La première nait blonde en 1989
en Pennsylvanie d’un père conseiller financier héritier de trois générations de
présidents de banque et d’une directrice de marketing de fonds mutuels.
Elle passe son enfance dans une ferme de
onze hectares, ses vacances d'été dans une maison secondaire du New Jersey, et
se passionne pour l’équitation (papa possède plusieurs chevaux) et les comédies
musicales (maman lui paie des cours de chant et de comédie à Broadway).
Le second naît noir en 1933 à
Chicago, d’une maman qui va pas tarder à être internée pour maladie mentale. Y’a pas l’ombre
d’un dollar dans le foyer : Papa le ballade de ville en ville à la
recherche de petits jobs puis finit par s’installer dans la banlieue de Seattle.
New York l’ingrate se refusant au
talent de la petite blonde, elle se rabat sur la musique Country : à 11
ans, forte d’un prix à une compétition locale, maman la fait déménager à
Nashville, ce qui ne lui réussit pas plus : elle est rejetée par les
labels. A 12 ans, elle se dit qu’apprendre à jouer de la guitare pourrait
aider : elle apprend 3 accords avec un réparateur informatique pseudo-guitariste
et s’en sert illico pour écrire sa première chanson, avant que papa et maman,
ébahis par tant de ténacité, ne déménagent eux aussi pour Nashville (papa
change de banque) en faisant un « sacrifice incroyable » dont elle
dit elle-même, je cite : « Mes parents ont été jetés là-dedans (la
musique country) : nous n'avions aucune idée de ce que nous faisions. Mes
parents m'ont acheté un livre sur l'industrie de la musique ». Un livre
magique. Par lui, tout arrive.
Pour oublier qu’il a des habits
troués et une maman dingo, le petit noir s’installe souvent au piano de l’école
dont il apprend les rudiments tout seul, puis décide de se mettre plus
sérieusement à la trompette. Comme il est particulièrement doué, il arrive, du
haut de ses 13 ans, à convaincre le grand Clark Terry, de passage à Seattle
avec l’orchestre de Count Basie, de lui donner quelques leçons, et surtout de
précieux tuyaux (ce qui, lorsqu’on pratique la trompette, est toujours
utile) : en attendant de se faire un nom, il cire les chaussures.
Tout en
prenant les cours à domicile d’une école privée chrétienne, la petite blonde y apprend
comment maîtriser les rouages de l’industrie (ceux de la musique, nettement moins)
et grâce aux relations de papa, RCA Records se charge de son
« développement artistique » en la faisant participer à des séances
d'écriture aux côtés d'auteurs expérimentés. A 15 ans, elle quitte RCA qui
voulait attendre qu’elle soit majeure pour sortir un album (non mais ?) et
confie ses futures (?) éditions à Sony tout en signant avec un obscur
transfuge de DreamWorks Records (la branche « disque » de Spielberg)
dans la boîte duquel papa investit pour faciliter l’affaire. Ce producteur
auto-proclamé lui trouve un stage au Country Music Association’s Festival, puis
produit un premier disque (c’est la première fois pour lui aussi) en forme de « journal
intime, mélange entre country traditionnelle et guitares rock.» On est en 2006,
elle a 17 ans. Pop Matters, le New Yorker, Country Weekly et Rolling Stone
s’émeuvent avec des constations aussi élogieuses que « elle a les
yeux brillants mais (elle est) remarquablement expérimentée ».
Le truc avec le petit noir, c’est
qu’il traîne de plus en plus souvent avec un nouveau pote un peu plus âgé qu’il
vient de se faire, qui vient d’arriver en ville. Il est aveugle mais il a un
swing d’enfer, il a pas mal bourlingué et surtout, il vient d’enregistrer un
premier disque sous son nom. Ray, qu’il s’appelle. Ray trouve qu’il joue terriblement
bien de la trompette alors à eux deux,
ils écument les clubs de la ville. Notre petit gars finit par obtenir une
bourse pour le Berklee College of Music de Boston.
La maman de la petite blonde s’improvise
Agent et envoie des maquettes à toutes les radios du pays pendant qu’elle,
la petite blonde, cuisine des cookies et peint des toiles (?) pour tous
ceux qui s'occupent avec Maman de sa « tournée radio ». Pendant ce
temps, après avoir très bien lu son livre sur l’industrie de la musique, elle
applique les « recettes numériques » à la country, passant des heures
sur internet. Ses singles se vendent mieux, alors elle sort un album de Noël,
décroche des 1ère parties et c’est parti : nommée « Artiste
de l'année » aux Nashville Songwriters Association International, « Meilleure
nouvelle artiste » aux Country
Music Association Awards, « Nouvelle artiste féminine » aux Academy
of Country Music Awards et « artiste féminine préférée de la
country » lors des American Music Awards… et nommée aux Grammy’s
de 2008 dans la catégorie « Meilleur nouvel artiste » (mais là
c’est raté, y’a une certaine Amy Winehouse qui lui rafle le titre). Un
2ème album sort, et comme elle a vraiment bien lu son livre sur l’industrie
de la musique, elle prend du large avec la Country : l'album est décrit,
je cite, comme « bruyant avec des guitares et des refrains peu
entraînants », avec « un peu de violon et de banjo cachés dans
le mélange. » The
New York Times la décrit comme « l'une des meilleures auteures de
musique pop, pragmatique avant tout… », tandis que Rolling Stone souligne son « professionnalisme
presque impersonnel ».
Du côté du petit noir, le destin
le rattrape : il arrive à intégrer l’orchestre de Lionel Hampton comme
trompettiste…et arrangeur. Bon, le salaire est miteux, mais l’aventure
est super : elle dure 4 ans et lui assure une solide réputation, ce qui
lui permet de s’installer à New York où petit à petit, il joue de moins en
moins de trompette pour revendiquer une casquette de « arrangeur free
lance » : il a à peine 20 ans mais une oreille d’enfer, et surtout,
un sens des arrangements inné qui en fait la coqueluche des jazzmen. La liste
des artistes qui font appel à lui ne cesse de s’allonger : Gene Krupa, Sarah
Vaughan, Count Basie, et bien sûr, son vieux pote Ray, qui est désormais le
grand Ray Charles.
Avec une telle passion pour le
business (heu, pardon, pour l’Art et la musique), la petite blonde ne tarde pas
à décrocher tous les pompons de la profession (après avoir lancé une ligne de
robes d’été, une série de cartes de vœux et un modèle de poupée) : le premier single de l'album devient le
deuxième single le plus vendu de tous les temps, l’album reste 11 semaines en
tête du Billboard 2009 et elle effectue enfin (?) sa première tournée en
tête d'affiche : la mise en scène comprend un château de conte de fées et
un kiosque d'école secondaire. La tournée rapporte 63 millions $ (il
était drôlement bien, ce livre) et du coup, l'album est le plus récompensé dans
toute l'histoire de la musique country (puisque ce n’est déjà plus un album de
country). En septembre 2009, un délicat personnage
répondant au doux prénom de Kanye lui assure un buzz hors du commun en montant
sur la scène des MTV Video Music Awards pour lui jeter à la face que le
clip de sa copine Beyonce est bien mieux que le sien, fait un doigt d’honneur à
tout le monde et lui rend le micro, ce qui la fera beaucoup pleurer. Du coup elle remportera 4 Grammy’s en 2010. Na. (Bon,
pendant la cérémonie, elle joue ses chansons et sa voix est décrite comme
étant « fortement fausse », « étonnamment
mauvaise » et « incroyablement pitoyable » même
si la vieille chanteuse de Fleetwood Mac, elle, pense que « ce sont des
femmes comme elle qui vont sauver l'industrie musicale. » Elle a peut-être
lu le livre sur l’industrie, elle aussi.
A 23 ans, pour le petit noir, c’est
la consécration : il est engagé par Dizzy Gillespie comme
trompettiste et directeur musical de son big band : le voilà à enregistrer
son premier disque comme chef d’orchestre pour « ABC Paramount Records ». En 1957, à 24 ans, il s’installe à Paris pour
étudier auprès de l’immense Nadia Boulanger : en parallèle, il met
ses talents au service du plus gros label français du moment : celui d’Eddie
Barclay. Il y signera de sublimes arrangements pour Henri
Salvador, Charles Aznavour et même pour Jacques Brel. Sur sa lancée, il
forme un big band de 18 musiciens et part en tournée : et là, patatras, c’est
la banqueroute. Dépressif, à moitié ruiné, il quitte le rêve français non sans
avoir noué une relation privilégiée avec ce pays (que Jacques Chirac illustrera
en le faisant Commandant de la Légion d’Honneur en 2001).
La petite blonde sort un troisième album en
2010 dont elle a écrit les douze chansons toute seule, qui « s'étend
au-delà de la country-pop pour border à la fois le rock alternatif et la
Bubblegum pop ». Rolling Stone dit : « Taylor est peut-être
une pro habile de Nashville qui connait toutes les astuces pour faire d'une
chanson un hit, mais elle est aussi très nerveuse et hyper-romantique
(...) ». Elle devient porte-parole pour la marque CoverGirl
et lance son propre parfum. L’album est un succès commercial majeur, il se vend
à 5,7 millions d'exemplaires dans le monde entier. La tournée mondiale rapporte plus de 123 millions
de dollars. Octobre 2012, quatrième album. Elle expérimente le
heartland rock, le dubstep et la dance-pop. Le Guardian décrit l'album
comme « un autre chapitre d'un des plus beaux fantasmes que la
musique pop ait jamais construit. » Elle est la première artiste
féminine à avoir vendu près de 2 millions d'albums, une semaine seulement après
sa sortie. A ce stade, depuis ses débuts, elle a vendu plus de 26 millions d'albums et enregistré
75 millions de téléchargements de ses chansons.
Pour le petit noir, c’est back
to USA pour redevenir arrangeur puis directeur musical de Mercury Records :
le retour aux sources est heureux, il le propulse définitivement dans la cour
des grands aux côtés de Frank Sinatra, de
Barbra Streisand ou encore de Tony Bennett, dont il signe tous les
arrangements. A 31 ans, il est nommé vice-président du label : on est en
1964. Au-delà de « s’amuser » à composer des musiques
de film et de séries (on lui doit une liste titanesque de chefs d’œuvre), il
milite activement aux côtés de Martin Luther King et de Jesse Jackson, et
continue à enregistrer des disques sous son nom qui s’écartent
significativement du jazz pour pencher vers le rhythm and blues, le funk et
la pop.
4ème album pour la petite blonde, octobre
2014. Elle devient la seule artiste de l'histoire à vendre consécutivement
trois albums à plus d'un million de copies aux États-Unis, la semaine de
leur sortie. En février 2015, elle est couronnée par la Fédération
Internationale de l'Industrie Phonographique, certainement parce qu’elle a très
bien lu le livre qui parle d’elle (la fédération).
C’est pendant que le petit noir assure
la direction musicale du film The Wiz pour la Motown qu’il croise la route du
jeune Michael, qui cherche à entamer une carrière solo après le succès
fracassant qu’il a rencontré avec ses 4 frères : l’alchimie est immédiate.
Ensemble, ils sortent 3 albums qui marqueront définitivement l’histoire de la
pop music : Off The Wall en 1979 - sur lequel figurent, entre autres, des
compositions de Paul Mc Cartney et de Stevie Wonder -, Thriller, à ce jour l'album
le plus vendu de tous les temps, et pour finir, Bad (plus de 30 millions d’ex
vendus).
5ème album, octobre
2017 : la petite blonde devient la première chanteuse à avoir passé quatre
fois le cap du million de ventes en une semaine. La tournée cumule 180 millions
de dollars en sept jours. La petite blonde a 28 ans et l'amérique friande de diminutifs débiles la surnomme TayTay.
My Taylor is rich.
On garde en tête l’incroyable
liste des hits arrangés par le petit noir, Quincy, dit « Q » : de Louis
Armstrong à George Benson, de Sammy Davis Jr à Aretha Franklin, de Little
Richard à Nana Mouskouri, de Chaka Khan à Donna Summer, ou encore de Barry
White à Amy Winehouse, les morceaux qui ont fait danser la planète sont légion, sans compter des pans entiers de la discographie de
Frank Sinatra, de Count Basie, de Ray Charles, de Billy Eckstine, d’Ella
Fitzgerald, de Dizzy Gillespie et de Sarah Vaughan.
Quincy Jones et Frank Sinatra |
Taylor Swift et Kanye West |
Quincy Jones n’a pas dû lire le livre sur l'Industrie musicale. A vrai dire, on ne
peut pas faire l’histoire et lire comment la faire en même temps.
Blame it on
the boogie.
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