samedi 30 mars 2013

La chair est triste, hélas, et j'ai lu tous les livres...

   Un matin, ou plutôt généralement un soir, on découvre qu’on est devenu un père. Généralement ça ne date pas d’hier et ça n’a rien à voir avec le syndrome post-traumatique de se retrouver à devoir, sans réelle transition, passer d’être capable d’avaler des pintes de Leffe cul-sec à changer des couches, rabattre des sièges de voiture, plier des poussettes ou recevoir sa belle-mère pour l’apéritif, non, ça se passe beaucoup plus tard, une petite série d’années plus tard. Ca n’a rien à voir non plus avec les enfants eux-mêmes, que l’on aura finalement à peu près appris à comprendre, aimer, écouter et découvrir entre temps : non, c’est plutôt au niveau des autres adultes que tout ça se joue. Il est ici question de ce lent processus de désertification sociale que l’on pensait jusqu’alors combattre, et qu’on découvre soudainement ne même plus subir mais juste traverser, sans réelle possibilité de retour en arrière.

samedi 23 mars 2013

L'Histoire de France en Bandes Décimées

Ce mois ci :

"LA LAIDE HISTOIRE DE LUDO, FILS DU CAROLUS MAGNUS"

Ludovic, c’est le fils d’un type plutôt encombrant ; contrairement à ce père dont il faut bien qu’il se démarque, il se passionne pour les curés et les bondieuseries et donc à force, on l’appellera plutôt Louis que Ludwig alors qu’à l’origine, son prénom c’est plutôt du teuton farouche, directement issu de son aïeul Chlodowig (Clovis pour les intimes). Il se trouve qu’à cause d’une unique allusion malheureuse de son biographe attitré – dont le nom n’a, lui, jamais gagné la postérité et qu’il a donc fallu se résoudre à appeler « l’Astronome », du fait qu’il est quand même resté de lui qu’il regardait beaucoup en l’air et que du coup, il a très bien vu passer une comète dont il a aussi beaucoup parlé –, il va aussi, sans trop qu’on sache pourquoi, se retrouver affublé du surnom « Le Débonnaire » qui lui collera aux basque, ce qui, faut l’avouer, n’est pas en soi terrible-terrible niveau surnom. Bref.
Ludo, c’est juste un troisième fils et encore, celui d’une seconde noce et encore, il aurait dû avoir un jumeau mais bon il est mort donc finalement il est tout seul à être troisième.
Au moment où il naît, son père est parti faire un peu de sport en Espagne ; mais dès qu’il revient, il le nomme roi de quelque chose comme ses deux frères : y’a moyen, encore une fois, papa, il est un peu comme Christian Audigier, il a bien réussi dans les Affaires. Ce qui fait qu’à 3 ans, Ludo devient Roi d’Aquitaine :

jeudi 21 mars 2013

"Avoir un bon copain..."

- T’as des amis, toi ?
- Bof.
- Moi j’en ai eu. J’en ai même eu pas mal. En y réfléchissant, avant ces derniers temps y’a pas eu une période de ma vie où je n’ai pas eu d’amis, mais j’ai toujours foiré. Tu vois le truc ? J’ai toujours tout foiré.
- Des amies… tu veux dire des filles ?
- Non non. Je parle d’Amis là, d’amis-i, des gars, des potes, appelle ça comme tu veux… un ami quoi.
- Ha. Bon.
- Quoi ?
- Rien.
- Ben si, j’vois bien.

samedi 16 mars 2013

Jesuisvivantetvousêtestousmorts (A weird Quaisoir tribute)

Le très divertissant/réjouissant/instructif/poétique/éclairé/délicieusement inutile Blog « Après la Pub » - outre de très réguliers articles traitant de sujets dont la variance se dispute à un délicieux éclectisme (poésie, art contemporain, sociologie, geek-culture, cinéma, ravissantes créatures des deux sexes et autres réjouissances) - livre avec une louable constance, tous les vendredi, un « bordel » fait de portfolios sans queue ni tête prenant invariablement fin sur des « messages à caractère informatif ». Il se trouve qu’à l’occasion du 150ème de ces « bordel », l’auteur a compilé une série d’images chacune extraite des 150 épisodes précédents. Bon, jusqu’ici, nous voilà cantonnés à une sorte d’apologie virtuello-confraternelle d’un travail auquel, comme beaucoup d’autres internautes, je suis plutôt sensible. Mais voilà qu’une image, ou plus exactement, un de ces fameux « messages à caractère informatif » extrait du Bordel n° 32 me saute soudain au visage avec la virulence d’un alien tout droit sorti de son œuf.

jeudi 14 mars 2013

ASO, ASI, ASA.

Les choses que l'on peut dire à propos de Jean-Pierre Gilson c'est qu'il est né en 1948 dans l'Oise, qu'il s’est spécialisé dans la photographie de paysages, qu'il expose pour la première fois en 1977 et qu'il n'est pas mort. Après, ce que l'on peut rajouter, c'est que loin du fouillis inextricable d’images vides, laides et muettes dont nous inondent les aficionados de couteaux-suisses numériques, des photographes rappellent discrètement tout ce qu’une image peut nous dire.  Une image. Dire qu’à force, on a presque réussi à oublier ce que c’était, alors que des génies de l’image comme Ingres (celui du violon, oui oui, non seulement il a peint le cultissime « Bain turc », ou encore la saisissante « Odalisque à l’Esclave », mais il se trouve qu’il jouait magnifiquement du violon…), dès la fin du XVIII ème, s’extasient de la sorte :  « La photographie, c’est mieux qu’un dessin, mais il ne faut pas le dire… ». Merci, M. Gilson.

samedi 9 mars 2013

"Le début de l'hygiène, c'est haïr les microbes des voisins..."

Par un étrange concours de circonstances, plusieurs des siphons de la maison que j’habite ont décidé de se boucher quasi simultanément. Puis ça a été au tour de ceux des locaux dans lesquels il m’arrive d’aller travailler, quand j’ai objectivement épuisé ma capacité à la paresse. Alors, je me suis accroupi, à plusieurs reprises.

jeudi 7 mars 2013

Sourbrodt, dernier arrêt.

   Dieter est né en 1942 dans un village frontalier. A n’importe quelle autre époque, cela n’aura rien changé de particulier, en soi. Mais il se trouve qu’au moment où Dieter naît, Sourbrodt, son village, a déjà changé 4 fois de camp en un peu plus d’un siècle ( « canton rédimé » devenu rouge après un Congrès de 1815, passé en 1919 sous administration bleue après la défaite rouge au titre de dommages de guerre, intégré définitivement aux bleus en 1925, puis à nouveau rouge pendant l’Occupation, pour être réintégré aux bleus à partir de 1945). Cela donne une bourgade bizarroïde dans laquelle, d’un quartier à l’autre, on parle pas le même patois.
Le papa de Dieter, lui, s’est fait enrôler de force par les rouges pour aller taper sur la gueule des alliés des bleus, que ça lui plaise ou non ; dans la famille de Dieter, de toutes façons, on parle indifféremment bleu, rouge, et même vert, alors…

mardi 5 mars 2013

Never post on monday what you wrote a monday.

Après avoir abandonné les rues désertes jonchées de grands vides durant vingt-quatre interminables heures durant lesquelles tout s’est entendu de loin, la machine foireuse s’est, sans surprise, remise en route dès la nuit chassée. Les premiers, les bruits se sont mis à vrombir. Des bras prolongés d’outils, des mains repliées sur des commandes se sont mises à percuter des croûtes de sols agglomérés, tapant partout obstinément des parois dès l’arrivée de l’aube pour ne plus devoir s’arrêter de marteler leur imbécilité barbare jusqu’au retour du soir, réveillant des conglomérats de poussière dissous la veille qui se ré-amalgament pour entamer leur exode au hasard des vents du petit matin : car voilà qu’au signal d’un mécanisme à la fonction ancienne, des milliers d’organismes se meuvent ensemble pour se télescoper à vitesse moyenne sous des antennes, des paraboles maculées et des tôles aveugles qui vibrent aussi de consort sur des ondes et des axes, au-dessus de câbles souterrains distendus, à côté ou au milieu de frottements enterrés dont les crissements émergent jusqu’à l’air libre qui se sature ; de partout des liquides transitent, avalés, recrachés, pressurisés, chuintant, sifflant, des monnaies lasses s’échangent, des cris raclent des parois et s’élancent dans des artères rectilignes au milieu de pas qui s’affrontent et se superposent pour s’enchâsser dans un même labour insensé. Et enfin lentement, très lentement, la langueur commune d’un effort douloureux s’extirpe comme un nuage empêtré de cette marée éperdue et noueuse livrée à sa propre houle. Tandis que fatalement, chaque rouage claque métalliquement contre son clapet dans cette peine immanente, cette fois-ci, par chance, les rayons d’un soleil étincelant sous l’arc bleuté d’un jour naissant plus haut frappent le remugle d’un sabre inutile, et à plusieurs reprises, à plusieurs endroits, quelqu’un aura levé la tête. Et je me dis quand viendra-t-elle cette génération qui apportera enfin le renouveau à toutes ces choses usées mais clinquantes qui refusent de céder leur place, comme ces vieux-beaux en jean's agressifs prêts à faire le coup de poing pour un mot malmené, une liasse épaisse de pouvoir pliée en deux dans la poche arrière ? Quand sentira-t-on les premiers signes, les premières oscillations del’air, quand ces nouvelles rencontres de jeunes gens et de jeunes filles se mettront à arpenter les trottoirs et à invectiver les passants, non plus avec cette morgue menaçante et teigneuse ni ces vêtements aux mélanges soigneusement stéréotypés ni avec ces allures sacrifiées sur l’autel de l’arrogance et du confort contrefait, mais cette fois avec une insolence heureuse, une excentricité neuve, tout à l’étonnante conductivité de leur mue ? Pas entourés d’emballages de ces détritus absorbés sans envie ni plaisir puis jetés à bas de leurs propres pantalons, ni la fesse engluée sur le côté d’une machine bruyante et laide carénée à l’identique dans ces horribles matériaux poisseux et mou, volontairement stationnée comme une crotte de chien en travers d’un passage emprunté par ces binômes d’adultes-robots effrayés et anxieux qui trottinent derrière leurs ratées… mais debout, iridescents, probablement narquois du haut d’un objectif émergeant, évident, totalitaire ! Après la Beat Generation des baby-boomers puis le cynisme de l'opposition mort-née business-culture/contre-culture de la Génération X, cette pseudo-Génération Y évidé de son propre contenu sitôt son couronnement autoproclamé par quelques digital-natives aux yeux cernés de mauvais sommeil puis cette actuelle Génération Z qui fait étrangement écho à la Génération Silencieuse de l’entre-deux guerres, face à face avec son ridicule ultime ennemi qui se met stupidement à fasciner par d’intenses reproductions/déclinaisons sur tous les modes et supports possibles (les « soi-même » revenus de la mort, débarrassés de leur âme et de ses tourments inutiles pour s’adonner enfin à la turpitude du chaos total sans plus une once ni de remords ni de sadisme), je me dis, oui, ce matin, je me dis sera-ce donc la Guerre qui seule offrira à nos envies ratatinées, élimées, remixées à l’infini et parfaitement trop laquées de nouvelles peaux ? Fatalement, ici, chaque rouage claque métalliquement contre son clapet dans cette peine immanente ; cette fois-ci, par chance, les rayons d’un soleil étincelant sous l’arc bleuté d’un jour naissant bien plus haut frappent ce remugle d’un sabre inutile, et à plusieurs reprises, à plusieurs endroits, quelqu’un lève la tête.