mardi 29 novembre 2011

Le matin canadien

Nous sommes les compagnons du nouveau monde, nous portons les cheveux longs et la barbe claire, nos vêtements n’ont plus de sens mais nous les choisissons avec le même soin, nous regardons nos mains se fragiliser mais nous maîtrisons de nouvelles technologies avec dextérité et assurance puis marchons des heures entières même dans des entrelacs de ville, nous sommes filiformes et nos os sont sevrés du lait nourricier, nous inventons notre nature au milieu de machines, nous sommes capables d’oublier la folie de nos bruits au point d’aimer en produire d’autres plus dissonants, nous nous aimons malgré tout, nos yeux brillent comme aux premiers jours, nous continuons de caresser le bois et l’eau, nous guettons le ciel avec inquiétude, nous fourmillons avec moins d’insouciance car tout est devenu menace, nous marchons sur des œufs de ciment, nous avons foi en l’avenir de vingt-quatre heures, nous voulons faire du troc et remplacer nos cartes magnétiques, nous savons traverser des montagnes et avoir peur, nous voulons construire de nos mains des objets encore inutiles mais un temps viendra, nous essayons de franchir le seuil de nos maisons sans affaires ni clés, nous sommes capables d’attendre sans but, nous nous prenons en photo et tentons de nous arrêter sur nos images pour recommencer à chercher ce qu’elles renferment de nous et nous sommes plus beaux que jamais, nous avons peur d’avoir froid mais nous voulons que l’automne et le printemps subsistent, nous continuons d’aller regarder la mer depuis un rivage, nous entendons nos femmes parler de leur voix de rivière, nous nous asseyons à côté de nos enfants qui racontent un monde enfoui en caressant des jouets dangereux et nous tâtons nos muscles mutants, nous nous lavons debout, nous déterrons la parole énigmatique de nos pères pour l’ensevelir mieux parce que nous savons que nos morts débordent mais que leur souvenir s’enfuit, nous nous cherchons une histoire neuve, nous nous remettons à nous raconter le monde les uns aux autres et forçons démesurément pour rapetisser la taille de nos écrans-ogre, nous voulons enfiler davantage de bagues à nos doigts pour laisser notre peau vierge en attendant de meilleurs messages, nous avons nos diplômes de messie mais la terre reste à construire et nous n’élèverons plus d’église jusqu’à ce que le sol des forêts bruisse comme en Terre Adélie et changerons nos armes pour ne plus en avoir peur ni envie, nous pourrons être audacieux quand cela aura un sens car nous choisissons désormais nos livres au milieu de ceux que nous avons accumulés, un jour nous nous remettrons à fumer des pipes quand nos chiens seront plus grands et plus forts et le soir tombera sur nos volets de lumière.

mardi 22 novembre 2011

un phallus de pierre, une toile d'araignée et un fer à cheval.













Et cette quarantième année qui se fait toujours attendre...

Et tout sera toujours comme ça, après avoir vu la sublime Anna Mouglalis dans le terriblement italien Romanzo Criminale j’ai fini ce roman à moitié raté de Dan Fante sur la couverture duquel une très jeune afro américaine exhibe des seins juvéniles un peu foireux à l’aide d’un sourire déformé par la bouteille qu’elle tient à la main dans une chambre sale, navigué dans ses chapitres coincés entre poésies magnifiquement ratées et autofiction brillamment cliché, en réfléchissant sans aboutir sur la destinée des deux fils d’un des plus grands écrivains du siècle mort bouffi d’alcool et de dettes, l’aîné mort d’alcoolisme, le cadet tout aussi alcoolisé mais sauvé par sa recherche désespérée et horriblement vouée à l’échec d’une gloire littéraire contemporaine qu’il voudrait léguer à rebours sans avoir l’once d’une chance d’y parvenir, je me suis aussi retrouvé à discuter avec beaucoup d'empathie de quel genre d'oeuvre pourrait venir transformer mon salon avec un galeriste chevronné à l'occasion d'un souper très arrosé de vins blancs, survolé le troisième tome de Servitudes tout juste paru en me disant que je le relirai plus tard à tête reposée sans pour autant réussir à le bâcler vraiment mais sans prendre le temps de me vautrer devant donc je l’ai très mal lu, lu sur son propre site une très longue biographie de Maurice Dantec plutôt réussie bien que terriblement trop dithyrambique, vu trois films la même nuit en finissant par l’incroyable chef d’œuvre de Wes Anderson, A Bord du Darjeeling Limited sur la fin duquel je me suis ignoblement endormi après avoir ingurgité un piteux sandwich au pain de mie en plein milieu de la nuit, réjoui comme on peut l’être d’avoir reçu ce cadeau inattendu mais écœuré de ne pas parvenir à retenir davantage un sommeil s’annonçant vaseux, nul et mou sans un rêve qui en vaille la peine, tombant en grâce devant le génie lymphatique de Jason Schwartzman (et découvrir ce matin qu’il est dans la vraie vie le fils d’Adrienne la femme de Rocky, et plus inutilement batteur d’un groupe de rock inconnu et cousin de Sofia Coppola), et tout en même temps tombant follement amoureux d’Amara Karan, entamé intrigué un tout petit roman d’Anne Marie Garat que j’avais acheté pour ma femme au Bleuet, la librairie génialement bobo implantée dans le village de Banon, édité sur un papier vélin dans un format oblong surprenant, et l’ai fini d’une traite très amoureux de tous ces mots compliqués et de ce style délicieusement obséquieux mais il n’aurait pas fallu qu’il soit plus long, vaincu une dizaine de sudoku de niveau très avancé comme une mécanique en laissant mon cerveau ergoter sur l’omniprésence des mécaniques et des objectifs de leurs constructeurs respectifs en crispant ces rides obliques sur mon front sous l’assaut des décibels de merveilleux moteurs de machines génialement complexes volontairement grondants, puissant et rauques dans la rue qui plonge sous mes fenêtres, le chuintement métallique feutré de scooters de dernière génération, m’agaçant sans répit de ce grincement de freins caractéristique qui annonce systématiquement le virage en criant l’usure des disques de plus de la moitié des véhicules en service dans cette partie de la ville, et enfin, écouté deux différents bruits de talons dévaler terriblement lentement cette même rue la nuit venue en me retenant avec succès de passer la tête par la fenêtre pour identifier les silhouettes dont le pas résonnait si mystérieusement dans un silence soudain regroupé pour attendre une pluie qui ne viendrait pas.

vendredi 18 novembre 2011

Gaffe... (Warning)

Avant de venir m'exciter dans la ville, je n'étais qu'un mec isolé dans un coin.
Rock City, cité lumière, nos croix de fer reluisent.
Rock City, tours de cristal, heavy metal énergie ! Cité des Monts, qui donc est ton leader ?
Rock entrepôts, containers-sex, le pourpre est là réclamant les caresses et l'homme au vitriol sort à la nuit blanche, rien ne résiste à ses manigances : Criminel... Crève !
Un avant-goût amer, skins en velours clair : cité du blues, hey fuck ! Punky Lézard...
Rock City, cité lumière aux stations futuristes, Rock City, tours de cristal, heavy metal graffitis ! Cité des Monts, qui donc est ton leader ? Et la fille en limousine fait des performances, rien ne résiste à ses attirances : Criminelle... Crève ! Un avant-goût amer après la crise de nerfs : cité du blues, CITE DU BLUES, hey fuck ! Punky Lézard...
Cité du blues, qui donc est ton leader ?

mercredi 16 novembre 2011

Va te faire Fante !

Ces derniers temps, je suis capable de boire un litre de vin blanc plusieurs fois dans la journée. Je n'arrive pas vraiment à me lever comme un Imperator, mais je me lève. Je n'arrive pas vraiment à me coucher comme un gladiateur, mais je me couche. Et il se trouve que John Fante a un fils qui s'appelle Dan, et qu'il écrit des romans. Ca n'arrange définitivement pas mes affaires.
C'est le genre de famille qui te fout irrémédiablement dans la merde en ce qui concerne la consommation de vin.

mardi 15 novembre 2011

Too old to die

Chez lui il y avait cette odeur terriblement âcre qui avait finie par s’emparer de sa personne pour la définir, ce qui avait pour résultat qu’il mangeait immédiatement tout l’oxygène en suspension sitôt qu’il entrait dans une pièce, même à l’avant d’un bus. Cela n’avait rien à voir avec de la saleté ou de la négligence, il ne s’agissait pas de puanteur, c’était plutôt un mélange écrasant de tabac brun froid, de relent de cendres de ces cigares vendus à l’unité dans de petites vitrines horizontales, de tiédeurs persistantes de plats longuement cuisinés aux fonds de sauces tiédies de vins de table et de féculents dont on a renoncé à l’usage dans nos cuisines robotiques, et plus piquant, plus acerbe, de ce chuintement de fers et de fontes ménagers chauffés régulièrement à blanc… C’était aussi, enveloppant le tout comme un plaid aux patchworks marrons, un étouffement de tissus laineux solennellement pliés dans des angles de commodes clouées aux sols linoleum, feutres, serges, lycras et velours spongieux retenant eux-mêmes prisonnières d’innombrables mémoires olfactives à demi effacées les unes dans les autres, le tout constituant cette exhalaison du passé propre à ces appartements tenus écartés de la lumière aérée du dehors par des persiennes éternellement croisées ou des tentures aux rouges devenus ocres ; il sentait l’œuf dur de bistrot et le papier journal, le yaourt et le fer à repasser, la télé allumée et le rotin rapiécé, le napperon gris et le bibelot de cuivre, le verre de bière et placard à chaussures ; il sentait le secrétaire et le coussin graisseux, le bol ébréché, l’encyclopédie du tour de France et la réserve de sacs plastiques et ce mélange animal, repoussant mais terriblement familier, ce n’était que l’odeur de la vieillesse, accompagnant de son opiniâtreté l’inéluctable décrépitude des espoirs, de la vigueur et de l’envie de plaire, assignant à chaque infortuné dépossédé de sa jeunesse puis de sa maturité sans pour autant avoir reçu la visite de la mort, une unicité fauve à la fois identique et terriblement personnelle, une rudesse odorante poussiéreuse forçant tout à la fois le respect, et le dégoût. Et il n’était pas sale ; ses joues avaient beau être rongées d’une barbe réduite à une couperose de touffes rocailleuses mal équarries, ses cheveux luire d’une brillantine étalée par strates successives s’auto-chassant les unes les autres en abandonnant de petites squames grises, sa tenue était soignée. Costume épais sur chemise autrefois claire, cravate tressée coulissant d’un nœud auguste, plat, laid et imposant, ceinturon de cuir patiné à la langue pendante tenu haut sur les hanches, et chaussures de faux cuir sempiternellement carrées, montées sur des semelles de crêpe croûteuses, émergeant d’un manteau de laine marine évidement trop grand. Que dire, après tout, de cette dentition inexorablement battue ayant finie par rejoindre en goût, en teinte et en odeur celle des chevaux ou des chèvres de nos campagnes, de cette canne en noyer devenue compagne, de ce souvenir de chien ému et opaque, du pas lent et laborieux empesé de douleurs et de réticences, de cette vitrification de l’œil finissant par rappeler les plus laides des agates qui remplissaient les trousses de billes de nos enfances, ébréchées et dépolies, et de tous ces surplus de peau flétrissant chaque jointure ? Il puait sa vieillesse comme le sportif pue sa soif de gloire ou l’ingénue le désir de séduire, voilà tout. Je me serai retroussé les naseaux de la même façon avec ces deux là, peut-être même avec plus de recul.

trois fois bon







jeudi 10 novembre 2011

Un jour des morts Place de la Fontaine

J’avais beau être attablé comme le rescapé d’un attentat silencieux sur cette placette longiligne, les jambes raides tendues devant moi, je savais que je disposais de toute ma tête. J’étais abasourdi par quelques kilomètres d’autoroute, mais rien qui n’ait suffit à générer un mind-lag (mot que j’ai inventé définissant ce décalage vis-à-vis de soi-même intervenant à l’issue d’une quantité de bitume avalée en temps réel les mains rivées à un volant, lorsqu’on descend de l’habitacle de son véhicule en tôle et que l’on s’assoit quelque part ailleurs, la sensation de la distance encore bourdonnante dans les muscles des tibias et du cou, totalement contradictoire d’avec le jet-lag, sensation frauduleuse ressentie à l’idée d’avoir parcourue une distance abstraite en trop peu de temps sans avoir eu la capacité de la comprendre physiquement). Donc, pendant que je me disais que la fumée de la cigarette de ce type aux chaussures maculées de traces blanchâtres montait étrangement très lentement dans l’air, je me disais aussi que ce n’était ni la fatigue ni l’hébétude qui distordait agréablement ma perception des choses, et je me disais ces deux choses en même temps en ressentant une acuité totalement inutile, mais terriblement précise. Or, sa fumée montait bel et bien comme à reculons dans l’atmosphère en refusant de s’étirer, tandis que la mienne filait comme un oisillon échappé d’un calumet, et il y avait aussi cette humidité vivante qui gagnait la rue et les arbres et les tables et les chaises malgré un après-midi à peine ébauché. Il était gros et menaçant et regardait vers l’Est et j’étais tourné vers le Sud, quand il s’est assis je me suis dit que c’était une drôle de façon de s’asseoir à une terrasse où ne siégeait personne en dehors de nous et de le faire de cette façon, à l’autre bout mais quasiment face à face, je me suis dit que sa fumée et la mienne ne montaient pas dans le ciel de la même façon, je me suis dit que l’air était si calme que ça ressemblait à quelque chose que je ne connaissais pas, je l’ai regardé plusieurs fois jusqu’à ce qu’à chaque fois il se mette à me regarder, je me suis demandé si tout avait l’air étrange autour de moi et tout avait l’air étrange, et je n’arrivais pas à boire cette bière qui voulait rester dans son verre très long et j’en venais à me dire que je n’étais pas là quand il a fallu se lever et partir. Puis tout est redevenu normal et je me suis mis à marcher et j’ai esquissé une sorte de sourire.

jeudi 3 novembre 2011

C’est le commencement qui est le pire, puis le milieu puis la fin ; à la fin, c’est la fin qui est le pire. (S. Beckett) :::: 20/20

Finir une liste de poèmes avec Charles Baudelaire peut ressembler à du laxisme.


Après s’être efforcé de poster des vers qui n’aient pas déjà été infiniment ressassés, et de le faire sans forfanterie, se retrouver à clôturer l’exercice avec probablement le plus connu d’entre tous les poètes semble ridicule. En même temps, l’hésitation qui m’a parcourue d’en finir avec cette liste par le biais d’un de mes propres poèmes l’était tout autant, si ce n’est plus et pareillement, choisir comme ultime poète un confidentiel aurait ruiné le soin que j’avais pris à ne pas donner dans une forme d’élitisme orgueilleux malgré des recherches précises de vers dont les résonnances pouvaient sembler nouvelles.
C’est qu’en fait, la lecture de « Poèmes Interdits », ouvrage – délicieusement préfacé par Sollers - paru aux éditions Complexe et embelli des illustrations de Gabriel Lefebvre vient de m’apporter quelques faits historiques impressionnants pour tout passionné de lettres, et qu’au fil de cette (re)lecture, je me suis fait surprendre, puis inévitablement happer par le romanesque qui n’a de cesse d’entourer Baudelaire. Le roi des poètes est ainsi : indétrônable.


Le 30 août 1857, Victor Hugo écrit ainsi à Baudelaire : « J’ai reçu, Monsieur, votre lettre et votre beau livre. L’art est comme l’azur, c’est le champ infini : vous venez de le prouver. Vos Fleurs Du Mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles. Continuez. Je crie bravo ! de toutes mes forces, à votre vigoureux esprit. Permettez-moi de finir ces quelques lignes par une félicitation. Une des rares décorations que le régime actuel peut accorder, vous venez de la recevoir. Ce qu’il appelle sa justice vous a condamné au nom de ce qu’il appelle sa morale ; c’est là une couronne de plus. Je vous serre la main, poète. »
Deux mois auparavant, Charles Baudelaire vient de livrer 1300 exemplaires de son recueil, fruit de seize années de labeur. Il en a déjà, de lui-même, retranché un tiers depuis 55, confiant à sa mère être « épouvanté par l’horreur qu’il allait inspirer ». Le Figaro, en disant de l’ouvrage « Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du cœur » mettra le feu aux poudres, jusqu’à occasionner la saisie des exemplaires à peine deux mois plus tard. Le poète et ses eux éditeurs sont convoqués par la justice.
C’est au tour de Flaubert, lui-même inquiété par ce même Ernest Pinard, Procureur Impérial en charge du réquisitoire contre Les Fleurs du Mal, six mois auparavant au sujet de son « Madame Bovary », de s’étonner : « Ceci est du nouveau : poursuivre un livre de vers ! Jusqu’à présent la magistrature laissait la poésie fort tranquille. Je suis grandement indigné. Donnez-moi des détails sur votre affaire, si cela ne vous embête pas trop et recevez mille poignées de main des plus cordiales. ».
Le jugement, rendu après quelques heures, ordonne la suppression de six pièces (Les Bijoux, Lesbos, Le Léthé, A celle qui est trop gaie, Femmes damnées et Les Métamorphoses du vampire) et condamne le poète à 300 francs d’amende. « L’amende, grossie de frais inintelligibles pour moi, dépasse les facultés de la pauvreté proverbiale des poètes ! » s’exclamera Baudelaire en faisant appel à l’Impératrice, qui consent finalement à la réduire à 50 francs.
Une nouvelle édition des Fleurs du Mal sera donc imprimée en 1861 sans les six poèmes incriminés, qui paraîtront, isolés, sous le titre « Les Epaves » en 66, en Belgique. La justice française attaquera à nouveau l’éditeur, mais se heurtera à sa domiciliation belge et ne pourra faire valoir sa requête.


Il faudra attendre 1949, soit près d’un siècle, pour qu’un arrêté de la Cour de Cassation annule enfin le jugement de 1857.
Ironie de l’histoire, cette annulation interviendra moins d’un an après l’interdiction du « J’irai cracher sur vos tombes » de Vian.

Voici l’un de ces six poèmes interdits ; ce sera le dernier de cette série de vingt.
Poulet-Malassis, l’éditeur des Fleurs du Mal lui aussi condamné, en dira : « Les juges ont cru découvrir un sens à la fois sanguinaire et obscène dans les deux dernières stances. La gravité du Recueil excluait de pareilles plaisanteries. Mais venin signifiant spleen ou mélancolie, était une idée trop simple pour des criminalistes. Que leur interprétation syphilitique leur reste sur la conscience. »

Et que l’on me dispense de partager de la poésie pour un temps : l’exercice est par trop difficile.



A celle qui est trop gaie

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l’esprit des poètes
L’image d’un ballet de fleurs.

Ces robes folles sont l’emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t’aime !

Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J’ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;

Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon cœur,
Que j’ai puni sur une fleur
L’insolence de la Nature.

Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l’heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,

Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T’infuser mon venin, ma sœur !

mercredi 2 novembre 2011

Dans les accidents de chemin de fer, c’est toujours le dernier wagon le plus dangereux. C’est pour cela qu’on l’a supprimé (Pierre Dac) (19/20).

Le 19 septembre 2011, j’ai fait le pari de poster vingt poèmes en vingt jours. Le 8 octobre, arrivé au treizième et alors que l’échéance de ces vingt jours tombe déjà comme un couperet sur mon projet désormais étêté, je connais un instant de renoncement. Peu importe, je persiste. A l’aube de finir, cela m’en aura finalement pris quarante cinq pour arriver là, à ce dix-neuvième et avant dernier.

Charles Le Quintrec, comme son nom l’indique, est breton. Fervent catholique, qui plus est. Et vivant, de surcroît. Personne n’est parfait. Pour autant, sa parole rugueuse est empreinte de sacré et peuplée de paysages. Bref, Charles Le Quintrec est un beau poète.

(…)
Soufflez sur une pierre
D’une route ordinaire
Il en sort un cheval interdit de séjour
L’ogive de mon âme
Et sa légende autour.

Extrait de « Les Pierres »