dimanche 25 décembre 2011
Aie... 40 années... écossaises ?
Que n'ai-je appris à skier
Sans me soucier du déluge
De la texture des glaciers
Que n'ai-je glissé
Que n'ai-je fondu
Sur ton balconnet
Que n'ai-je été torride
Que n'ai-je tombé la veste
Lâché du lest
Pris de l'altitude
Avant de piquer
Déchaîner les esprits
Parmi les êtres et les cèdres
Faire la tournée des grands ducs
La nuit de l'Epiphanie
Et puis les autres nuits
Tendre l'arquebuse
Jusqu'à me rompre
Que n'ai-je pris l'Everest
Pour une aspérité
Sommé l'amour et le reste
De s'entrelacer à jamais
Que n'ai-je visé
Que n'ai-je été stupide
Au point de succomber
En Ecosse des gosses écossent
Des chimères en chair et en os
D'accortes soubrettes les escortent
En Ecosse des gosses précoces
Chopent des crampes
A faire l'amour à tue-tête
A bâtons rompus
(A. Bashung / J. Fauque)
jeudi 22 décembre 2011
Trop court...
mardi 13 décembre 2011
Indie-niais
Et bien, voilà qu’arrivent aussi les indignés de la musique. Merde. Enfants difformes et débiles du mouvement Indie des 90’s, voilà les punk-voteurs : les Indie-niais. A l’image de leurs homologues qui s’indignent de la tournure de la politique sans avoir aucune idée politique à proposer, les Indie-niais de la musique se mettent en colère après le système de la musique sans chercher à en bâtir un autre : ils veulent la musique libre – à bas la Sacem – mais quand après d’innombrables péripéties ils finissent par signer sur un label, merde si personne la paye jamais cette musique, finalement c’est pas si cool parce que les artistes c’est aussi des travailleurs; ils abhorrent les mass media vendus aux major mais dès qu’un de leur titre a l’heur d’être joué par l’un d’eux – souvent à une heure creuse et confidentielle, dans une émission « indie quelque chose » (hé hé…)), ils inondent les réseaux sociaux pour prévenir la terre entière de ce succès d’estime ; ils assurent ne pas courir après le succès mais passent leur temps à payer de pseudo photographes branchés pour réaliser des clichés d’icônes fashion visibles sur internet – sur quoi d’autre ? – accompagnés de l’éternelle supplique : « faites tourner »… Comme leurs homologues pseudo-politiques, les indie-niais sont en train d’inventer un nouveau courant pour succéder à l’Indie révolutionnaire violent et propagandiste de leurs haineux aînés talentueux bienheureux dont tous se revendiquent car désormais, faire de la musique n’est plus une question d’éthique, plus même une question de choix mais bel et bien de fatalité : faire de la musique, c’est forcément être condamné à être Indie, n’est-ce pas ? Les maisons de disque sont partie intégrante de la société : en dehors des intégristes, les familles nombreuses disparaissent, on se contente tous d’un ou deux enfants, que l’on élève consciencieusement dans un confort et un soin constant, et on ne peut prendre en charge toute la misère du monde n’est-il pas ?
lundi 12 décembre 2011
Japoniaiseries
Il m’a fallu beaucoup plus de temps pour comprendre qu’il existait un autre Murakami ; en y réfléchissant, j’avais posé à plusieurs reprises un œil circonspect au hasard de critiques et d’allusions à l’auteur nippon m’ayant parues très décalées, voire totalement incongrues par rapport à ce que j’avais pu en goûter. Le voile s’est finalement levé grâce à Frédéric Beigbeder (encore lui !), à l’occasion d’un vibrant hommage rendu à un Murakami, mais non à celui qu’il qualifie lui-même de « grand auteur nobelisable » mais à « l’autre », le prénommé Ryû… comme le héros de Street Fighter.
Sans même avoir pris la peine d’en savoir plus je suis donc tombé amoureux de ce double, recollant enfin les morceaux tout en salivant à l’avance de ce Dark Vador murakamien, interface néfaste et graisseuse de l’autre, jumeau féroce à demi caché, car enfin, qui, en dehors d’une certaine élite et bien sûr des japonais eux-mêmes qui eux, l’adulent et le récompensent de prix, connaît ce Ryû ayant eu le désagréable destin de se vouloir non seulement écrivain, mais aussi homonyme ET compatriote d’un des auteurs contemporains les plus adulés de sa génération ? Avouons-le, ce qui m’excitait tenait dans la promesse d’un plaisir auquel je goûte tout particulièrement : devenir capable de minimiser un talent universel auquel j’avais dû rendre grâce à contrecœur, non pas par pur esprit de contradiction, mais au moyen d’un argument fondé, brillant et quasi-confidentiel m’extrayant soudainement d’une masse consensuelle inévitable – car enfin, il faudrait être con ou aveugle ou ignare ou les trois à la fois pour ne pas reconnaître à Haruki Murakami un véritable génie littéraire - au profit d’une identité distinguée - et distinguable - : à priori, j’en étais convaincu, il allait falloir être con, aveugle ou ignare pour ne pas reconnaître à Ryû Murakami un indéniable terrible talent.
Une fois « Thanatos » en main, la confrontation s’est donc présentée comme la finalisation purement protocolaire d’un contrat conclu par avance et à distance entre Ryû et moi. Il ne restait plus qu’à jouir de mes deux cent trente deux pages et rien que le titre me le disait : l’affaire était entendue. Et puis curieusement – devra-t-on dire, évidemment ? – une sensation s’est installée dès les premières pages : celle d’être plongé dans un bain déjà goûté, un bain que je qualifierai désormais de… tokyoïde. Certes, tout différenciait Ryû d’Haruki : sa crudité, sa narration métallique (qualificatif dont il use d’ailleurs à l’envi), ses personnages inversement maniérés, le décor totalement décalé, l’incongruité de la trame, la virulence des actes, la violence des dialogues, le fatalisme torturé, mais d’autre part, oui, d’autre part, je retrouvais sans l’ombre d’un doute une atmosphère que j’avais rencontrée pour la première fois dans… Le Passage De La Nuit. Creusement insectoïde de la solitude, délabrement affectif, errance nocturne, distanciation entre sexe et amour, délitement des racines et des références, peur primale et lassitude atavique, cruauté gratuite, la liste s’allongeait au fil des pages, inexorablement.
Existait-il donc un nouveau « Tokyo style » littéraire, un courant romanesque nippon en pleine ascension ? Autre hypothèse : j’étais moi-même la cible d’un auto-conditionnement ayant soudé d’une façon ou d’une autre les deux auteurs dans mon esprit au point de trouver de profondes similitudes entre les deux ouvrages, phénomène inconscient par lequel je refoulais une trop grande envie d’y trouver de profondes différences. Troisième hypothèse : je n’étais qu’un lecteur ouest-européen face à deux auteurs japonais, et n’étais capable d’appréhender leur expression respective qu’au moyen d’un cadre restreint dans le giron duquel les deux ouvrages devenaient inévitablement voisins ; les japonais appréhendaient-ils pareillement deux romans d’auteurs français traduits dans leur langue au point de trouver, par exemple, de nombreuses similitudes entre, disons, Maurice Dantec et Jean-Philippe Toussaint ?
Les livres c’est toujours de grandes quantités d’eau. J’en étais à me dire des choses inutiles comme celle-là tout en me rendant compte, mais très lentement, que mon esprit n’inventait rien. Il n’était pas question d’idée nouvelle ou d’une progression quelconque mais juste d’un vagabondage qui m’avait fait échouer sur un lieu commun. Lorsque j’en suis venu à matérialiser l’expression « se plonger dans un livre », j’ai réalisé à quel point mon cheminement venait d’être vain. J’en étais arrivé là tout en lisant ce Thanatos bizarre et obsédant qui venait de me ramener au souvenir d’une après-midi d’août bien réelle où je m’étais retrouvé à déjeuner dehors chez une famille de gitans sédentaires. Leur maison n’avait rien de particulier, elle était vaste et meublée sans aucun goût, il s’agissait de l’une de ces constructions modernes bon marché aux plans rabâchés à l’infini, perchée sur une colline entourée d’un bois humide. En dehors de deux chevaux décharnés paissant dans un pré à l’entrée de la propriété, rien ne ressemblait vraiment à l’idée que je m’étais faite d’une maison de gitan. Les gens eux-mêmes m’avaient semblé très éloignés de l’idée que je m’en étais faite, bien que nous ayons reçu quelques vagues recommandations sur la route concernant quelques élémentaires fautes de goût à éviter. Ils étaient nombreux mais je venais moi-même d’une famille nombreuse ; les femmes étaient brunes et buvaient comme des hommes mais ma femme était d’origine juive et aimait boire. Les hommes étaient petits et très musclés et seul quelque chose dans leur yeux faisaient légèrement vaciller, une sorte de férocité sous-jacente, quelque chose qui fouillait votre propre regard mais dont on pouvait finalement se détourner sans grande difficulté et c’était en fait une sorte de pique-nique élaboré, une grande tablée bancale installée à l’ombre de quelques arbres distordus, il faisait bon, je ne me rappelle pas de ce que nous avions mangé, quelque chose d’assez ordinaire, de la viande et de la salade et des chips par exemple. Après le repas, comme cela arrive souvent, une sorte de léthargie s’était emparée des convives et la tablée s’était flétrie sans réelle organisation ; nous avions fini par nous allonger à même l’herbe à quelques pas à peine des reliefs du repas et les hommes parlèrent de leur voisin qui tirait parfois à la carabine dans la direction de leur maison quand ils faisaient trop de bruit. Les heures ont passé, des conversations décousues et calmes bruissaient sans longueur, des échanges paresseux dénués de fond prononcés à voix basse, tantôt autour de chaises longues tantôt debout, une assiette ou un verre à la main, un bout de gâteau à moitié mangé à débarrasser, avant qu’un mouvement de réveil ne se produise sur les coups de seize heures. Il s’agissait « d’aller se baigner », idée toujours à moitié plaisante mais porteuse de l’espoir de venir à bout de derniers restes de torpeur. En fait nous n’avons fait que quelques pas pour tomber sur une sorte d’étang rectangulaire sans berges, large d’une bonne trentaine de mètres, entouré de buissons d’herbes hautes jaunies. L’eau était verte et quelques canards gisaient au hasard d’ajoncs émergeant par touffes depuis le fond. Une odeur rance remplie d’humidité et de moustique voletait dans l’air avec une certaine gentillesse, rien ne donnait vraiment envie de se plonger là-dedans pas même une véritable chaleur, pourtant ils sont descendus sur les fesses jusqu’à la surface immobile épaisse, s’y sont plongés lentement puis ont effectué quelques brasses grimaçantes à l’affût de remontées de vases ou de nuages de coléoptères, ca a fait des remous marrons, des cris ont fusé, quelqu’un a amené du café puis ils sont remontés sur un bord moins boueux grâce à une main tendue. L’impression générale qui m’en était restée était celle d’un bain putride et une sorte de dégout m’avait saisi à l’idée de plonger des corps dans cette matière pourtant nappée d’une lumière étincelante presque divine dispensée par un soleil à mi-hauteur. En fait, le plaisir doucereux du dîner en fut assombri. Le livre de Ryû Murakami était en train de me faire penser à cet étang, je me baignais dedans à reculons tout en éprouvant un plaisir incompréhensible à cette onde poisseuse et odorante. C’était un instant étrange, je me suis dit aussi que je n’arriverai plus jamais à travailler tout en sachant que ce n’était pas vrai, que je n’avais pas pu arriver à ce stade ou j’aurai pu oublier mon éducation laboriste pour affronter une oisiveté complexe et dépressive telle que je la vivais pour l’heure. Je me suis dit que j’aimerai qu’écrire devienne mon travail, que j’en retire un moyen de subsistance. Je ne suis pas arrivé à m’astreindre à aller me laver et j’ai traîné une grande partie de la matinée dans de vieux vêtements poussiéreux en fumant des cigarettes, les yeux rougis par la nuit mauvaise et inutile que j’avais passée. Je savais que j’avais encore trois livres en réserve et ce sentiment était rassurant, je pouvais tenir encore un certain temps entre lire et écrire, je me disais aussi que lire n’est finalement pas une activité oisive mais plutôt éprouvante où il faut donner de sa personne et subir d’étranges déambulations le corps couvert d’eaux putrides d’étangs inattendus, je me suis dit qu’en fait, la plupart des gens trouveraient ça contraignant de passer des journées entières à lire des choses qui interfèrent l’esprit et maculent le corps, sans autre but, je me suis dit que cela pourrait s’apparenter à une sorte de travail puis j’ai trouvé que cette idée était aussi fausse qu’il était possible d’avoir une idée fausse et il a fallu que je range ma cuisine car l’heure du repas s’avançait, très timide, mais obtuse.
lundi 5 décembre 2011
Ailleurs, peut-être...
Mais arrivé au carrefour, l’homme à la casquette et au catogan l’avait dit, ils le voient bien que c’est fermé, alors le froid devient soudainement plus mordant, la vie retrouve immédiatement sa laideur en pire, la nuit est vraiment tombée et neuf heures merde en fait c’est déjà neuf heures, alors le trio éclate comme sous l’effet d’un gaz lacrymogène et s’étoile en trois branches distinctes, l’homme au catogan blanc qui luit sous le réverbère s’attarde en plein milieu de la route déserte en gesticulant sur le passage clouté, prêt à haranguer une voiture insistante, le second s’enroule dans sa veste de cuir comme dans une couverture et comme c’est le moins chanceux il ne lui reste qu’à faire demi-tour et redescendre de là d’’où ils étaient venus, gaillards et bruyants, au pas de course comme un fantôme coupable hésitant et frigorifié, et le troisième, le docker, s’engouffre dans la rue adjacente pour profiler sa silhouette massive et renfrognée à l’angle mort d’un trottoir tangent. Continuer à boire. Mais chacun chez soi, cette fois, avec ses emmerdes, sa femme ulcérée, sa solitude affreuse, sa cuisine carrelée, une bouteille émergeant d’un placard à bouton de cuivre et un verre qui se boira sans plus d’ivresse, juste parce qu’il faut continuer de boire. Demain, nous serons tous morts, de toutes façons.
jeudi 1 décembre 2011
Comment tu chausses ?
Car, si l’on y réfléchit, contre qui ou quoi les générations futures pourront-elles s’élever, se distinguer, se révolter, se distancier ou se soustraire si tout n’est plus que bouillie redondante et colorée et que plus aucun clan, mouvement ni modèle n’émerge de ce magma faussement jouissif et virtuellement ignorant ? Sommes-nous inexorablement condamnés par ce mécanisme anthropophage à regarder en arrière pour revisiter à contre-coeur les temps glorieux des singularités culturelles urbaines ? Nos enfants devront-ils se contenter de remâcher de façon compulsive la très courte histoire de phénomènes culturels passés, toujours usurpateurs et systématiquement dictatoriaux, ayant superbement émaillé le demi-siècle précédent ?
Heureusement, les pires d’entre tous continuent de préserver jalousement une distinction que personne ne songe à leur envier : le port de la Derby ou du mocassin de cuir carré, rejoint depuis peu sur ce podium de la chaussure infecte par l’apparition du modèle Todd’s do

Une fois de plus, si les riches n’étaient pas là, le monde courrait à sa perte. Que les pauvres soient maudits, eux et leur manie de tout vouloir tout de suite et en même temps.
mardi 29 novembre 2011
Le matin canadien
mardi 22 novembre 2011
Et cette quarantième année qui se fait toujours attendre...
vendredi 18 novembre 2011
Gaffe... (Warning)
Rock City, cité lumière, nos croix de fer reluisent.
Rock City, tours de cristal, heavy metal énergie ! Cité des Monts, qui donc est ton leader ?
Rock entrepôts, containers-sex, le pourpre est là réclamant les caresses et l'homme au vitriol sort à la nuit blanche, rien ne résiste à ses manigances : Criminel... Crève !
Un avant-goût amer, skins en velours clair : cité du blues, hey fuck ! Punky Lézard...
Rock City, cité lumière aux stations futuristes, Rock City, tours de cristal, heavy metal graffitis ! Cité des Monts, qui donc est ton leader ? Et la fille en limousine fait des performances, rien ne résiste à ses attirances : Criminelle... Crève ! Un avant-goût amer après la crise de nerfs : cité du blues, CITE DU BLUES, hey fuck ! Punky Lézard...
Cité du blues, qui donc est ton leader ?
mercredi 16 novembre 2011
Va te faire Fante !
C'est le genre de famille qui te fout irrémédiablement dans la merde en ce qui concerne la consommation de vin.
mardi 15 novembre 2011
Too old to die
Chez lui il y avait cette odeur terriblement âcre qui avait finie par s’emparer de sa personne pour la définir, ce qui avait pour résultat qu’il mangeait immédiatement tout l’oxygène en suspension sitôt qu’il entrait dans une pièce, même à l’avant d’un bus. Cela n’avait rien à voir avec de la saleté ou de la négligence, il ne s’agissait pas de puanteur, c’était plutôt un mélange écrasant de tabac brun froid, de relent de cendres de ces cigares vendus à l’unité dans de petites vitrines horizontales, de tiédeurs persistantes de plats longuement cuisinés aux fonds de sauces tiédies de vins de table et de féculents dont on a renoncé à l’usage dans nos cuisines robotiques, et plus piquant, plus acerbe, de ce chuintement de fers et de fontes ménagers chauffés régulièrement à blanc… C’était aussi, enveloppant le tout comme un plaid aux patchworks marrons, un étouffement de tissus laineux solennellement pliés dans des angles de commodes clouées aux sols linoleum, feutres, serges, lycras et velours spongieux retenant eux-mêmes prisonnières d’innombrables mémoires olfactives à demi effacées les unes dans les autres, le tout constituant cette exhalaison du passé propre à ces appartements tenus écartés de la lumière aérée du dehors par des persiennes éternellement croisées ou des tentures aux rouges devenus ocres ; il sentait l’œuf dur de bistrot et le papier journal, le yaourt et le fer à repasser, la télé allumée et le rotin rapiécé, le napperon gris et le bibelot de cuivre, le verre de bière et placard à chaussures ; il sentait le secrétaire et le coussin graisseux, le bol ébréché, l’encyclopédie du tour de France et la réserve de sacs plastiques et ce mélange animal, repoussant mais terriblement familier, ce n’était que l’odeur de la vieillesse, accompagnant de son opiniâtreté l’inéluctable décrépitude des espoirs, de la vigueur et de l’envie de plaire, assignant à chaque infortuné dépossédé de sa jeunesse puis de sa maturité sans pour autant avoir reçu la visite de la mort, une unicité fauve à la fois identique et terriblement personnelle, une rudesse odorante poussiéreuse forçant tout à la fois le respect, et le dégoût. Et il n’était pas sale ; ses joues avaient beau être rongées d’une barbe réduite à une couperose de touffes rocailleuses mal équarries, ses cheveux luire d’une brillantine étalée par strates successives s’auto-chassant les unes les autres en abandonnant de petites squames grises, sa tenue était soignée. Costume épais sur chemise autrefois claire, cravate tressée coulissant d’un nœud auguste, plat, laid et imposant, ceinturon de cuir patiné à la langue pendante tenu haut sur les hanches, et chaussures de faux cuir sempiternellement carrées, montées sur des semelles de crêpe croûteuses, émergeant d’un manteau de laine marine évidement trop grand. Que dire, après tout, de cette dentition inexorablement battue ayant finie par rejoindre en goût, en teinte et en odeur celle des chevaux ou des chèvres de nos campagnes, de cette canne en noyer devenue compagne, de ce souvenir de chien ému et opaque, du pas lent et laborieux empesé de douleurs et de réticences, de cette vitrification de l’œil finissant par rappeler les plus laides des agates qui remplissaient les trousses de billes de nos enfances, ébréchées et dépolies, et de tous ces surplus de peau flétrissant chaque jointure ? Il puait sa vieillesse comme le sportif pue sa soif de gloire ou l’ingénue le désir de séduire, voilà tout. Je me serai retroussé les naseaux de la même façon avec ces deux là, peut-être même avec plus de recul.
jeudi 10 novembre 2011
Un jour des morts Place de la Fontaine
vendredi 4 novembre 2011
jeudi 3 novembre 2011
C’est le commencement qui est le pire, puis le milieu puis la fin ; à la fin, c’est la fin qui est le pire. (S. Beckett) :::: 20/20
C’est qu’en fait, la lecture de « Poèmes Interdits », ouvrage – délicieusement préfacé par Sollers - paru aux éditions Complexe et embelli des illustrations de Gabriel Lefebvre vient de m’apporter quelques faits historiques impressionnants pour tout passionné de lettres, et qu’au fil de cette (re)lecture, je me suis fait surprendre, puis inévitablement happer par le romanesque qui n’a de cesse d’entourer Baudelaire. Le roi des poètes est ainsi : indétrônable.
Deux mois auparavant, Charles Baudelaire vient de livrer 1300 exemplaires de son recueil, fruit de seize années de labeur. Il en a déjà, de lui-même, retranché un tiers depuis 55, confiant à sa mère être « épouvanté par l’horreur qu’il allait inspirer ». Le Figaro, en disant de l’ouvrage « Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du cœur » mettra le feu aux poudres, jusqu’à occasionner la saisie des exemplaires à peine deux mois plus tard. Le poète et ses eux éditeurs sont convoqués par la justice.
C’est au tour de Flaubert, lui-même inquiété par ce même Ernest Pinard, Procureur Impérial en charge du réquisitoire contre Les Fleurs du Mal, six mois auparavant au sujet de son « Madame Bovary », de s’étonner : « Ceci est du nouveau : poursuivre un livre de vers ! Jusqu’à présent la magistrature laissait la poésie fort tranquille. Je suis grandement indigné. Donnez-moi des détails sur votre affaire, si cela ne vous embête pas trop et recevez mille poignées de main des plus cordiales. ».
Le jugement, rendu après quelques heures, ordonne la suppression de six pièces (Les Bijoux, Lesbos, Le Léthé, A celle qui est trop gaie, Femmes damnées et Les Métamorphoses du vampire) et condamne le poète à 300 francs d’amende. « L’amende, grossie de frais inintelligibles pour moi, dépasse les facultés de la pauvreté proverbiale des poètes ! » s’exclamera Baudelaire en faisant appel à l’Impératrice, qui consent finalement à la réduire à 50 francs.
Une nouvelle édition des Fleurs du Mal sera donc imprimée en 1861 sans les six poèmes incriminés, qui paraîtront, isolés, sous le titre « Les Epaves » en 66, en Belgique. La justice française attaquera à nouveau l’éditeur, mais se heurtera à sa domiciliation belge et ne pourra faire valoir sa requête.
Ironie de l’histoire, cette annulation interviendra moins d’un an après l’interdiction du « J’irai cracher sur vos tombes » de Vian.
Voici l’un de ces six poèmes interdits ; ce sera le dernier de cette série de vingt.
Poulet-Malassis, l’éditeur des Fleurs du Mal lui aussi condamné, en dira : « Les juges ont cru découvrir un sens à la fois sanguinaire et obscène dans les deux dernières stances. La gravité du Recueil excluait de pareilles plaisanteries. Mais venin signifiant spleen ou mélancolie, était une idée trop simple pour des criminalistes. Que leur interprétation syphilitique leur reste sur la conscience. »
Et que l’on me dispense de partager de la poésie pour un temps : l’exercice est par trop difficile.
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l’esprit des poètes
L’image d’un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l’emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t’aime !
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J’ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;
Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon cœur,
Que j’ai puni sur une fleur
L’insolence de la Nature.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l’heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T’infuser mon venin, ma sœur !
mercredi 2 novembre 2011
Dans les accidents de chemin de fer, c’est toujours le dernier wagon le plus dangereux. C’est pour cela qu’on l’a supprimé (Pierre Dac) (19/20).
Charles Le Quintrec, comme son nom l’indique, est breton. Fervent catholique, qui plus est. Et vivant, de surcroît. Personne n’est parfait. Pour autant, sa parole rugueuse est empreinte de sacré et peuplée de paysages. Bref, Charles Le Quintrec est un beau poète.
(…)
Soufflez sur une pierre
D’une route ordinaire
Il en sort un cheval interdit de séjour
L’ogive de mon âme
Et sa légende autour.
Extrait de « Les Pierres »
vendredi 21 octobre 2011
Le corniaud, c'est l'plus beau. (18/20)
(bon et là si tu ouvres pas le lien en dessous ça veut pas dire grand'chose, tout ça.)
http://www.ina.fr/divertissement/humour/video/I05181523/bourvil-joli-mois-de-mai.fr.html
jeudi 20 octobre 2011
mercredi 19 octobre 2011
"Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des nœuds." (17/20)
Dans les rues de la ville il y a mon amour.
Peu importe où il va dans le temps divisé.
Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler.
Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards.
L'espace qu'il parcourt est ma fidélité.
Il dessine l'espoir et léger l'éconduit.
Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse.
A son insu, ma solitude est son trésor.
Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour.
Peu importe où il va dans le temps divisé.
Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler.
Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?
mardi 18 octobre 2011
Rentrée littéraire
L’Autoroute A16 part de l’Isle-Adam pour rejoindre Bray-Dunes. (16/20)
William Wordsworth est LE poète anglais de référence, né en 1770 frère de la poétesse Dorothy Wordsworth. Après un bref séjour en France en 1790 en plein cœur de la Révolution durant laquelle il soutient les Républicains et fait un enfant, il retournera seul en Angleterre, ruiné et exilé de sa femme et de sa fille après avoir finalement été accusé d’être un Girondin.
Il y rencontre Samuel Coleridge en 1795 dont il devient l’ami, et avec lequel il publie « Lyrical Ballads », œuvre d'importance capitale pour le mouvement romantique en Grande-Bretagne. En 1802, Wordsworth retournera en France avec sa sœur Dorothy pour revoir son ex-femme et sa fille ; pour autant, lorsque Napoléon sera sacré Empereur deux ans plus tard, ses derniers rêves de libéralisme s’écrouleront. Il passera le reste de sa vie à Ambleside, au milieu de moutons et de chèvres.
Though nothing can bring back the hour
Of splendour in the grass, of glory in the flower;
We will grieve not, rather find Strength in what remains behind...
Traduction de Emile Legouis, 1928 :
« Et s’il doit manquer désormais
Une gloire à la fleur, une splendeur à l’herbe !
Je veux sans m’affliger, jouir
Des dons que je possède encore »
Traduction de Wikipedia (source non mentionnée) :
« Bien que rien ne puisse ramener le temps
De l'éclat de l'herbe, de la splendeur des fleurs;
Nous ne nous lamenterons pas, mais puiserons des forces dans ce qui en subsiste. »
Traduction par le biais du site Reverso :
« Quoique rien ne puisse rendre l'heure
De splendeur dans l'herbe, de gloire dans la fleur;
Nous peinerons pas, trouverons plutôt la Force dans quels restes derrière. »
vendredi 14 octobre 2011
Why can't i be you
Bowie allume des clopes pendant que Smith sourit en face de Reeves Gabrels en plaquant d'énormes riffs de rock, l'incroyable Zacharie Alford tout juste emprunté à Springsteen relève haut la main le défi de la cohabitation acoustique/électronique à la batterie, le légendaire Mark Plati est aux arrangements, la sublime Gail Ann Dorsey aux claviers (une fois n'est pas coutume), et nous voilà face à un moment de musique totalement jouissif.
jeudi 13 octobre 2011
Ash nazg thrakatulûk agh burzum-ishi krimpatul. (15/20)
Il s’agit de l’un des 449 dizains décasyllabiques de « Délie, objet de la plus haute vertu », œuvre secrète et sophistiquée du poète lyonnais Maurice Scève écrite en 1544, entièrement dédiée à Pernette du Guillet, jeunesse poétesse de 16 ans dont il est tombé follement amoureux, et qui mourra dix ans après leur rencontre. Tout au long de ce travail monumental se confrontent thèses et antithèses qui n’ont de cesse de développer les rouages d’une aventure intérieure qui dit les contradictions du sentiment amoureux, avant de se clôturer sur ce vers en capitales : « SOUFFRIR NON SOUFFRIR ».
Voici le sublime dizain intitulé/numéroté CCCXLVII (soit le 347ème, si mes souvenirs de numérotation romaine sont exacts…), qui traite de la symbolique de l’alliance.
Heureux joyau, tu as autrefois ceint
Le doigt sacré par si gente manière,
Que cette main, de qui le pouvoir saint
Ma liberté me détient prisonnière,
Se feignant ore être large aumonière,
Te donne à moi, mais pour plus sien me rendre.
Car, comme puis en te tournant comprendre,
Ta rondeur n’a aucun commencement,
Ni fin aussi, qui me donne à entendre,
Que captif suis sans élargissement.
lundi 10 octobre 2011
Au bout de quatorze ans de mariage, on fête des noces de plomb. Pas très encourageant. (14/20)
Extrait de « Le chaos et la création »
Maintenant que j’ai mis partout de la lumière
Il me faudra pousser le ciel loin de la terre,
Et pour être bien sûr d’avoir tout mon espace
Je ferai que le vent et les nuages passent
Ainsi que les oiseaux qui viennent et qui vont
Vérifiant les airs, la surface, le fond.
Tout me supplie et veut une forme précise,
Tout a hâte de respirer dans sa franchise
Et voudrait se former dès que je le prévois,
Et ma tête foisonne, et mon être bourdonne
De milliers de silences, tous différents,
Ce sont les voix de ceux qui n’en ont pas encore
Et quémandent un nom pour aller de l’avant.
Chacun son tour, le temps viendra pour tous d’éclore.
samedi 8 octobre 2011
Je ne savais pas qu’il existait de très sérieux « nombres premiers sexy ». Treize est l’un d’entre eux, et ce n’est pas une blague. (13/20)
A ce stade, il est clair qu’occuper/alimenter un blog d’autant de poésie, pendant autant de temps, est une forme de suicide public.
Il serait vain de tenter un résumé de la biographie de ce personnage titanesque qu’est Victor Hugo. Le poème ci-dessous étant tiré des Contemplations, laissons nous juste aller à ces quelques lignes pour en restituer le contexte : Hugo déclare, à propos de ce recueil paraissant en 1856 : « Qu'est-ce que les Contemplations ? - Les mémoires d'une âme ». Apothéose lyrique, marquée par l'exil à Guernesey et la mort de sa fille ; exil affectif, exil politique : Hugo part à la découverte solitaire du moi et de l'univers. Le poète finit même par se faire prophète, voix de l'au-delà, voyant des secrets de la vie après la mort et qui tente de percer les secrets des desseins divins.
mercredi 5 octobre 2011
J'ai six ans, je sais que c'est pas vrai, mais j'ai six ans... (12/20)
A pas menus, menus,
Le bel automne est revenu
Dans le brouillard, sans qu'on s'en doute,
Il est venu par la grand'route
Habillé d'or et de carmin.
Et tout le long de son chemin,
Le vent bondit, les pommes roulent,
Il pleut des noix, les feuilles croulent.
Ne l'avez-vous pas reconnu ?
Le bel automne est revenu.
mardi 4 octobre 2011
Onze est le premier nombre à dépasser la mesure de nos dix doigts... (11/20)
Ce sont des êtres inoffensifs qu’il convient sans plus de tenir en respect et même parfois, si le cœur t’en dit, quand la vie devient généreuse, tu sais bien, mon frère, les soirs de fête, d’aimer malgré eux, le temps de les surprendre.
lundi 3 octobre 2011
A Mathias de Banon (10/20)
Adieu, Paris, adieu pour la dernière fois.
Je suis las d’encenser l’Autel de la fortune,
Et brûle de revoir mes rochers et mes bois,
Où tout me satisfait, et rien ne m’importune.
Je n’y suis pas touché de l’amour des Trésors.
Je n’y demande pas d’augmenter mon partage.
Le bien qui m’est venu des Pères dont je sors,
Est petit pour la Cour, mais grand pour le Village.
Depuis que je connais que le siècle est gâté,
Et que le haut mérité est souvent maltraité,
Je ne trouve ma paix que dans ma solitude.
Les heures de ma vie y sont toutes à moi.
Qu’il est doux d’être libre, et que la servitude
Est honteuse à celui qui peut être son Roi !
dimanche 2 octobre 2011
Ratatoum ta ta...
« Une nation s’éteint quand elle ne réagit plus aux fanfares ; la décadence est la mort de la trompette. »
« Number nine… number nine… number nine… » (Revolution 9 / John Lennon) (9/20)
Le belge Henri Michaux, né en 1899, contemporain des surréalistes mais si solitaire qu’il ne les côtoiera quasiment pas, est pour autant, comme la plupart d’entre eux, un chantre du voyage ; qu’ils soient réels ou imaginaires, les siens se déroulent le long d’une écriture unique qui explore les domaines inconnus où le mènent les drogues. Pour cet amoureux de Lautréamont, passionné par Tolstoï et Dostoïevski, cette exploration restera cependant lucide, précise, presque scientifique : sous la surveillance d’un médecin, il s’adonne à la mescaline à l’âge de 55 ans, avant d’approfondir sa curiosité en matière de psychotropes avec le LSD, puis la psilocybine, toujours dans le cadre d’expériences annotées visant à déclencher de nouvelles formes de créations artistiques. Très attiré par les arts graphiques qu’il pratiquera quasiment sans interruption, parfois au détriment de l’écrit, féru de psychiatrie, cet artiste prolifique s’éteint à Paris en 1984.
Ci-dessous « Paix égale », poème extrêmement moderne, que l’on imagine entrer sans grande difficulté dans un répertoire de Bashung aux côtés de textes de Jean Fauque…
Paix des nerfs au cœur malade.
Paix égale mûrir sa loi,
sucée à la vie,
A la vie nébuleuse, à la vie…
Mais lourd le char, lourd, lourd.
Les apaiser,
Leur envoyer du vent,
Le vent chaud des bouches suaves,
Le vent chaud du désert souverain.
« Et maintenant… FERMEZ vos corolles d’angoisse ! »
samedi 1 octobre 2011
La danse est une excellente parenthèse à la poésie...
Au-delà de venir échaffauder avec une terrible exactitude mes futures connaissances dans le domaine de la danse, cet ouvrage a la particularité géniale de dresser cette "histoire" par le biais d'une "invitation à réfléchir sur l'évolution des sociétés humaines, dont la danse, que les historiens commencent tout juste à prendre en compte, est l'un des indicateurs les plus précis et les plus subtils."
Sachons-le, la première représentation d'un être humain en train de danser remonte à 14.000 ans avant notre ère. (On peut la voir sur la page FaceBook de "Cabriole Centre de Danse")...
Voilà donc un premier partage de cet ouvrage fabuleux, concernant "La Ronde d'Addaura":
"Datée de -8.000 ans, donc du Mésolithique, où les représentations de groupe commencent à être fréquentes, cette scène gravée dans la grotte d'Addaura présente sept personnages dansant une ronde autour de deux personnages centraux. Ceux-ci se livrent, à terre, à des contorsions - l'un semble faire le pont. Ils sont ithyphalliques*, alors que les autres ne le sont pas. Tous sont nus; mais ils portent un masque au museau pointu qu'on trouve couramment dans les figures pariétales - même celles qui n'indiquent pas de mouvement - et qui n'est pas celui d'un animal nettement déterminé.
Le mouvement va de la droite vers la gauche, soit celui de la marche apprente des grands astres, le soleil et la lune. Faut-il y voir une danse cosmique? La réponse n'est pas du domaine de la constatation. Sans se lancer dans des hypothèses gratuites, on se contentera de remarquer que toutes les rondes spontanées, même celles des enfants, de nos jours, tournent dans ce même sens."
* adjectif qui désigne "celui qui a un phallus en érection"
Avis à tous les parents : faites-en l'expérience troublante...

Huit est bel et bien le deuxième nombre magique (mais en physique nucléaire)… (8/20)
Malgré ce tableau affreux, voilà par exemple comment le « pauvre Lélian » n'aura eu de cesse, de quelques vers, se rapprocher de ces dieux qui l’ont si tristement ignoré : place à « Les Ingénus », poème tout « Sophia Coppolien » empreint d’un délicieux libertinage sophistiqué tout en alexandrins pleins d’élégance et de légèreté, tout entier dédié à la confusion de cette recherche de la femme idéale qu’il ne trouvera jamais.
Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes.
Inquiétait le col des belles sous les branches,
Et c'étaient des éclairs soudains de nuques blanches,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.
Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme, depuis ce temps, tremble et s'étonne.
jeudi 29 septembre 2011
Sept est le nombre des pétales de la rose; c’est aussi celui des pêchés capitaux. (7/20)
Sa vision épique de la révolution industrielle et son amour du prolétariat le rapprochent inexorablement de Hugo, mais aussi de Walt Whitman.
Il quittera ce bas-monde en 1916 de façon tragiquement romanesque, écrasé par un train près de Rouen.
Voici le sublime « Pauvres vieilles cités » :
Pauvres vieilles cités par les plaines perdues.
Dites de quel grand plan de gloire,
Vers la vie humble et dérisoire,
Toutes, vous voilà descendues
Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil
Ni ce que disent aux nuées
Tant de pierres destituées
De leur ancien et bel orgueil
Vos carrefours, vos grand'places et votre port,
Tout est muet et léthargique;
Tout semble aller à pas logiques
Vers l'horizon, où luit la mort.
Seule, quand le marché aligne au jour levé,
Sur le trottoir, ses éventaires,
Un peu de vie hebdomadaire
Se cabre aux joints de vos pavés.
Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d'or
Mènent leur ronde autour des rues,
L'émoi des foules accourues
Vous fait revivre une heure encor.
Vos moeurs sont pareilles à vos petits jardins;
Buissons corrects, calmes verdures,
Mais une odeur de moisissure
Séjourne en leurs recoins malsains.
Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers,
Vous ne penchez sur vos négoces
Que des yeux mornes ou féroces,
Qui ne comptent que par deniers.
Vos cerveaux sans révolte et vos coeurs sans fierté
Se complaisent aux moindres choses,
Et de pauvres apothéoses
Font tressaillir vos vanités.
Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux
Et vivez à la dérobée
Des miettes d'ombre et d'or tombées
Du festin rouge des aïeux.
Pourtant, si triste et long que soit votre déclin,
Notre rêve ne veut pas croire
Que plus jamais la belle gloire
Ne bondira de vos tremplins.
Vous vous armez encore de trop d'entêtement,
Damme, Courtrai, Ypres, Termonde,
Pour n'être plus au vent du monde
Que des tombeaux d'orgueil flamand
Et n'avoir plus aucun remords, aucun sursaut
En ces heures de somnolence
Où le visage du silence
Se mire seul dans vos canaux.
mardi 27 septembre 2011
Six est la profondeur, en pieds, à laquelle un cercueil est traditionnellement placé. (6/20)
Comment la Reine Margot échoit-elle dans une liste de poèmes ? Et bien assez naturellement finalement, car il se trouve que Marguerite de Valois, septième fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, est un personnage saisissant, sorte de Mme de Sévigné avant l’heure…
Mais observons tout d’abord, -il serait bien difficile de ne pas céder à la tentation-, un léger détour du côté de son père : nous sommes en 1559 et l’histoire rapporte ce fait à la fois romantique, cruel et terrifiant à propos de ce fils du légendaire François 1er. A 40 ans, Henri II est, à l’image de son auguste père, un véritable homme de la Renaissance sachant tout aussi bien s’adonner aux Arts qu’à l’épée ; c’est ainsi qu’il se retrouve à disputer un tournoi organisé en l’honneur du mariage d’une de ses filles, au cours duquel il affronte le capitaine de sa propre garde écossaise : son destin bascule quand cet adversaire lui plante sa lance dans l’œil. C’est à Ambroise Paré, alors à la tête des meilleurs chirurgiens de la cour, qu’est confié le sort du monarque. C’est ici que l’Histoire rapporte alors un fait coutumier de l’époque : Ambroise Paré demande l’autorisation de « reproduire la blessure sur des condamnés pour mieux la soigner ». Laissons donc ici vagabonder notre imagination quelques secondes et planter un décor de la Renaissance, longue période transitoire aux contours plutôt mal définis, traversée de révolutions culturelles, géographiques, scientifiques, intellectuelles et artistiques, mais néanmoins marquée de façon très vivace par le sceau d’un Moyen-âge brutal et féroce… Henri ne survivra pas, et comme ce nombre inconnu d’infortunés qui se seront fait sciemment, mais en vain, planter une lance dans l’œil par les assistants d’Ambroise, il mourra dans d’atroces souffrances.
Quant à Marguerite de Valois, dont l’existence démarre dans un siècle où les rumeurs, les ragots et les outrages sont monnaie courante tant les tensions sont vivaces, on lui prête très tôt des relations incestueuses non pas avec un, mais avec ses trois frères ; sa légendaire beauté, que Brantôme, l’abbé soldat du Périgord figurant parmi les plus illustres chroniqueurs de son époque, décrira en ces termes : « S’il y en eust jamais une au monde parfaicte en beauté, c’est la royne de Navarre ! » fera qu’on lui prêtera aussi un grand nombre d’amants plus ou moins fantasmés. Mariée à Henri de Navarre dans le but de mettre un terme à une troisième guerre de religion - le général des jésuites qualifiera le mariage « d’union exécrable »- , le mythe d’une « femme lubrique née dans une famille maudite » la poursuivra longtemps, avant que le souvenir de cette femme exceptionnelle, remarquable latiniste très cultivée possédant à la fois beauté, santé, intelligence et énergie, soit réhabilité. Il reste néanmoins que si le nombre d’amants qu’on lui a prêté reste démesuré, le couple royal a affiché sans grand mystère ses infidélités mutuelles, tout en accomplissant un devoir conjugal minutieux et protocolaire.
Ce poème délicieux de romantisme, d’éperdu et de passion, adressé par Marguerite à son amant Champvallon, traduit remarquablement le goût de la reine pour les formes poétiques anciennes. Il s’intitule : « Nos deux corps sont en toi… »
Nos deux corps sont en toi,
Je le sais plus que d’ombre.
Nos amis sont à toi
Je ne sais que de nombre.
Et puisque tu es tout
Et que je ne suis rien,
Je n’ai rien ne t’ayant
Ou j’ai tout, au contraire,
Avoir et tout et tien,
Comment se peut-il faire ?...
C’est que j’ai tous les maux
Et je n’ai point de biens.
Je vis par et pour toi
Ainsi que pour moi-même.
Tu vis par et pour moi
Ainsi que pour toi-même.
Le soleil de mes yeux,
Si je n’ai ta lumière,
Une aveugle nuée
Ennuie ma paupière.
Comme une pluie de pleurs
Découle de mes yeux,
Les éclairs de l’amour,
Les éclats de la foudre
Entrefendent mes nuits
Et m’écrasent en poudre.
Quand j’entonne les cris,
Lors, j’étonne les cieux.
Je vis par et pour toi
Ainsi que pour moi-même.
Tu vis par et pour moi
Ainsi que pour toi-même.
Nous n’aurons qu’une vie
Et n’aurons qu’un trépas.
Je ne veux pas ta mort
Je désire la mienne.
Mais ma mort est ta mort
Et ma vie est la tienne.
Ainsi, je veux mourir
Et je ne le veux pas.