mercredi 3 octobre 2012

Et aux mal nées, quelle valeur, pour quelles années ?

Est-ce que vieillir c’est regarder filer les minutes en s’effrayant de sa propre inertie, au lieu de s’ennuyer de façon agréable ? Est-ce que vieillir c’est se familiariser avec l’envie du sommeil, après avoir tant honni l’idée même de s’allonger avant de ne plus arriver à tenir une paupière ouverte ? Est-ce que vieillir c’est préférer déambuler la nuit à quelques encablures de chez soi, seul et le nez en l’air sans se soucier de l’heure, au lieu de traverser la ville à plusieurs d’un pas de course imbécile, l’aube dans le dos ? Est-ce que vieillir c’est aimer être chez soi, au lieu d’aimer avoir un chez soi ? Est-ce que vieillir c’est opter pour le vin et en boire beaucoup, même en sachant que le vin donne mal à la tête ? Est-ce que vieillir c’est réfléchir au marasme du lever au moment de déglutir et au final, s’angoisser à l’idée que se réveiller semble de toute façon rester, pour toujours, une épreuve ? Est-ce que vieillir c’est soudainement avoir peur d’être malade, au lieu de détester être malade ? Est-ce que vieillir c’est aimer manger un fruit à n’importe quelle heure, mais détester devoir les trimballer jusqu’à chez soi tout en bannissant de ses habitudes le fait de n’en acheter qu’un à l’étalage, avec une piécette ? Est-ce vieillir c’est s’occuper systématiquement de se nourrir ?  Est-ce que vieillir c’est arrêter d’aimer la musique pour ne plus s’émouvoir que de certaines musiques ? Est-ce que vieillir c’est se soucier d’être beau non plus pour paraître, mais pour arriver à être ? Est-ce que vieillir c’est s’épuiser pour choisir des vêtements, et donc acheter plusieurs fois les mêmes ? Est-ce que c’est arrêter de peindre ? Perdre plus de temps au contact d’un animal ? Est-ce que vieillir c’est craindre de devoir rencontrer un proche, hésiter à se sentir bien en sa présence puis grimacer sitôt que l’on est à nouveau seul ? Est-ce que vieillir c’est se languir de tuer les après-midi en caressant l’idée du crépuscule, et le crépuscule une fois venu, regarder finalement filer les minutes en s’effrayant de sa propre inertie ? Est-ce que vieillir c’est souhaiter ardemment rétrécir le dialogue pour flotter dans le règne cossu du monologue, comme dans un bain devenu froid ? D’ailleurs, est-ce que vieillir c’est se faire couler un bain et s’emmerder immédiatement dedans ? Est-ce que c’est commencer à compter avec circonspection les choses que l’on sait réparer ? Est-ce que c’est prendre un certain plaisir à allumer de très grosses bougies en même temps que des lampes de salon, mais détester avoir à les éteindre, et les lampes, et les bougies ? Est-ce que vieillir c’est, même en sachant que déplacer des objets, des choses ou des pensées pour les aligner reste vraiment vide de sens, éprouver une forme de nécessité à mettre de l’ordre ? Est-ce que vieillir, c’est se sentir devenir une sorte de... type ?

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