mercredi 23 septembre 2009

De la liste de lecture, Vol.1


J'ai lu les première lignes de Saint Augustin sur un lit d'hôpital, dans les vapeurs finissantes d'une anesthésie ayant permis à un quelconque boucher de m'arracher un morceau de genou dans un sous-sol carrelé. J'étais si confus qu'il m'a fallu refermer l'ouvrage, et je ne me suis décidé à le rouvrir qu'à l'issue d'une rééducation aléatoire et souffreteuse.
Ce qu'il y a de séduisant chez Saint Augustin, c'est ce passé de professeur de rhétorique qui génère une écriture débordant de poésie, qui s'appuie sur des figures stylistiques directement issues des plus anciennes traductions latines de la Bible : on y retrouve notamment le travail musical, les cadences, et les correspondances sonores. En explorant l'exercice de l'autobiographie auquel il donne ses premières véritables lettres de noblesse (un certain Jean-Jacques Rousseau finira d'ailleurs par intituler la sienne "Les Confessions"...), Saint Augustin vient s'opposer avec une élégance charmeuse à l'athlétisme moral de ses prédecesseurs. Pourtant, les écrits du romain berbère n'ont cessé de s'affronter à ceux de ses contemporains, et Saint Augustin est l'homme de toutes les controverses (avec les Manichéens, avec les Pélagiens, avec les Donatistes...). C'est aussi un auteur qui fait rêver pour tous les amateurs d'Histoire, ne serait-ce que parce que ses "Confessions" s''inscrivent par exemple juste dix ans avant la spectaculaire prise de Rome par les troupes d'Alaric, et que sa mort intervient à Hippone alors assiégée par les tristement célèbres Vandales...
Bref, Saint Augustin est un lyrique, et ma foi, le lyrisme, en religion, me plaît assez.
(il s'adresse au Tout Puissant)
" J'apprenais à ma langue bégayante à vous invoquer ; et quoi que je fusse petit, l'affection avec laquelle je vous priais d'empêcher que je n'eusse point le fouet à l'école n'était point petite. Or il arrivait souvent que vous n'exauciez pas ma prière : (ce que vous faisiez pour mon bien) et alors les personnes âgées, et même mon père et ma mère, qui n'eussent pas voulu qu'il me fût arrivé aucun mal, se riaient de mes douleurs, qu'ils considéraient comme de légères peines, et qui passaient dans mon esprit pour le plus grand de tous les maux.
Seigneur, se peut-il trouver quelqu'un qui sans avoir rien de l'insensibilité de quelques naturels stupides, que l'on voit supporter les tourments avec une dureté inébranlable, ait un si grand coeur, une âme si généreuse et si héroïque, et soit attaché à vous par une affection si puissante ? Se peut-il, dis-je, trouver un homme, qui s'étant consacré à votre service, soit tellement élévé au-dessus de l'infirmité humaine par la grandeur de son zèle et par la fermeté de son courage, qu'il se moque des chevalets, des ongles de fer, et des autres espèces de gênes et de tortures, dont l'horreur fait trembler les hommes dans toute la terre, et les porte à vous demander avec un humble frémissement qu'il vous plaise de les en garantir ? Et que non seulement il se rie de ces supplices, mais se moque même de ceux qui les appréhendent avec tant d'effroi, comme mon père et ma mère se moquaient de ces châtiments et de ces peines que je recevais de mes maîtres ? Car il est vrai que je ne les appréhendais pas moins que les hommes appréhendeent les plus grands supplices, et qu'ils ne vous demandent pas avec plus d'ardeur de les en délivrer, que je vous conjurais d'éloigner de moi ces tourments de petits enfants."
(A noter que quiconque s'essaierait à parler du fond de la pensée augustienne là où je me suis sagement cantonné à n'en évoquer que la forme prendrait un risque inconsidéré... N'est pas Maurice Dantec qui veut, n'est-ce pas ?)

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