lundi 26 mars 2012

Les raisins de la matière

Il vendange les jours des terrains de misère, c’est trop dur de se dire qu’il vaut pas mieux qu’un autre et que même parfois, voire même souvent, il en vaut presque moins. Il ne veut pas qu’on l’aime, pas plus que nécessaire, pas plus qu’un autre ou deux parce que ça aussi c’est pareil, on aime ceux qu’on aime pour ce qu’ils sont de nous, pour ce qu’ils nous permettent pas pour ce qu’ils nous volent, nous extorquent, nous soutirent dont on ne sait que faire mais qu’on ne cède pas, non, lui voudrait qu’on l’adule. Pour être détesté mais comme il se devra, avec la jalousie qui génère l’envie, pas de l’envie pisseuse, de l'envie envieuse mais de la jalousie jolie; pas pour se pavaner et gagner à la course, pas pour toucher de près en plus haut en plus beau des hauts de crâne sales, mais pour la cime et le règne; pas pour y rester, pas plus que nécessaire: pour dire que c’est faux et descendre des airs qu’il vient de chevaucher seul pour l’éternité et pouvoir être modeste mais comme il se devrait, avec ce quelque chose dont il faut s’excuser d’avoir été pourvu, dont il faudra sourire d’avoir fait bel usage avec la gêne délicieuse de n’y être pour rien, l’enivrante certitude de ce dedans de soi qui fait qu’en toute injuste justice on ne peut davantage être somme de borborygmes et de besoins, organisme seul au mystère vivant dépourvu de mystère : tout sauf cette âme émérite aux desseins miniatures, il attend l’aube-lune les mains grêles, le cou brûlant soudé aux ondes qui émanent des messages codés et des yeux de rapace, goûter à nouveau à l’envie d’en découdre avec n’importe quoi, les bouts les bruits les herbes et l’eau survolant le mortier goudron blanc des jours qui se succèdent.

Mais tout s’enfuit comme un bain gaspillé à l’eau toujours limpide, il scrute les azurs qui sont indifférents labourant d’un seul ongle un terrain de misère et rien ne s’est baigné et ne ressort, extrait de l’atonie de tous ces cœurs qui battent comme un concert de mufles et de naseaux aveugles pour déposer enfin une décantation aux couleurs de la trêve qu’il ne veut pas signer pour qu'elle s'enfuie souillée et conne, laissant surgir, terrible et véritable, le signe originel de la fureur des jours, cœur de léviathan, turbulence infaillible, oiseau de feu.

En face de l’émail vide, son propre cœur, mufle aux côtés des mufles, museau contre museau, bat les yeux grands ouverts. Il vendange les jours des terrains de misère.

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