mardi 8 janvier 2013

Bon sang de merde...

Les rétrospectives de fin d’année, c’est un peu comme se retrouver dans un local lambrissé marron punaisé d’affiches obsolètes et orné de drapeaux flétris à faire un reportage sur une réunion d’anciens combattants pour les pages locales d’un journal en rupture de lectorat… Eux tiennent qu’on se souvienne de quelque chose que tout le monde a voulu oublier à un moment ou à un autre, alors que d’autres mémoires évasives les ont déjà classés d’un regard avec cet automatisme pragmatique du cortex moderne dans le tiroir d’une mémoire de papier quelconque, ignorant dès lors leur supplique amère pour les dépasser en les laissant vibrer seuls, entre eux, au rappel de fantômes n’ayant plus d’autres reliefs que ceux raccrochés à leur propre survivance. Pourtant, il suffirait de ces quelques minutes nécessaires à dépasser la cruelle ironie de leurs tenues ridicules et trop bien repassées, de ces fanions écarlates et de ces corps abandonnés au temps, pour qu’une magie disgracieuse opère. Parce qu’invariablement une vie ancienne en vaut une nouvelle, qu’un souvenir en appelle un autre, rien ne ressemblant plus à un aïeul qu’un autre aïeul, un détail à un autre détail, une journée d’hiver à une autre journée d’hiver. J’ai posté sur ce blog cent-quatre-vingt-dix-huit messages en trois ans, et dix-mille-neuf-cent-soixante-seize êtres humains y sont passés, à un moment ou à un autre, avant d’en oublier le contenu aussi vite. En ma qualité d’ancien combattant de mon conflit personnel, qui fût, soyez-en sûrs, une vraie boucherie, je tente d’évaluer l’ampleur du phénomène et soudainement, me demande si je tiens vraiment à défiler dans ma tenue d’apparat. Après tout, ai-je vraiment quelque chose de significatif à commémorer ? Parmi ces cinquante-deux messages postés en deux-mille-douze, soit deux vidéos, deux liens numériques, trois listes, trois extraits, onze images et trente-et-un textes, tandis que je réalise un peu minablement n’avoir donc posté, si l’on s’en tient à une moyenne mathématique, qu’une seule chose par semaine, que reste-t-il de tangible ? En parcourant ces souvenirs égocentrés à la recherche de quelque chose qui s’en échapperait comme une sorte d’évidence à mettre en avant, quelque chose de fort et d’humble, de gracieux et de puissant, la morosité m’envahit. D’une part, l’exercice est diaboliquement fastidieux (que les dieux maudissent les boutons et les clics de ces machines au moyen desquels il est convenu de pouvoir « tourner des pages» avec une aisance toute virtuelle alors que l’on se retrouve à devoir ferrailler avec une intelligence artificielle dont la logique obtuse finit systématiquement par contrecarrer les impulsions corticales avec lesquelles l’âme humaine compose, et finit par opposer à une navigation plus assez linéaire à son goût des fins de non-recevoir catégoriques se traduisant par une espèce de bouderie infantile insupportable du type « si c’est comme ça je n’irai pas plus loin» ), et de l’autre, je m’enlise comme le ferait un de ces chasseurs américains du dimanche au volant de son Dodge dans la boue trop meuble d’un bord de rivière polluée, un fusil trop neuf, trop gros et trop dangereux enfoncé dans une housse sur la banquette arrière.
Au final, je retombe sur le tout premier message de cette entière année morte dont les ossements gisent encore là sans sépulture, et voilà qu’en guise d’épitaphe, je ne trouve rien à y ajouter : http://lapetitem.blogspot.fr/2012/01/i-survived-my-personal-riots.html



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