samedi 1 décembre 2018

I've Got The Power

Et si on s’arrêtait deux minutes sur l’omniprésence du terme « pouvoir d’achat », de quoi se mettrait-on à parler ? Les gens aspirent-ils vraiment à cette collusion lexicale, à savoir détenir un pouvoir, ce pouvoir étant défini par la capacité d’achat qu’il procure ? Dans la notion « d’être en mesure de dépenser » (qui n’est pas forcément acquérir), réside intrinsèquement  la double notion de subvenir à des besoins et de pouvoir répondre à certaines pulsions (induites, pour la plupart) : or, l’achat doit-il être compris comme source de bonheur, dans le sens de celui qui donne un sens à l’existence ?
Etre « en capacité d’acheter », est-ce l’accomplissement  actuel de la quête du bonheur ? La clé de lecture contemporaine ? L’objectif visé ? La capacité d’achat conditionne-t-elle la qualité de vie ?
Car acheter n’est pas être riche, ne confondons pas. Revendiquer le droit d’être en capacité d’acheter, c’est aussi bien ambitionner de dévaliser Netto, se gaver de Mc Do ou tuner sa Ford Fiesta. D’ailleurs, les riches ne parlent par de pouvoir d’achat entre eux, si l’on fait attention. Cet étalon ne les concerne pas. Les riches aspirent au pouvoir, mais l’acte d’achat, en soi, ne les intéresse guère.
Exiger du pouvoir d’achat n’est donc pas aspirer à être riche, mais d’être en mesure de dédier une part de l’argent que l’on gagne, quel que soit son montant, à de la dépense dépassant le cadre des besoins vitaux. Dès lors que l’argent disponible ne dégage plus cette marge, sans même parler de bonheur, c’est tout simplement de sens qu’il s’agit : une existence qui se légitimerait par la seule capacité à subvenir à des besoins essentiels n’est plus en mesure de produire la moindre vision de bonheur.  
Si l’on y réfléchit pourtant, l’acte d’achat ne devrait pas l’être plus : mais c’est le sens qu’il donne à l’existence contemporaine dont il est question car notre époque est ainsi faite que j’achète, donc je suis. Peu importe quoi, peu importe en quelle quantité, peu importe la valeur : tout le monde veut simplement être dans cette société de l’achat, participer à sa course, être reconnu par elle : ne pas acheter, c’est être transparent, impalpable, invisible. Ne pas comprendre que c’est pouvoir continuer à arpenter les allées de Kiabi, de Jenyfer, de ChaussLand ou de GiFi dont il est question, c’est juste être riche ; quand on est riche, on ne comprend pas quel sens, quelle essence même, représente cette requête. Voilà en quoi, certainement, ce gouvernement est un gouvernement de riches : nos élites pensent que les gens se mettent à exiger de pouvoir acheter des Weston et en toute logique, il répond : ne rêvons pas.
Or, les gens demandent juste à pouvoir continuer à aller à la Foir’Fouille. Tu sais pourquoi ? Parce qu’à la Foir’Fouille, tu trouves de tout si t’es malin. Et c’est bien connu, les élites, c’est pas malin : ils ont l’impression que si tu ne peux plus t’acheter cette bougie-labrador, cette saucière en céramique ou ce tabouret pliable, c’est pas bien grave. C’est pourtant ça que veulent les gens. C’est par ça qu’ils existent, à travers ça qu’ils y croient encore.
Enlevez-leur, et ils finiront par vous foutre la tête au bout d’une pique. Pour ce paillasson avec écrit « I Love Gadoue » qu’ils ne pourront plus se payer.
Ils s’en foutent pas mal, des Weston. Ils trouvent ça moche.       

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