dimanche 7 août 2011

My own private Idaho (Last part)


En ouvrant un œil, je capte immédiatement la luminosité qui traverse le rideau barrant la fenêtre qui donne à l’ouest. Je me lève d’un bond pour aller ouvrir la porte. Resplendissant sous un ciel immaculé traversé d’un unique nuage à cheval sur la crête d’en face, le champ farouche qui s’est évertué à me griffer les chevilles depuis presque deux semaines s’étend dans un sourire palpitant d’insectes. Des myriades de papillons virevoltent sur le bouquet de lavande maigrelet qui trône devant la terrasse disjointe et sans que ce soit nécessaire je cligne des yeux. Toute confusion s’est évanouie ; l’air est si transparent qu’il semble falloir le respirer doucement. Des oiseaux. On entend des oiseaux, où que l’on prête l’oreille. Je perçois aussi toutes les autres créatures qui participent de cette flavescence, là, à quelques pas à peine, à l’abri d’un fourré ou derrière la barrière des troncs de sapins, bruissant, frémissant, humant pareillement cette odeur nacrée qui a empli l’atmosphère, à l’affût de quelque chose. Dans les reins de la montagne, sur la route du hameau en contrebas, des bruits de moteurs s’enchaînent.

En passant devant je sors l’antédiluvien étendage en plastique blanc de dessous le porche pour l’installer dans un rai ardent, en plein milieu des herbes. Le linge balance immédiatement, fuchsia heureux dans le vert des champs. Je réussis le café puis je décide de reconstituer la petite ceinture de pierre qui entoure le bosquet, en ramassant des galets que la pluie a fait rouler plus loin et qui gisent là sur le flanc et en complétant le travail avec d’autres que je glane aux alentours. Lorsque je les remets en place, suivant soigneusement l’arrondi naturel du talus, ceux qui avaient chuté semblent me remercier à leur façon. Je bataille pour trouver une place aux autres, les nouveaux, que je retourne plusieurs fois sur eux-mêmes jusqu’à trouver la bonne arête. Je finis en recalant la deuxième pierre du petit escalier qui monte à la terrasse, la large plate qui branlait obstinément depuis notre arrivée, puis je me redresse, mon mal de dos menaçant de refaire surface. Je rentre me laver la tête en sentant que j’ai probablement l’air hirsute. Au village, nous achetons des fruits et du lait, et pour une pièce, la petite remonte avec un gros morceau de quartz flavescent qu’elle tient serré dans ses mains comme un cœur d’oiseau. Je fais griller d’épais morceau d’agneau et nous déjeunons comme ça, dehors, d’une salade grosse comme un ballon de foot et de galets de chèvre à la pièce étalés sur des tranches de pain de campagne. Peut-être que cet après-midi, nous ne prendrons pas la voiture. Qu’elle restera là, posée sur son socle de gravier comme une ferraille luisante et incongrue, pendant que nous partirons à pied dans un chemin, à la rencontre d’une rivière ou d’un sous-bois. Je ne finirai probablement pas de tailler ce grand bâton sur lequel j’ai passé mon ennui pluvieux, assis sur une chaise. Mon vieux couteau m’a creusé trois belles ampoules dans la main, et j’ai envie de ramasser des poignées de pommes de pin pour le barbecue de ce soir. Les petites sombres, celles qui font crépiter des escarbilles dans le crépuscule comme de petites étoiles filantes bruyantes.




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