samedi 8 octobre 2011

Je ne savais pas qu’il existait de très sérieux « nombres premiers sexy ». Treize est l’un d’entre eux, et ce n’est pas une blague. (13/20)

Voici le treizième poème venant marquer cette série de 20.
A ce stade, il est clair qu’occuper/alimenter un blog d’autant de poésie, pendant autant de temps, est une forme de suicide public.

Les gens, dans leur grande majorité, ne rechignent pas à un peu de poésie mais en tout état de cause, se détournent bien vite d’un assaut quotidien de versification ou de prose, tout éloignés des éthers par une vie tenue écartée de la mystique par une frénésie rythmique idoine, l’empilement de possessions plastiques et l’accumulation de courbatures psychologiques inavouables. Peu restent enclins à l’exercice tel que j’ai eu l’envie de le soumettre, et loin de rechercher une forme d’élitisme snobinard et prétentieux, j’ai pensé, un temps, partager une passion trop personnelle que je réalise peu compatible d’avec le besoin légitime de tout homme de notre siècle à se détendre et à se divertir par la lecture, ne serait-ce que d’un blog à l’affluence confidentielle.


Mais il serait encore plus cynique de renoncer, même si j’ai déjà acquis la certitude d’avoir, à la suite de cette série, à regagner durement le peu de lecteurs que je m’étais acquis. Après tout, cela n’a pas plus d’importance qu’autre chose qui ait à s’inscrire dans ce combat que nous menons tous pour exister au milieu de nos semblables.


J’aime Hugo un peu de la même façon que Jose Maria de Heredia, d’un amour capricieux. Tantôt cette idolâtrie de la langue et de sa puissance intrinsèque m’impressionne et m’écrase comme le ferait un défilé militaire, tantôt je la trouve abjecte, surannée et prétentieuse, comme un défilé militaire. Mais force est de constater, parfois, que la beauté émanant de cette science du langage, mise au service d’un sentiment humain véritable – surdimensionné, mais véritable - fait émerger une noblesse qui transporte, émeut, et fait écho au goût de l’infini que la vie nous met en partage universel.
Il serait vain de tenter un résumé de la biographie de ce personnage titanesque qu’est Victor Hugo. Le poème ci-dessous étant tiré des Contemplations, laissons nous juste aller à ces quelques lignes pour en restituer le contexte : Hugo déclare, à propos de ce recueil paraissant en 1856 : « Qu'est-ce que les Contemplations ? - Les mémoires d'une âme ». Apothéose lyrique, marquée par l'exil à Guernesey et la mort de sa fille ; exil affectif, exil politique : Hugo part à la découverte solitaire du moi et de l'univers. Le poète finit même par se faire prophète, voix de l'au-delà, voyant des secrets de la vie après la mort et qui tente de percer les secrets des desseins divins.

Aujourd’hui, j’ai envie de célébrer la vie. Et pour ce faire, je ne vois, en dehors d’Eluard, qu’Hugo. Voici « Éclaircie »



L'océan resplendit sous sa vaste nuée.

L'onde, de son combat sans fin exténuée,

S'assoupit, et, laissant l'écueil se reposer,

Fait de toute la rive un immense baiser.

On dirait qu'en tous lieux, en même temps, la vie

Dissout le mal, le deuil, l'hiver, la nuit, l'envie,

Et que le mort couché dit au vivant debout:

Aime! et qu'une âme obscure, épanouie en tout,

Avance doucement sa bouche vers nos lèvres.

L'être, éteignant dans l'ombre et l'extase ses fièvres,

Ouvrant ses flancs, ses reins, ses yeux, ses coeurs épars,

Dans ses pores profonds reçoit de toutes parts

La pénétration de la sève sacrée.

La grande paix d'en haut vient comme une marée.

Le brin d'herbe palpite aux fentes du pavé ;

Et l'âme a chaud. On sent que le nid est couvé.

L'infini semble plein d'un frisson de feuillée.

On croit être à cette heure où la terre éveillée

Entend le bruit que fait l'ouverture du jour,

Le premier pas du vent, du travail, de l'amour,

De l'homme, et le verrou de la porte sonore,

Et le hennissement du blanc cheval aurore.

Le moineau d'un coup d'aile, ainsi qu'un fol esprit,

Vient taquiner le flot monstrueux qui sourit;

L'air joue avec la mouche et l'écume avec l'aigle;

Le grave laboureur fait ses sillons et règle

La page où s'écrira le poème des blés;

Des pêcheurs sont là-bas sous un pampre attablés;

L'horizon semble un rêve éblouissant où nage

L'écaille de la mer, la plume du nuage,

Car l'Océan est hydre et le nuage oiseau.

Une lueur, rayon vague, part du berceau

Qu'une femme balance au seuil d'une chaumière,

Dore les champs, les fleurs, l'onde, et devient lumière

En touchant un tombeau qui dort près du clocher.

Le jour plonge au plus noir du gouffre, et va chercher

L'ombre, et la baise au front sous l'eau sombre et hagarde.

Tout est doux, calme, heureux, apaisé; Dieu regarde.

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