Le cépage Chardonnay est originaire de Bourgogne, c’est-à-dire qu’il possède déjà l’avantage délicieux d’être à l’origine de vins faisant ouvertement la nique à cette avalanche écœurante de Bordeaux infects qui envahissent les rayons de supermarchés. Le cépage Chardonnay réussit d’ailleurs partout, et notamment en Amérique latine, où il donne corps à certains vins chiliens ou argentins qui sont de pures merveilles, sans parler de ces vins californiens (attention, terrain miné !), voire australiens (à vérifier ?) qui tiennent parfois la dragée haute aux plus nobles productions de l’ancienne Burgondie. Bref, passons.
Ici, s’il est question d’une de ces implantations pittoresques, il ne sera pas nécessaire de franchir de si lointaines frontières, et pourtant : une autre production surprenante, en se déplaçant jusqu’en Drôme, département de « l’enclave des Papes », se tient là entre les mains d’un certain Didier Cornillon.
A quelques 600 mètres d’altitude, versant plein sud, un raisin Guyot court pousse sur du cailloutis drômois, en plein diois, et donne naissance à un blanc 100% Chardonnay sans aucun levurage, à la couleur singulière d’une paille claire traversée de reflets jaunes et verts liquoreux : Le Clos de Beylière.
Ce qui déroute dans ce vin, au-delà de cette couleur mystique, ce sont ses arômes : par delà « une approche boisée à caractère torréfié », ils s’expriment, « compotés et bouquetés », tout en s’égayant de notes très épicées qui explosent en bouche comme un pot pourri de fleurs séchées, de fruits cuits et confits, puis, venant couronner le tout, ces notes de pain d’épice à la vanille et de curry viennent achever ce festival végétal à la puissance qui force le respect. Un blanc incroyable, sans aucune concession, iconoclaste, racé, qui ne peut se conseiller qu’avec des mets eux-mêmes têtus : poulets aux morilles, oies, terrines de foie de volailles, filets de St Pierre au gratin, St Marcellin, Comté fruités ou Roquefort vieillis : la capacité de ce vin à surprendre, sa volonté affichée de ne pas se plier aux standards en revendiquant un caractère entier et calculateur m’en font un délice au palais, redoutable par son fort TAVP (taux d’alcool volumique probable : j’adore cette abréviation…), offensif par son indépendance, il ne manque jamais de cueillir ses consommateurs là où ils ne l’attendent jamais, chacun de ses détracteurs me le rendant plus précieux encore… Vin pictural, chamanique et monacal : il refuse la débauche tout en soignant l’ivresse, embellit l’haleine au lieu de la charger, enlumine l’excès mais interdit la surcharge, et oblige à une modestie délicieuse en ces temps de turpitudes viticoles faites de maux de têtes et d’acidités fatales. Oyez, buveurs cérémonieux : que le Clos de Beylière vous soit offert au palais pour que ce jour là soit jour de fête.
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