A la fin des années 80, le lo-fi attaquait l’industrie
discographique par le flanc en enfonçant avec une seule idée les rangs d’une course
technologique compacte marchant bravement, au son des dollars, vers les
lendemains qui chantent de notre époque : la qualité douteuse de l’enregistrement
contribue davantage à l’impact artistique de l’œuvre.
Un vieux débat sur la
forme et le fond, déterré d’on ne sait quelle musette arty d’un membre des
Seeds, de Pavement ou de Sebadoh (charge aux érudits de préciser l’Histoire en
commentaire).
S’en est suivi ce qu’on connait, bien au-delà du courant musical
le plus excitant des 20 dernières années : une déferlante de progrès manufacturé,
dont la politique industrielle de croissance nous a conduit tambour battant
jusqu’à l’affreux paroxysme de la téléphonie mobile, à travers laquelle la
société post-2000 vomit son non-sens hédoniste dans une jouissance consumériste
cathartique.
A la même fin de ces années 80 marquées par la pire
révolution de l’humanité en matière de consommation de biens et de services,
débarquait sur le marché l’Appareil Photo Jetable : un boitier en
plastique vendu déjà équipé d’un film, qui permettait au quidam
de prendre des photos prémâchées avec une seule sensibilité d’exposition, un
seul cadrage possible, et de jeter aux orties le boîtier au bout des 24 vues
avant d’apporter le fruit de ses prises à un laboratoire/comptoir - lui-même en
plastique – qui faisait développer tout ça à une machine sans que l’on ait la moindre idée du
résultat, sauf qu’il serait certainement pourri.
Nous sommes fin 2017. Je possède un téléphone mobile idiot, équipé d’une fonction
photo unique via un objectif exécrable que j’utilise depuis peu, le rendant
plus idiot encore car ambitionnant, malgré sa qualité technique ouvertement
dépassée, de m’offrir une « option » qualitative ridicule : avec
lui, j’ai décidé de constituer un témoignage éphémère de mes errances urbaines
débarrassé de toute tentation esthétique autre que le sujet lui-même, et l’instant
durant lequel je l’ai saisi.
J’enclenche cette fonction dans des conditions techniques ordinairement
complexes afin de faire émerger le plus d’aléatoire possible, et donc une
qualité d’image particulièrement médiocre, parce que cherche à restituer au
plus vrai l’état d’esprit qui génère ces clichés, tous pris à l’occasion de ballades
avec mon chien : la notion de « fidélité » y cumule le rapport
que j’ai avec mon animal avec cette idée simple que la fidélité de restitution
du réel de ces instants devient incontournable : brutes,
floues, instantanées et sans destination, elles sont d'une grande poésie, pleines de bêtises et relativement inintéressantes.
Voilà donc la première d’une série qui se prétend, pour l’heure, quotidienne.
Tôt à l'aube. Lever de soleil sur la ville depuis le bas de la colline du Château d'Eau - Marseille - Quartier Grande Semelle |
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