vendredi 11 juin 2010

Mon pathétique quart d'heure "Damien Saez"

Quelle confusion face à ce monde absurde… Si la vie elle-même est un non-sens, qu’il faille de surcroît accepter de livrer à nos propres enfants ce dramatique héritage du nœud gordien d’une quête de sens sans Graal aucun, ce que font les hommes modernes entre eux est encore plus incompréhensible : je regarde, vidé de substance devant mon écran de télé, de petits guerriers pervers, rouages d’une machine infecte, dénoncer leur auto-système à coup de preuves flagrantes aux gens qui ont à le subir.
Bien au-delà des ravages de ces mondes cloisonnés laissés à ceux sur le dos desquels nous avons bâti nos temples, et dont il nous faut désormais nous abreuver par repentir, là, à quelques encablures à peine, le paradoxe de notre propre monde est exponentiel, alimentant sa propre folie : à la table de mon inscription dans cette société déclinante, des choses révoltantes sont mixées devant moi dans la purée qu’il me faut avaler, et je m’en indigne dans une légitimité qui semble soudain m’avoir été soufflée : des dizaines d’émissions se gargarisent de l’extrême servilité de notre soumission : salaires exorbitants d’élus aux fonctions incompréhensibles et cumulées, retraites dorées, dépenses inacceptables et mégalomaniaques, profits immondes, clanismes abrutissants et exclusifs, petits et grands opportunismes, empoisonnements organisés, la liste se déroule devant moi, fracassant tout embryon de morale sans le moindre signe de raison, dans les grandes longueurs, avec force détails, sur les media les plus institutionnels, à des heures où la certitude d’une audience record est acquise…
Réfléchissons : on me donne à visionner, adoubé, avalisé, un mille feuille d’abominations voisines. Qu’attend-on de moi ? Les humains mes compatriotes, responsables de ce machiavélisme, me donnent d’eux-mêmes à voir l’étendue de leur ignominie : pour quelle diable de raison ? Pour que je m’en indigne dans cette humiliation terrible où, secoué par ce monceau d’injustice et sidéré par la dimension du toupet consistant à mettre en œuvre des moyens titanesques pour me révéler au grand jour, dans une mise en scène ignoble, le viol de leurs inavouables secrets, je regarde ébahi, comme tant d’autres, un processus fou dégueulé dans mon salon, qui projette sans plus aucune pudeur l’étendue d’une infinie cruauté.
Je me sens alors étouffé, meurtri, et là où seule la condamnation d’exister m’avait parue jusqu’alors la plus terrible des sentences, voilà qu’une nouvelle peine émerge : il me faut regarder les maîtres d’un jeu dans lequel je me suis jeté se railler de l’effondrement de mon amour-propre au point de me jeter à la face avec détermination la terrible vision de leur impunité.
Nous sommes d’abominables créatures : moi parce que j’ai oublié de quelle façon l’on se révolte, eux parce qu’ils crèvent d'envie que je retrouve la mémoire.
Là où ils exigent une limite à mon acceptation, démultipliant les témoignages de leur démesure dans une folie perverse en quête d'un souffle mutin, moi j’avale mon vomi, écœuré de ma propre léthargie.
Et des milliers de rats déambulent régulièrement dans mes rues en brandissant de ridicules pancartes, branlant la bite turgescente de leurs bourreaux jusqu'à l'éjaculat.

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