensées, et je les accumule dans l’espoir de « gagner ma vie » à long terme, c'est-à-dire de me rendre finalement, à l’aide de la somme de ce labeur que je sais abêtissant, une vie qui pourrait retrouver du sens.

Pour autant, cela n’interviendra, je le sais déjà, que dès lors que je n’aurai plus aucun moyen personnel de m’y adonner, ayant définitivement perdu le goût de l’élévation, de la réflexion, de l’appréciation du temps, de l’espace et de l’univers.

Alors je me révolte, et retourne en dehors de l’usine parcellaire d’une vie en infinie construction. Et là, que vois-je ?

Rien.

Une vie déconstruite dont je ne suis plus parcelle, et dont me sont restituées les rennes inutiles dont je ne sais que faire.

Mais je suis un autre ouvrier, malgré tout : l’ouvrier de ma décadence. Car à bien y réfléchir, j’en veux pas, de Ford. Les voitures, ça pue, ça pollue et ça sert pas vraiment à grand’chose à part de se sentir mieux qu’un ouvrier. Contremaître.

Tiens.

Si j’essayais de devenir Contremaitre de ma vie ?

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