vendredi 17 février 2012

Non, sans blog ?...

Y'a pas que chez Blogspot qu'il y a des choses bien. Nan, des fois, y'a des trucs terribles chez Overblog, aussi. Comme celle-là. Etre désorganisé et hétéroclite avant tant d'homogénéité et de constance, c'est bien, c'est beau, c'est weblicious. Allez hop, on s'abonne (parce que ça fait toujours plaisir au type ou à la nana qui sue derrière son écran à la recherche d'un vague relent d'existence) :

>http://pagillet.over-blog.com

mardi 14 février 2012

"Il faut aimer au-dessus de ses moyens" (Bourbon Busset)



"Henri Miller and his hot model", title of this pic extracted from visboo.com/Rare-Photos-of-Famous-People.

... et Henri, c'est pas du Hugh Hefner, n'est-il pas ?

lundi 13 février 2012

Mon père, ce héros ?

Fait rare, mon père me raconta tantôt, à l’occasion d’une de ces conversations imprévisibles que nous avons pris l’habitude de tenir sur le balcon de sa véranda tout en fumant d’affilée deux ou trois de ces cigarettes qui lui sont formellement interdites, un souvenir de son adolescence. Passée en majorité dans un éloignement terrible de tout charme urbain ou social, sa jeunesse, je le sais, fut tout entière consacrée à d’âpres études menées dans un séminaire ardéchois, et en lesquelles sa famille nobiliaire plaçait les plus hautes espérances - tout ça ressemblait déjà énormément au canevas d’un roman français ; je ne me rappelle plus précisément de quoi nous discutions sur l’instant, je crois que cela avait trait au caractère capricieux des avancées technologiques en matière d’équipement ménager, son lave-vaisselle venant de déverser une marre de mousse saumâtre dans sa cuisine quand soudainement il me fit part de ce souvenir: j’ai connu, me confessa-t-il un sourire amusé aux lèvres à l’idée de mon imminente incrédulité, ces longues tables de réfectoire de chêne massif patinées jusqu’à l’extrême noirceur, dans le corps desquelles étaient directement creusées des rangées d’assiettes se faisant face de façon régulière : nos repas de séminaristes y étaient ainsi servis à même le bois, à la louchée. Après que chacun eut à charge de récurer son alvéole à l’aide de sa cuillère poursuivit-il, celui d’entre nous qui était de corvée passait avec un chiffon humide essuyer d’un revers rapide les dernières traces de soupe (la soupe constituant l’incontournable corps du repas vespéral) dans chaque cavité, et s’en était fini jusqu’au repas suivant, où nous changerions de place, toujours dans un même silence…
J’en profitai pour me remémorer cet autre souvenir, livré par ma mère cette fois, qui m’avait jadis terriblement impressionné : en pleine occupation, très jeune enfant, accompagnant ma grand-mère dans une sortie de fin de matinée placée sous le signe d’un espoir de trouver du pain, elles se retrouvèrent toutes deux au cœur d’une de ces escarmouches dont j’appris donc assez jeune qu’elles avaient été monnaie courante dans les rues de Marseille dans les années 40 ; partie prenante bien malgré elles par le seul fait de traverser la rue, elles coururent, au bruit des détonations, se réfugier à l’intérieur de la boulangerie désertée mais leur course frénétique avait exacerbé une tension déjà aigue, si bien qu’elles furent prises pour cible ; elles durent passer d’interminables minutes accroupies derrière un comptoir et avant que le calme ne revienne, une belle rafale de mitraillette avait imprimé de trous gros comme un pouce le plafond et le mur du fond de la boutique, dans un arc de cercle harmonieux venant prendre fin à quelques centimètres de leur tête.
C’est bizarre, je pense très souvent à cette histoire ; systématiquement, par exemple, quand j’emprunte la rue Roux de Brignoles à la sortie de laquelle, presque à l’angle de la rue Breteuil, on peut encore voir une impressionnante multitude de vieux impacts d’armes de guerre sur les façades d’immeuble, un peu en hauteur. Pourtant, tout comme cette nouvelle confession de mon père, je n’arrive pas à y lier une émotion particulière bien qu’il s’agisse des deux êtres m’ayant donné la vie ; les maigres décennies nous séparant les uns de l’autre prennent juste une distance supplémentaire, comme ça, par à-coups.
Déjà largement exprimé dans ces incessantes incompréhensions mutuelles que nous avons finalement eu la sagesse d’utiliser comme autant de moyens de chercher, parmi elles, ces traces systématiques de connivence qui illuminent très subrepticement nos échanges, ce fossé générationnel me semble alors un gouffre sans fin : avant que je ne vienne au monde, mes vieux parents semblent évoluer dans un monde que je me figure toujours aujourd’hui comme une succession d’utopies, de romantisme et de romanesque tragique : ma mère sous le feu des mitraillettes du Pont de la rivière Kwaï, et maintenant, mon père en robe de bure attablé quelque part dans le Nom de la Rose… Sans aucune transition intelligible s’y collent ces polaroids marron sur lesquels j’apparais enfin en culottes courtes sur les rives du lac de Gréoux les Bains et qui eux, font bel et bien partie d’un passé préhensible et réel. Il en est ainsi : cet univers dans lequel mes parents ont été des héros m’est désespérément impénétrable ou tout au moins, résonne en moi de la même façon que la lecture d’un livre historique poignant ou le visionnage d’un reportage en noir et blanc sur Arte, tandis que ces indécrottables années 70 au cœur desquelles nous nous rejoignions enfin dans une même existence ne se détachent que par leur bonheur banal et leurs couleurs surannées de Petit Nicolas. Et je me demande quel genre de héros mystérieux et impénétrable vais-je pouvoir être pour ma propre fille, moi qui n’ai rien connu d’autre, avant qu’elle ne vienne au monde, que les heures de gloire du hard-rock et les émissions de variétés animées par Bernard Tapie… Mon père, ce héros ?

mardi 7 février 2012

Mononucléose existentielle

Contracter la maladie du baiser lors de sa toute jeune adolescence fait, usuellement, en garder un souvenir doucereux, où la pénibilité d’une immense fatigue physique s’est élevée au rang d’une noblesse à la fois révolutionnaire - devenir soudain tout ce que l’on espère, une sorte de Marquis de Sade dépravé en proie à quelque vile affection liée au stupre et suscitant une évidente gêne sociale chez ses parents dès lors que le voisinage s’enquiert-, et résolument romantique, tout soumis que l’on se trouve, tel un Lautréamont ignorant, à la fois aux aléas d’un spleen le plus terrible, et des attaques perfides, invisibles et sinueuses du poison de l’Amour… Comme souvent avec cette maladie, le diagnostic est tardif : l’on végète ainsi dans un état semi langoureux quelques jours, à la frontière de quelque chose de foncièrement désagréable, avant que le diagnostic ne tombe, aussi surprenant pour soi que pour ses géniteurs effarés.
Bien plus tard, au lendemain d’une mi-vie, il ne s’agit guère de salive ; ou plutôt si : ce serait le baiser de la vie qui empoisonne parfois gentiment les humeurs et laisse pantelant, inerte, vaguement neurasthénique, coincé entre deux mondes.
Comme par exemple, cerné d’une part par Marc Aurèle et ses « Pensées à moi-même », pur chef d’œuvre de stoïcisme antique rabat-joie et pompeux, délicieusement désuet, terriblement moralisateur, ignoblement juste et visionnaire. Il s’acoquine immédiatement avec le mini fascicule de Schopenhauer putassièrement intitulé «L’Art d’avoir toujours raison », éloge décortiquant l’outrageux principe de la Dialectique éristique. Ces deux-là, coude à coude, n’ont alors de cesse de faire les yeux doux au sachet de runes feutré précautionneusement rangé dans le dos d’une étagère discrète, dont les méandres interprétatifs ne se lassent d’abandonner l’interrogateur pantelant dans de longues errances mystiques dépourvues de sens pratique mais inversement gorgées de méditations dont l’égocentrisme chic réconforte très agréablement le fantasme d’être un passeur de Mondes.
De l’autre, des séries minutieuses d’exercices physiques astreignants mais stériles, de longues marches dans ce vent glacé venu du nord dont on sort les muscles endoloris, des brossages de dents interminables menés debout en arpentant la demeure couvert d’un châle de femme, sans but mais avec ordonnance, des kilomètres d’exercices mentaux (calcul, cruciverbie compulsive, mnémotechnique), une humeur soupe-au-lait explosive, une consommation monomaniaque de tabac et de café, séparés ou conjugués, et d’assourdissantes sommes de télé-travail.
Au milieu, à peine refermé, Jim Harrison. On pourrait probablement se déposséder de tous les ouvrages qui s’entassent dans un logis pour former cette bibliothèque incontrôlable que l’on finit généralement par arpenter avec cette même amnésie stupide, et remplacer tout ça uniquement par des livres de Jim Harrison : on ne regretterait rien. Et il y a les meubles, aussi. Ce rapport étroit et inexplicable que l’on noue avec eux. Et puis quand on rit c’est finalement de soi-même, avec tellement de franchise, avec tellement de laisser-aller, de libération que ça étonne. S’enfermer dans un cirque empierré de vides préoccupants, un même sourire imbécile aux lèvres, insupportablement morne. Faire brûler l’Oliban, qui est un acte pur abandonné à une populace hébétée constituée de pseudo-hippies, d’atroces amateurs de reggae et d’aficionados de philosophies Fen-Shui puisées dans des magazines de mode criards ; choisir dans l’éventail précis des senteurs musquées millénaires celle qui imprègnera sans la moindre pitié chaque centimètre carré de son logis. Les Boswellia mâles, seuls végétaux producteurs de la précieuse résine à côté de laquelle, dans l’antiquité, l’Or même ne faisait que pâle figure, vont disparaître.
Rester.
Comme ça, pour rien.
Plus que l'Arbre. Plus que l'Arbre que l'on brûle.
Plus que le livre et plus que les meubles.
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarg.>