Et si on s’arrêtait deux minutes sur l’omniprésence
du terme « pouvoir d’achat », de quoi se mettrait-on à parler ?
Les gens aspirent-ils vraiment à cette collusion lexicale, à savoir détenir un
pouvoir, ce pouvoir étant défini par la capacité d’achat qu’il procure ? Dans
la notion « d’être en mesure de dépenser » (qui n’est pas forcément acquérir),
réside intrinsèquement la double notion
de subvenir à des besoins et de pouvoir répondre à certaines pulsions (induites,
pour la plupart) : or, l’achat doit-il être compris comme source de
bonheur, dans le sens de celui qui donne un sens à l’existence ?
Etre « en capacité d’acheter », est-ce l’accomplissement
actuel de la quête du bonheur ? La clé de
lecture contemporaine ? L’objectif visé ? La capacité d’achat
conditionne-t-elle la qualité de vie ?
Car acheter n’est pas être riche, ne confondons
pas. Revendiquer le droit d’être en capacité d’acheter, c’est aussi bien ambitionner
de dévaliser Netto, se gaver de Mc Do ou tuner sa Ford Fiesta. D’ailleurs, les
riches ne parlent par de pouvoir d’achat entre eux, si l’on fait attention. Cet
étalon ne les concerne pas. Les riches aspirent au pouvoir, mais l’acte d’achat,
en soi, ne les intéresse guère.
Exiger du pouvoir d’achat n’est donc pas aspirer à être
riche, mais d’être en mesure de dédier une part de l’argent que l’on gagne,
quel que soit son montant, à de la dépense dépassant le cadre des besoins
vitaux. Dès lors que l’argent disponible ne dégage plus cette marge, sans même
parler de bonheur, c’est tout simplement de sens qu’il s’agit : une existence
qui se légitimerait par la seule capacité à subvenir à des besoins essentiels n’est
plus en mesure de produire la moindre vision de bonheur.
Si l’on y réfléchit pourtant, l’acte d’achat ne
devrait pas l’être plus : mais c’est le sens qu’il donne à l’existence
contemporaine dont il est question car notre époque est ainsi faite que j’achète,
donc je suis. Peu importe quoi, peu importe en quelle quantité, peu importe la
valeur : tout le monde veut simplement être dans cette société de l’achat,
participer à sa course, être reconnu par elle : ne pas acheter, c’est être
transparent, impalpable, invisible. Ne pas comprendre que c’est pouvoir continuer
à arpenter les allées de Kiabi, de Jenyfer, de ChaussLand ou de GiFi dont il
est question, c’est juste être riche ; quand on est riche, on ne comprend pas
quel sens, quelle essence même, représente cette requête. Voilà en quoi,
certainement, ce gouvernement est un gouvernement de riches : nos élites pensent
que les gens se mettent à exiger de pouvoir acheter des Weston et en toute
logique, il répond : ne rêvons pas.
Or, les gens demandent juste à pouvoir continuer à
aller à la Foir’Fouille. Tu sais pourquoi ? Parce qu’à la Foir’Fouille, tu
trouves de tout si t’es malin. Et c’est bien connu, les élites, c’est pas malin :
ils ont l’impression que si tu ne peux plus t’acheter cette bougie-labrador, cette
saucière en céramique ou ce tabouret pliable, c’est pas bien grave. C’est pourtant
ça que veulent les gens. C’est par ça qu’ils existent, à travers ça qu’ils y
croient encore.
Enlevez-leur, et ils finiront par vous foutre la
tête au bout d’une pique. Pour ce paillasson avec écrit « I Love Gadoue »
qu’ils ne pourront plus se payer.
Ils s’en foutent pas mal, des Weston. Ils trouvent
ça moche.
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