mercredi 4 mai 2011

A quand une troisième Servitude ?



Fabrice David et Eric Bourgier sont deux nerds voisins, issus de l’univers des jeux de rôles. Ils se fendent en 2003 d’un premier album de BD ovni, « Live War Heroes », très codifié « S.F », qui revêt la caractéristique (désormais très rare) d’être un “One Shot” (donc un volume unique).
De leur propre aveu, il ne s’agit déjà plus ou moins que d’un “test” d’apprentissage du médium BD, en vue d’une série bien plus ambitieuse : « Servitude ». Le travail de cette série, au nombre de volumes prédéfini à 5, est d’ailleurs déjà largement entamé lors de la sortie de « Live War Heroes ». Ancrés dans la méthodologie du jeu de rôle, les deux auteurs progressent selon un procédé complet : sculptures, maquettes, textes, travaux de recherche et de documentation, voyages sur sites, épures constituent un corpus préambulaire à l’accouchement graphique de l’histoire, qui ne retient d’ailleurs qu’une portion congrue de cet immense travail auquel les auteurs s’astreignent, dans le seul but de s’imprégner personnellement de l’univers dans lequel ils souhaitent faire évoluer leurs personnages.
Si le graphisme et le scénario de « Live War Heroes » est prometteur, le bond en avant que représente les deux premiers volumes de « Servitude » est sidérant. Le dessin de Bourgier est bluffant, magnifié par une mise en couleur directe : là encore, à l’ère du « tout numérique », le dessinateur fait figure de dinosaure. Ses traitements, tout en dégradés de sépias et demi-teintes - plutôt contraire aux codes flashy de la maison « Soleil », très axée Manga – est réalisé à même les planches, avec un risque évident de « ratage » qui place d’emblée la barre très haut. D’ailleurs, au-delà d’une technique de dessin imparable, la maîtrise des architectures s’étale à tours de pages sans jamais rentrer en conflit avec l’intelligence et la précision du traitement graphique des personnages. On a bien là affaire à un puriste touché des dieux : son trait est celui d’un esthète, son encrage celui d’un maître, le découpage des cases et la rythmique qu’il assigne dignes d’un grand réalisateur. Quant au scénario, outre une complexité et une richesse qui saute aux méninges dès les premières pages (où l’on comprend que rien ne sera fait pour faciliter une lecture anticipée des intrigues, des temporalités ni des dénouements, sans pour autant qu’on ne rentre dans le travers de la noyade volontaire du lecteur), il délivre par paliers soigneusement élaborés des clefs précieuses qui tiennent le cortex en haleine. Le duo fonctionne donc à merveille, et c’est à un « détail » près qu’on prend la mesure du talent de ces deux « newcomers » dans l’univers de la BD : malgré l’étiquettage revendiqué de la série dans le genre « heroic fantasy », la quasi-totalité et de la mythologie de base , et des bestiaires ad hoc n’est jamais ici qu’évoquée, sans que les planches ni les intrigues ne se complaisent à faire défiler le lot habituel de créatures fantastiques de rigueur. Il n’est donc pas ici question de concourir dans la catégorie du « monstre le plus original » ni de l’entité « la plus éthérée », et même si l’univers de « Servitude » inclut son incontournable quota de « fantaisies », c’est bel et bien définitivement grâce aux seuls personnages, et au travers de leur humanité qu’elles s’évoquent. Du grand Art.
Pour finir, rajoutons que « Drekkars », le Livre II, n’est sorti qu’en novembre 2008, soit 18 longs mois après « Le Chant d’Anoroer » paru en mai 2006, et que depuis, j’ai rejoint la confrérie de ceux qui pètent les plombs dans l’attente du Livre III, toujours mystérieusement en préparation depuis…



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