Dans les livres que je
lis, des kamikazes de factions rivales se font exploser en plein milieu des
foules, par haine et par désespoir. Dans les livres que je lis, respirer est
devenu dangereux selon les heures du jour ou des conditions météorologiques. Dans
les livres que je lis, des satellites en orbite peuvent, en tournant sur
eux-mêmes grâce à des salles de commande enfouies, repérer la position d’un
individu n’importe où sur la surface du globe ; dans les livres que je
lis, des avions peuvent voler sans pilote et larguer des bombes sur un point
précis. Dans les livres que je lis, on peut se faire remplacer des membres ou
des organes par des machines, se faire implanter des puces électroniques sous
la peau ou modifier son corps en augmentant ou réduisant son volume. Dans les
livres que je lis, deux camps s’affrontent, celui où l’on meurt de trop manger,
et celui où l’on meurt de faim. Dans les livres que je lis, on enfante et
procrée sans plus de rapport sexuel. Dans les livres que je lis, on peut se
parler et se voir instantanément depuis n’importe quel point du globe.
Dans les livres que je lis, on peut influer sur la pluie. Dans les livres que je lis, tant d’avions traversent le ciel au dessus des continents qu’il faut un code de la route aérien, avec des feux rouges, des stops et des chauffards. Dans les livres que je lis, tant de bateaux sillonnent les océans que des frontières et des routes ont été inventées sur la surface de l’eau. Dans les livres que je lis on peut choisir de changer de sexe ou rester à l’interface des deux sexes, sans option tranchée. Dans les livres que je lis, les transports en commun n’ont plus de chauffeur. Dans les livres que je lis, le choix de ce que l’on mange est réduit à deux ou trois variantes déjà prêtes dans des emballages stériles qui se réchauffent sans feu ni flamme, et dont le contenu est devenu une information sans consistance. Dans les livres que je lis, les animaux ont disparu de la surface de la terre pour être enfermés dans des hangars hermétiques. Dans les livres que je lis, les être humains s’enferment eux aussi dans des hangars hermétiques où ils courent sur place, rament sur place, transportent des charges sur place, pédalent sur place ou dansent en se tournant le dos, pour empêcher leur corps de dégénérer. Dans les livres que je lis les pluies sont dangereuses, le soleil un ennemi, les insectes devenus des virus et l’eau potable une menace. Dans les livres que je lis, les animaux sont nourris avec la chair de leurs semblables, les poissons sont obligés de manger de la viande, et tous sont également, à heure régulière, maintenus sous des protocoles médicamenteux initialement destinés aux humains. Dans les livres que je lis, les arbres sont abattus pour ériger des panneaux géants vantant la nécessité de préserver la nature. Dans les livres que je lis, les histoires du soir sont racontées aux enfants par des boîtes qui ne parlent plus des ancêtres ni de la magie, parce que les ancêtres sont enfermés entre eux dans des hangars hermétiques pour ne pas porter ombrage à la boîte et que le mystère de la magie a été renié au profit de dieux totalitaires. Dans les livres que je lis, les chansons sont chantées dans des machines qui les diffusent si fort qu’il faut mettre des bouchons dans ses oreilles pour pouvoir les écouter sans souffrir. Dans les livres que je lis, la poésie n’existe plus. Dans ces livres que je lis, des livres de Science Fiction ou d’Anticipation, des hommes rêvent le monde tel qu’il risque d’être sans la sagesse, l’enchantement, la curiosité, l’instinct, l’intelligence, l’humanité ni l’amour qui, heureusement, nous constituent. Le plaisir que je prends à les lire est celui du frisson délicieux de la peur de l’improbable, le frémissement à l’idée du fou, l’émotion à l’évocation du mal. Puis je retourne à notre monde bienheureux, et me réjouis.
Dans les livres que je lis, on peut influer sur la pluie. Dans les livres que je lis, tant d’avions traversent le ciel au dessus des continents qu’il faut un code de la route aérien, avec des feux rouges, des stops et des chauffards. Dans les livres que je lis, tant de bateaux sillonnent les océans que des frontières et des routes ont été inventées sur la surface de l’eau. Dans les livres que je lis on peut choisir de changer de sexe ou rester à l’interface des deux sexes, sans option tranchée. Dans les livres que je lis, les transports en commun n’ont plus de chauffeur. Dans les livres que je lis, le choix de ce que l’on mange est réduit à deux ou trois variantes déjà prêtes dans des emballages stériles qui se réchauffent sans feu ni flamme, et dont le contenu est devenu une information sans consistance. Dans les livres que je lis, les animaux ont disparu de la surface de la terre pour être enfermés dans des hangars hermétiques. Dans les livres que je lis, les être humains s’enferment eux aussi dans des hangars hermétiques où ils courent sur place, rament sur place, transportent des charges sur place, pédalent sur place ou dansent en se tournant le dos, pour empêcher leur corps de dégénérer. Dans les livres que je lis les pluies sont dangereuses, le soleil un ennemi, les insectes devenus des virus et l’eau potable une menace. Dans les livres que je lis, les animaux sont nourris avec la chair de leurs semblables, les poissons sont obligés de manger de la viande, et tous sont également, à heure régulière, maintenus sous des protocoles médicamenteux initialement destinés aux humains. Dans les livres que je lis, les arbres sont abattus pour ériger des panneaux géants vantant la nécessité de préserver la nature. Dans les livres que je lis, les histoires du soir sont racontées aux enfants par des boîtes qui ne parlent plus des ancêtres ni de la magie, parce que les ancêtres sont enfermés entre eux dans des hangars hermétiques pour ne pas porter ombrage à la boîte et que le mystère de la magie a été renié au profit de dieux totalitaires. Dans les livres que je lis, les chansons sont chantées dans des machines qui les diffusent si fort qu’il faut mettre des bouchons dans ses oreilles pour pouvoir les écouter sans souffrir. Dans les livres que je lis, la poésie n’existe plus. Dans ces livres que je lis, des livres de Science Fiction ou d’Anticipation, des hommes rêvent le monde tel qu’il risque d’être sans la sagesse, l’enchantement, la curiosité, l’instinct, l’intelligence, l’humanité ni l’amour qui, heureusement, nous constituent. Le plaisir que je prends à les lire est celui du frisson délicieux de la peur de l’improbable, le frémissement à l’idée du fou, l’émotion à l’évocation du mal. Puis je retourne à notre monde bienheureux, et me réjouis.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire