Le magazine « Elle » n° 3535 contient 233 pages, dont 167 pages de publicité. Ca fait presque 1 page sur 4 (ou 72% de la pagination, pour les statisticiens en herbe). Des pages de publicité pour Chanel (double page), Dolce & Gabbana (double page), Dior (double page), Céline (double page), Saint-Laurent (double page), Georgio Armani (double page), Louis Vuitton. Des pages de publicité pour Rolex (double page) et Venetta. Des pages de publicité pour Cartier (triple page). Des pages de publicité pour Ralph Lauren et Bulgari (4 pages). Des pages de publicité pour Prada. Des pages de publicité pour Yves Saint Laurent (double page avec échantillon). Des pages de publicité pour Hogan. Des pages de publicité pour Kenzo. Des pages de publicité pour Clarins et Lancel (double page). Des pages de publicité pour Lolita Lempicka. Des pages de publicité pour Moschino. Des pages de publicité pour Sisley et Hugo Boss. Des pages de publicité pour Anne Fontaine. Des pages de publicité pour Forte Forte, DSQUARRED2 (double page), Boucheron. Des pages de publicité pour Santoni et Estée Lauder (double page).
Des pages de publicité pour Liu-Jo. Des pages de publicité pour Bash. Des pages de publicité pour La Prairie (3 pages). Des pages de publicité pour Geox. Des pages de publicité pour Pierlot. Des pages de publicité pour Ventcouvert, Maje (double page) et Fiat. Des pages de publicité pour Max&Moi. Des pages de publicité pour Nuxe et Sandro (double page). 6 pages de publicité littéraires particulièrement étonnamment affreuses qui donnent soudainement l’impression de feuilleter un catalogue France Loisirs. Des pages de publicité pour Twin Set (double page), Fendi, Loriblu, Caroll, Tamaris, Sephora et l’Occitane. Des pages de publicité pour Furterer, L’Oréal (double page avec échantillon), Pierre Marionnaud, Garnier et Timothée (double page). Des pages de publicité pour Tissot, Jacques Dessange et Nivea. Des pages de publicité pour Kate Spade et Coiffirst. Des pages de publicité pour Crème de la Mer (double page), Camille Albane et Canal +. Des pages de publicité pour Emmanuelle Kanh, pour Isabel Marrant pour H&M (six pages), pour Phyto ; et un dossier de pages de publicité pour « le Luxe » et toutes ses grandes marques (vingt pages). Des pages de publicité pour Klorane, Philips, Forte Pharma et Oenobiol. Des pages de publicité pour RTL. Des pages de publicité pour Chérie FM. Des pages de publicité pour la GMF et pour EDF. Des pages de publicité pour Bioderma. Des pages de publicité pour Nostalgie, Rolex (tiens, encore…), puis trois pages de publicité ratées pour des entreprises locales dans le cahier « spécial Avignon » puis trois pages de publicité divisées en quatre pour des annonceurs maigrichons pauvres et enfin, des pages de publicité pour Ofée et Dior (tiens, encore).
Il y a aussi sept pages d’auto-publicité pour ELLE, toutes ratées, laides et dysfonctionnelles au point qu’on se demande si ce n’est pas un choix délibéré visant à mieux laisser les autres annonceurs truster la hypitude du ELLE n° 3535, tout en occupant quand même pas moins de 4% du volume publicitaire : un publi-reportage sur le photographe de ELLE Peter Knapp, une page de publicité pour ELLE Décoration insérée au milieu des publicité littéraires - ce qui est drôle -, une page de publicité pour s’abonner à ELLE, une page de publicité pour lancer le ELLE version homme (qui s’appelle MAN parce que LUI c’était déjà pris), une page de publicité pour le site internet de ELLE, et pour finir, une page de publicité pour la boutique en ligne du site internet de ELLE.
Sachant que ELLE est un magazine hebdomadaire, et si l’on se base sur cet échantillon n° 3535 comme étalon, le volume de pages publicitaires atteint 668 pages pour 1 mois, soit 8 016 pages de publicité en un an.
Il reste 66 pages du magazine ELLE n° 3535 qui proposent quelque chose à lire.
Si l’on ôte les 3 pages dédiées aux prédictions (horoscopes et numéroscopes), la page faisant mention des informations légales (régies, crédits et contacts), une page de bande-dessinée, 6 pages de fiche-cuisine, 14 pages « spécial cheveux », 4 pages dédiées aux Fashion-weeks (de Paris, de Londres et de Milan) et une page de sommaire, le magazine ELLE n° 3535 propose finalement 35 pages de sujets à lire, ce qui est drôle pour le magazine numéro 3535.
Dans ces 35 pages, on trouve en vrac un cahier « spécial Avignon » qui répertorie en 4 pages quelques spots branchouilles, un reportage sur quelques spots apparemment sympas au Maroc, un interview de l’actrice Jasmine Trinca qui nous renseigne sur ses pâtes préférées, un autre sur Arié Elmaleh qui nous informe de ce qu’il met dans son lecteur DVD, un témoignage intitulé « 5 jours pour le tromper » qui ne va pas sans faire écho au pitoyable créneau télévisuel de feu Jean-Luc Delarue repris par la si capillairement charismatique Sophie Davant, et un billet d’humeur d’Alix Girod de l’Ain sous le pseudonyme du « Dr Aga », qui fait un point sur les ruptures dans les couples de stars avec un ton badin qui lui donne – à tort- l’impression de ne pas faire du Voici pour bourgeoises.
Le magazine ELLE n° 3535 propose donc finalement 26 pages de sujets à lire.
Parmi ces 26 pages, relevons comme leitmotiv un voisinage de sujets incroyablement improbables, ce qui fait, à priori, le charme du ELLE n° 3535 : le cancer du sein V.S « la méditation sur son lieu de travail », un ITW de Rama Yade V.S un ITW de Naomi Watts, un ITW de Karl Lagerfeld V.S une étude comportementale d’Angela Merkel V.S une critique TV de « Danse Avec les Stars », un témoignage d’une instit lesbienne ex-taularde droguée V.S un sujet scienti-ménager sur le sucre « pire que la coke », un sujet sur « La descente aux enfers » de la neo-starlette Sky Ferreira V.S un flash-info sur les rescapés du massacre terroriste aveugle de clients blancs et/ou friqués d’un hypermarché au Kenya, l’annonce de libérations de femmes détenues prisonnières au Liban V.S un topo mode sur les ennuyeuses excentricités vestimento-capillaires de Rihanna, un pamphlet sur les hommes qui ne prennent pas de congé parental V.S un pamphlet d’Iman Bowie et Naomi Campbell sur la ségrégation raciale dans le choix des mannequins de défilés de luxe, un sujet d’indignation vis-à-vis de l’hebdomadaire allemand « Die Zeit » qui conspue les femmes françaises sur la qualité de l’éducation donnée à leurs enfants V.S un topo mode sur les ennuyeuses excentricités vestimento-capillaires de Pharell Williams, un sujet sur la rage des WASP américains à l’encontre de la nouvelle Miss nationale d’origine indienne V.S un portrait de 12 nouvelles animatrices du PAF « déchaînées » (dont 5 œuvrant chez Canal +), un ITW de Laure Adler V.S un ITW de Régine Deforges, un sujet sur l’incontournable pop singer Lorde V.S une chronique de l’incontournable pop-writer Nicolas Bedos, et un sujet sur « Retour au Pensionnat » sur M6 V.S un article sur l’exposition sur les escarpins Vivier.
Restent les pages Culture, sur lesquelles cette étude anthropologique inutile –et très fastidieuse, avouons-le – s’achève.
Au rayon cinéma, on se flingue le moral au choix avec ou un (sordide) film sur l’euthanasie mettant en scène une trop jolie Jasmine Trinca, on révise son adulation merdico-moderne entre le biopic-buster sur Lady-Di avec une Naomi Watts minaudeuse et le thriller conspirationniste sur les dernières heures de Kennedy, et pour finir, on révise son degré de hype avec l’hommage onaniste d’Arielle Dombasle à Cocteau mettant en scène le sur-hipster Grégoire Colin ou l’adaptation ciné du piteusement célèbre « 50 nuances de Grey » mettant au casting la très 80’s fille de Don Johnson et Mélanie Griffith ; on retiendra un potentiel beau moment de tristesse auto-flagellante avec « La Vie Domestique », sorte de « desperate housewife » à la française (donc très dépressif) mettant en scène la toujours troublante Emmanuelle Devos.
Au rayon petit écran, délectons-nous d’un –court - portrait en opposition de Géraldine Pailhas (pour laquelle tout lecteur de « La Petite M » ne peut plus ignorer mon penchant) et Marie-Josée Croze (pour laquelle je penche en fait pas mal aussi).
Au rayon Beaux-Arts, extrayons du fatras mentionné ci-dessus, d’une part l’exposition au Grand Palais de l’inclassable suisse Felix Vallottin, mort au siècle dernier, dont la peinture m’émeut au plus haut point, et de l’autre, celle du très jeune (35 ans) Grégory Derenne à la Villa St Cyr, dont la peinture très figurative, inquiétante et flashy, saute irrémédiablement à la figure.
Mettons en opposition la brève sur le côté sympathiquement iconoclaste (mais très hype) de la dernière pochette de MGMT dont la musique inutile ne présente en soi qu’un intérêt pour le moins très modéré, avec cette brève sur le sidérant « Détachement féminin rouge », ballet de propagande mythomane Maoïste illuminé ressuscité de ses cendres (sanglantes) par le Ballet National de Chine pour le théâtre du Châtelet.
Enfin, attaquons-nous à la substantifique moelle du rayon littéraire (toujours très fourni dans ELLE), où se côtoient sans gêne un roman d’Isabelle Monnin dans lequel il faut se « laisser happer par le charme d’une famille pas comme les autres, où les garçons portent des noms d’arbres et les filles de noms de fleurs » (ouch) avec celui de Thomas Clerc qui « dresse l’inventaire de son appartement, notamment de sa penderie, dans laquelle il tombe sur un imperméable Burberry qui lui valut un jour d’être traité de « Belmondo » » (yeah). Trébuchons sur une « liste des envies » de l’insupportable Alexandre Jardin (essuyez-vous la bouche après avoir craché) puis sur un non moins inutile « Neverdays » d’Alizée Meurice dans lequel « un acteur archiconnu se fait injecter, dans une clinique spécialisée, un produit qui le transforme pour un temps limité en citoyen lambda, de taille moyenne, avec un début de bedaine » pour s’avachir sur le roman de jeunesse ce Richard Powers qui sait « hisser son lecteur jusqu’aux sommets étincelants de son intelligence » (sic !) : à la fois biologiste, historien, informaticien, ce génie qui explique essayer de « stimuler toutes les régions du cerveau, pour que l’on goûte le plaisir de les sentir raisonner » ne semble pourtant juste pas, c’est bête, posséder ce qui intéresse un lecteur : la qualité d’écrivain (ni la modestie, d’ailleurs). Passons sur les 4 pavés consacrés à Kennedy (en plus du film mentionné ci-dessus) : ce n’est pas tous les jours qu’on commémore les 50 ans de la mort d’une idole invérifiable (donc pratique à vénérer) pour atterrir sur deux coussins moelleux : le thriller léché de Juli Zeh (bon sang, quel nom d’auteur de roman !) dans lequel « un couple de vacanciers pervers » vont « en faire baver » à leur moniteur de plongée ( « A peine sont-ils installés que les coups tombent – Theo a la main dure et Jola encaisse -, les sessions de plongée tournent aux tentatives de meurtre (elle lui coupe l’arrivée d’oxygène ou le pousse sur une raie torpille) au milieu des humiliations (« les yeux braqués sur le sexe de Sven : Regarde, ça c’est du matos ») d’une part, et de l’autre, une réédition relookée des 8 merveilleux romans de Roald Dahl (à qui l’on doit, entre autres, « Charlie et la Chocolaterie ») illustrés par Quentin Blake.
Clap de fin.
Voilà deux semaines (si si ) que je patauge dans le ELLE n° 3535. Merde, le n° 3536 est là que j’ai à peine effeuillé et dès demain matin, le 3537 tombera déjà dans la boîte au lettres. Dire que cette semaine encore, je n’aurai ni le temps d’aller au ciné, ni le courage d’aller acheter un seul roman supplémentaire, ni la perversité de faire la cuisine avec un magazine ouvert sur mes genoux, ni d’aller à Paris pour voir tout ce qu’il y a de bien à voir à Paris, ni la présence d’esprit de soigner mes cheveux avec des onguents miraculeux quand je me laverai la tête.
Maudite vie moderne.
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