mardi 29 décembre 2009

Alors là, Frank, je dis bravo...

Quand j’eus dix-sept ans
Ce fût une très belle année pour les filles des provinces
Et les douces nuits d’été :
Nous nous cachions loin des lumières
Sur les pelouses de village

Quand j’avais dix-sept ans...

Quand j’eus vingt-et-un ans
Ce fût une très belle année :
Ce fût une très bonne année pour les filles des villes
Qui vivent en haut des escaliers
Avec tous ces parfums dans la chevelure
Qui s’évaporaient

Quand j’avais vingt et un ans...

Quand j’eus trente-cinq ans
Ce fût une très belle année :
Ce fût une très belle année pour les filles au sang bleu
Emancipées
Nous roulions à bord de limousines;
Leurs chauffeurs conduiraient

Quand j’avais trente-cinq ans...

Mais désormais les jours racourcissent :
Je suis dans l’automne de l’année
Et je pense maintenant ma vie comme un bon vin
Issu de vieux tonnelets fins
De la coupe à la lie
Qui aurait coulé sereinement...
Ce fût une très belle année.

Ca aura été un sacré paquet de belles années...

dimanche 27 décembre 2009

Le grand père d'Heïdi n'a pas de nom

Dans le vent de décembre il fait froid. Tout le temps. On se tient chaud. On se serre et on se tourne autour au hasard des appartements. On s'asseoit à même le sol en chaussettes en plein après-midi. On rit de pas grand chose. Des couvertures, des châles, on en met et on en enlève et tout traîne un peu comme ça, à mi-chemin d'une chaleur fugace qui s'enfuit des pièces au fur et à mesure qu'on les traverse. On fume aux fenêtres assis, le cou dans les épaules. On fume dans le froid. La télé, partout et tout le temps; images sans bande-son, programmes oubliés, émissions-sourdines en plans larges, dessins animés. Les douches sont longues et fumantes, les parfums plus plastiques, les cheveux plus froids quand ils sèchent. On campe souvent dans la cuisine, on y passe du temps. Le four chôme pas. Des fois, on va se peler les couilles dans un début d'après-midi d'hiver, un de ceux qui commencent à l'heure de l'apéro pour finir à l'heure du café; on se fourre sous trois rais de soleil blanc l'estomac vide, on aspire du vent gelé à la fois par la bouche et le nez et on en rigole pour de faux, et on rentre les doigts gourds. On fait du cacao dans des casseroles. On le finit jamais, parce que c'est dégueulasse. C'est juste tenir la tasse avec le truc dedans qui sent bon, pour se chauffer les mains. On fait des trucs dans des micro-coins, comme de petits satellites indépendants, on se sourit quand on se croise puis on retourne à son micro-univers ouvert. On pourrait tailler des pipes dans des bouts de bois, si on voulait. Avec un couteau. Un Opinel, ou un Laguiole. De sacrés belles pipes.

dimanche 13 décembre 2009

Where are you, Pagans ?....

Il fût un temps où le début de l’année commençait le 25 décembre, au solstice d’hiver, parce que c’était la nuit des Mères et celle de la naissance de Mithra et du Sol Invictus : la nuit du Tournant du Soleil, la plus significative, celle de Jöl, la fête de la naissance du soleil dont le symbole est la roue (en vieux norois*: « Hiol », ou « Yule »), qui commençait la nuit du 25 décembre pour 12 jours jusqu’au Jour Principal. « Les Douze Nuits » désignaient alors les jours du 25 décembre au 6 janvier (jour de noël pour l'église apostolique arménienne, et date de l'Epiphanie...), une période sacrée car les Dieux allaient y tenir leur cortège festif.
* première langue scandinave médiévale

Pendant 12 jours, une ambiance de fête totale régnait dans les maisons et les rues. Dans le foyer brûlait la bûche de Hiol que chacun pouvait aller chercher dans la forêt sans être puni comme un voleur de bois, et dans la salle décorée en vert résonnaient les chants glorifiant le soleil-enfant. On s’amusait à se défier à coups de jeux et de devinettes, et on cuisait du porc comme met de fête, les Dieux devant quitter leur demeure dans la nuit pour descendre sur terre…

Lors, l’influence divine se manifestait dans toute la nature. Chaque créature fêtait avec gratitude le train des Dieux ; toute eau était sacrée, ou bien changée en vin (hum hum...). On puisait l’eau aux saintes sources au milieu de cette nuit («Wy ») afin de la conserver pour un usage consacré et en asperger les habitations (hum hum...) ; on sortait au dehors le fourrage afin de le bénir. On ramassait des plantes rendues sacrées par le passage des Dieux pour les donner au bétail. On secouait les arbres pour les sortir de leur sommeil et, ainsi éveillés afin qu’ils ne restent pas secs et stériles, ils étaient prêts à accueillir la Fructification. On cherchait ainsi à s’allier les Dieux par des dons et apaiser leur colère par des feux brûlant en leur honneur, tout en tenant de grands repas sacrificiels.

« Les Mères arrivent chez nous la veille de Yule et se réunissent en une joyeuse fête : un Pertho* mené avec les femmes sages du lieu qu’elles visitent. Le lendemain, elles sont rejointes par leurs conjoints et commencent les douze jours de Yule, les douze jours d’ivresse mystique et de tempête physique pendant lesquels vie et mort se confondent. »

*(nom de la rune germanique désignant la lette « P », et correspondant à la divinité et/ou au hasard)

Cette tradition proto-celte a tout simplement été pillée (comme beaucoup d’autres !) par l’Occident latin en 354 dans un récurent souci de prosélytisme…

Un petit retour aux sources ?
Voici la recette du Wassail aux pommes cuites traduite du livre de Laurie Cabot « Celebrate the Earth: A Year of Holidays in the Pagan Tradition »

Pommes cuites:
1 douzaine de pommes à cuire
1 tasse de sucre roux
3 cuillères à soupe de cannelle
du beurre ou de la margarine
3/4 de tasse d’eau bouillante
2 cuillères à soupe de sucre
Enlevez les trognons des pommes et placez les dans un moule de 20 /20 cm. Mélangez le sucre et la cannelle, remplissez les pommes de ce mélange, déposez une noisette de beurre (ou de margarine) sur le dessus. Ajoutez l’eau bouillante et le sucre dans le moule et faites cuire à 190°C pendant 40 à 60 minutes.
Wassail :
1 tasse d’eau
4 tasses de sucre
1 cuillère à soupe de noix de muscade (râpée)
1/2 cuillère à café de macis
2 cuillères à café de gingembre
6 clous de girofle entiers
1 bâton de cannelle
6 toutes-épices entières
1 douzaine d’oeufs
4 bouteilles de xérès
2 tasses de cognac
Mélangez les huit premiers ingrédients dans une casserole et faites bouillir 5 minutes. Battez les blancs d’oeufs en neige.
Dans un bol séparé, battez les jaunes d’oeufs. Ajoutez délicatement les blancs en neige dans les jaunes. les épices dans le mélange aux oeufs et remuer.
Mélangez le xérès et le cognac et portez presque à ébullition. Ajoutez progressivement l’alcool au mélange oeufs-épices, en mélangeant rapidement. Avant de servir, ajoutez les pommes cuites au mélange mousseux. Servez dans un large récipient (un petit chaudron, par exemple).

JOYEUX YULE !!!

Je veux prendre ta douleur...

L'Incrédulié de Saint Thomas - Le Caravage.

mardi 8 décembre 2009

Chess boxing

Essayer de lire en parallèle deux romans bâtis comme deux frères ennemis alimente cette attirance récurrente - à priori malsaine - que j'ai pour le basculement de la perception des choses vers un flux cotoneux s'éloignant petit à petit, mais inexorablement, de ce qui a trait à la réalité.
Si l'effet est moins brutal, moins incisif que l'atteinte du système neuronal par la drogue ou de la pulsation de l'alcool se mettant à battre dans mon corps ébouillanté, cette plongée bicéphale écharpe pareillement les rigidités de mon quotidien : stations de métro, canapé de salon, livres ouverts, livres fermés, toilettes, lit, sommeil, insomnies, repas, mon esprit est terriblement touché et pour peu qu'on aime, comme moi, se laisser aller aux luxures des livres comme d'autres se prêtent complaisemment - et donc avec succès -aux délices de l'hypnose, j'aspire de tous mes sens à ce vagabondage diffus entre deux mondes au bord desquels je patauge, un pied dans la fange, l'autre sur le sol craquelé d'une terre de mirages, mes couilles seules surplombant le réel comme deux déesses crevassées survivantes d'un temps méconnu; cette errance obnubilante finit par rattraper ce qui, en moi, supplie de laisser sur place la lente imbécilité de mon existence pour gagner à la nage, dans une mer de caractères dactylographiés, la splendide laideur d'autres existences, trop proches des notres et pourtant merveilleusement différentes parce que passées au filtre saisissant de prosodies d'êtres touchés par une grâce leur permettant ce dont je reste incapable : se libérer de nos vies en les extirpant de nous-mêmes avant de les confier, par un subtil agencement, à d'autres êtres plus ignobles encore, plus faibles, plus vils, plus beaux, plus purs, plus cons, plus braves, plus laids, plus primitifs, plus virils, plus sensibles, plus désintéressés, plus cupides, plus passionnés, plus réfléchis, plus fous, plus sages, ou plus normaux.
Ces mots sont pourtant - à priori - laissés à la portée de tous; mais qui d'entre nous les manie vraiment de façon telle que leur assemblage finit par toucher ce qu'il y a au-delà de nous ?
La bataille est ainsi omniprésente : laquelle des deux oeuvres prendra le dessus, et au-delà, qui, de la réalité ou de cette bataille-même, l'emportera dans mon pauvre cerveau malmené ?
Enki Bilal inventait le "chess-boxing" dans un volume de la trilogie Nikopol: une sorte de divertissement futuriste où deux athlètes enchaînaient, sous les hourras de la foule, rounds d'échecs à rounds de boxe.
Mon oeil est tuméfié et mon esprit aiguisé.
Mes côtes me brûlent et mon cortex grésille.
"The Road" de Mc Carthy me frappe répétitivement au foie, me coupant le souffle.
"Sanctuaire" de Faulkner me taraude chaque neurone, menaçant ma raison.
Au milieu, ma vie me fait peur.
Je n'ai jamais été aussi vivant.

jeudi 12 novembre 2009

Combien je regrette mon bras si dodu !

Pierre-Jean de Béranger, malgré un nom peu connu du grand public, est pourtant un chansonnier du XIXème des plus jouissifs.
Au-delà d'avoir suscité l'estime de pairs bien plus glorieux tels Sainte Beuve ou même Stendhal (qui allait jusqu'à le comparer à Goethe ou à Lamartine !...), ce garçon né dans une auberge parisienne ayant usé à moult reprises les bancs des gêoles françaises en raison de ses satires populaires a notamment écrit ce petit bijou d'impertinence intitulé : "Ma Grand Mère" :

"Ma grand-mère un soir à sa fête,
De vin pur ayant bu deux doigts,
Nous disait en branlant la tête :
Que d'amoureux j'eus autrefois !

Combien je regrette
Mon bras si dodu
Ma jambe bien faite
Et le temps perdu !

Maman, vous aviez le coeur tendre ?
- Oui, si tendre, qu'à dix-sept ans,
Lindor ne se fit pas attendre,
Et qu'il n'attendit pas longtemps.

Maman, Lindor savait-il donc plaire ?
- Oui, seul il me plut quatre mois ;
Mais bientôt j'estimai Valère,
Et fis deux heureux à la fois.

Quoi ! Maman, deux amants ensemble !
- Oui, mais chacun d'eux me trompa.
Plus fine alors qu'il ne vous semble,
J'épousai votre grand-papa.

Maman, lui fûtes-vous fidèle ?
- Oh ! sur cela je me tais bien,
A moins qu'à lui Dieu ne m'appelle,
Mon confesseur n'en saura rien.

Comme vous, maman, faut-il faire ?
- Eh ! mes petits enfants, pourquoi,
Quand j'ai fait comme ma grand-mère,
Ne feriez-vous pas comme moi ?

Combien je regrette
Mon bras si dodu
Ma jambe bien faite
et le temps perdu !"


Ma grand-mère, au grand dam de ma propre mère, dissimulait en permanence des bières alsaciennes dans le placard de sa chambre d'hopital qu'elle parvenait à se faire "livrer" par le personnel hospitalier lui-même, qu'elle attendrissait au moyen de charmes mystérieux...

mardi 10 novembre 2009

Liste de lecture (je ne sais plus quel volume, tiens...)

Mon ami Mathias Berthier, plus connu sous le nom de usthiax (pour info : http://myspace.com/usthiax) a eu l'attention délicieuse de courrir les libraires pour arriver à me faire partager ce petit bijou de littérature qu'est "L'Etourdissement" de Joël Egloff. Je l'en remercie vivement, tant ce mini roman de 140 pages est délicieux de violence discrète, de tragédie minimaliste et de réalisme social vicié.
A mon tour de vous encourager à vous démener pour le trouver, sachant que rien de ce qui a de la valeur ici bas ne s'obtient sans ménagement (sauf quand on a des amis prévenants)....
Un peu d'eau à la bouche ? Pas plus que les onze premières lignes, ça suffit amplement :
"Quand le vent vient de l'ouest, ça sent plutôt l'oeuf pourri. Quand c'est de l'est qu'il souffle, il y a comme une odeur de soufre qui nous prend à la gorge. Quand il vient du nord, ce sont des fumées noires qui nous arrivent droit dessus. Et quand c'est le vent du sud qui se lève, qu'on n'a pas souvent, heureusement, ça sent vraiment la merde, y'a pas d'autre mot.
Nous, au milieu de tout ça, ça fait bien longtemps qu'on n'y fait plus attention. C'est qu'une question d'habitude finalement. On se fait à tout."

lundi 9 novembre 2009

L.U.N.D.I

Radio réveil en reset à 00:00 lorsque je me réveille avec une sensation bizarre.
Carte d'abonnement au métro expirée.
Pas la moindre pièce jaune dans le pot à ferraille. Que des minuscules orange.
Retard de 20 mn de mon Conseiller Financier à la Poste.
Un seul portique qui fonctionne à l'entrée du métro sur les 6 disponibles.
Pas de place assise dans le wagon.
Pas de bus à la sortie de la station pour grimper la côte terrible qui mène au bureau.
Fond de café froid.
Plus que cinq cigarettes.
Semaine 46, je sens que je vais t'aimer.

jeudi 29 octobre 2009

sounds for work's travels

Faire des listes est une activité monomaniaque vaguement obsessionnelle à laquelle je m'adonne avec circonspection.

Liste du Jeudi 29 octobre, 17:08 : albums ayant transité dans mon balladeur Samsung cette semaine, soit depuis Lundi 26 octobre, entre les sept stations de métro qui séparent mon appartement de mon lieu de travail :
Lundi 26 :
ECHO & THE BUNNYMEN / Crocodiles

Mardi 27 :
JUDAS PRIEST / Screaming for Vengeance

Mercredi 28:
BRUCE SPRINGSTEEN / Darkness on the Edge of Town

Jeudi 29 :
16 HORSEPOWER / Secret South

lundi 26 octobre 2009

La philosophie de l'éclair de lucidité....

"Et admettons que je sois un salaud.
Quel effet ça fait d’être un salaud ? Ben, si ça se trouve on s’habitue très bien !
Y’a des tas de salauds dans la vie qu’ont l’air à l’aise ; c’est même ça peut-être qui les rend à l’aise, le fait d’être des salauds.
Quelle différence y’a entre un salaud et un type bien ? Et ben, c’est que le type bien, il a pas les couilles d’être un salaud, puis c’est tout. Moi, par exemple, qui suis dégonflé de nature, et bien je suis condamné à être un type bien toute ma vie.
Oh mais alors attention… parce que là je viens de mettre le doigt sur un truc vertigineux.
Ca voudrait dire que c’est la trouille qui rend honnête, et que c’est le courage qui permet d’être une ordure.
Ca changerait toutes les données du problème, ça."

Monologue de Micky, alias Coluche dans "La Femme de Mon Pote", tourné en 1983 (la même année que "Tchao Pantin") par Bertrand Blier

dimanche 25 octobre 2009

la mathématique du square


Il y a là cette étrange folie, dans nos mégapoles, de créer une chaîne improbable partant de concepteurs de mobilier urbain et aboutissant face à nos sociétés malades où tout ce qui est donné en pâture aux gens finira invariablement par subir un assaut visant à le détruire.
Eux créent des objet devant allier -théoriquement - confort, utilité et pragmatisme à modernité, pureté, voire beauté dans le paysage urbain.
Ensuite, il y a les ouvriers municipaux et leur poésie dadaïste.
Enfin, voilà les dispositifs livrés au peuple.


Aujourd'hui, je jette mes canettes vides dans un container, à l'entrée d'un square. Comme la plupart de ces petites placettes ayant, vers la fin du XIXème, égayé les fins de semaines des citadins grâce à leur carré de verdure ironisant sous l'assaut des premiers véhicules à moteur, celle-là a fini par être recouverte de ce bitume rose incroyablement envahissant, qui, une fois sali (ce qui arrive très vite), prend la couleur d'une viande à la fraîcheur douteuse.
Les quatre sempiternels platanes qui ceignent ce square, le tronc parsemé de bubons difformes, tous atteints de cette lèpre mystérieuse faisant se déliquescer leur écorce, s'enfoncent dans leur carré délimité, asphyxiés de déjections canines. Jusque là, rien de très surprenant.
Mais voilà, il y a ces chaises.


Elles sont incassables, parce qu'en acier. Elles sont intransportables, parce que scéllées au béton dans le fameux bitume rose. De fait, quelqu'un a dû décider de leur agencement, et ce, pour l'éternité. Au nombre de huit, elles sont implantées selon des logiques distinctes et cohabitantes, soit: un petit ilot de 3, deux petits ilots de 2, et une toute seule. Le problème, c'est que: l'ilot de 3 chaises rend toute conversation impossible tant elles ont été scéllées au sol loin les unes des autres; du coup, le dispositif est très inconfortable aussi en l'absence de discussion, puisque les gens qui s'y installent sont matériellement face à face, malgré tout.
Les deux ilots de deux sièges, eux, obéissent à la logique inverse : les chaises se tournent le dos. Venir en amoureux dans ce square est inutile, venir à deux avec qui que ce soit, stérile. Enfin, la chaise toute seule, comme un fait-exprès, trône presque au beau milieu du square lui-même. Quiconque souhaite s'y installer prend le risque de subir immédiatement le regard de tous les occupants du square, des passants, des gens attablés au café d'en face et des mégères Rmistes rivées à leur balcon, et se devra d'adopter un flegme de circonstance, comme jadis l'aurait fait une statue d'Edmond Rostand.


Inutile de se voiler la face : les squares de quartier ne sont plus que les prés carrés des exclus de l'abondance : des grappes anémiées de rebus de notre dadaïste société suicidaire, paricide et infanticide, se les approprient en catimini. C'est à eux de s'adapter à ce Saugrenu. Là où ils en sont arrivés, ils ne s'interrogent d'ailleurs plus guère sur la logique de cette disposition ouvertement à l'encontre de tous sens humain, et finalement, ça leur va à merveille : ils peuvent se cotoyer sans se parler, se regrouper sans se mélanger, s'ignorer sans se banir, et crever au vu et au su de nous autres, plantés sur leurs chaises incassables comme les platanes dans leurs merdes de chien : seuls, exposés, humiliés et las.
Les chaises, elles sont belles. Plutôt réussies, niveau design. Confortables, je sais pas. Je n'ai jamais trouvé le courage de m'immiscer dans ce monde parallèle et immobile auquel elles ont donné corps, quelquepart entre oeuvre contemporaine illustrant la beauté imbécile de notre époque, ou enfer silencieux et sadique aménagé dans les entrailles de ma ville devenue folle.

jeudi 1 octobre 2009

20% de produit gratuit

Composition de "produits soufflés à base de maïs" saveur cacahuète fabriqués en France :
Ingrédients : semoule de maïs 59%, arachides grillées moulues 30%, matière grasse végétale (palme), sel, arôme, exhausteur de goût : glutamate monosodique, extraits d'épices.

Composition d'une canette de 25 cl de bière blonde brassée en Alsace : contient du malt d'orge, malt de blé et blé, pour un dose équivalent à 0,8 unité d'alcool.

Composition d'une cigarette anglaise blonde bout filtre : goudrons 10 mg - Nicotine 0,9 mg - Monoxyde de carbone 10 mg.

Composition d'un mammifère mâle hypnotisé par un ordinateur portable de type "Personal Computer" fabriqué au Japon : mandibulation moyenne, déglutition fréquente, respiration difficile, indice de sommeil inférieur au minimum légal, indice d'acuité non perceptible.

vendredi 25 septembre 2009

A l'oreille des chevaux...

Danser une valse lente avec une petite fille de quatre ans qui sort du bain, dans l'enceinte circulaire d'un petit tapis rouge, sur la programmation de Chérie FM un vendredi soir, c'est une expérience qui se rapproche de la découverte de l'Âtman.

Le travail, c'est la santé !

Regarder, écouter, lire les infos, ou faire l'autruche en sirotant des grenadines ? A chaque fois qu'on se laisse prendre bêtement, ce sont des pages et des pages de choses révoltantes que l'on découvre, toujours avec ce même mélange d'effarement et de circonspection.
Ce matin, parmi beaucoup d'autres (attention, ne croyez pas que chaque jour se contente d'une seule abomination!), celle là me paraît plutôt croustillante : l'Etat français, tellement à court d'argent, innove !
Jean-François Copé, chef de la majorité à l'Assemblée, immédiatement approuvé par le Président de la République, a l'idée du siècle : taxer avec un impôt les indemnités journalières perçues par les victimes d'accidents du travail.
Ah ça, fallait le trouver, hein ?
Bof, en même temps, pas de quoi pavoiser : il s'agit juste de tirer un peu sur l'ambulance. Faut pas en faire un plat, après tout : au traumatisme de l'accident lui-même, plus la diminution des revenus (entre 60 et 70% du salaire), on rajoute juste un petit impôt. Quoi ? Le bouclier fiscal ? Les taux ridicules d'imposition sur les revenus financiers ? Les milliards refilés aux banques et aux assurances à cause de la panique qu'ils ont générée tous seuls comme des grands ? Mais non, rien à voir, ça... C'est autre chose, faut pas tout mélanger ! Vous ne comprendriez pas de toutes façons, c'est de la politique... Allez, c'est pas tout ça mais va falloir retourner bosser ! Hé !.. Et faites attention de pas vous faire mal, ce serait bête...
Comme dirait le Cap'Tain Carnasse, "on a une belle vie de con, finalement".

Green harbor


Ce qu'il y a de bien avec la politique, c'est l'absence de surprise. Ainsi, quand la planète entière se pare d'un idéologisme éco-futuriste, le président de Marseille Provence Métropole entérine la mise en route d'un incinérateur de déchets flambant neuf à Fos-sur-Mer (commune déjà totalement sclérosée par l'amoncellement surréaliste d'installations pétro-chimiques) après avoir balayé les six années de procédure engagées par les vrais gens vivants une vraie vie sur place, maire en tête. L'ironie du sort, la beauté du geste, c'est que cet incinérateur coûte tellement cher que ce sont les habitants des communes directement arrosées par cette structure de malheur, les mêmes qui n'en veulent farouchement pas, qui vont devoir payer la note, avec une hausse de 40 euros (si si!) de leur taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Joli coup, ma foi.
Mais attention : il reste encore deux splendides cerises sur ce gâteau déjà furieusement nauséabond :
1/ lancée dans le cadre d'une délégation de service public, l'usine est construite et sera exploitée pour 25 ans par un groupe privé, qui, rémunéré à la tonne de déchets traités, exige néanmoins de la communauté urbaine des "tonnages de déchets garantis" pour être sûr de faire son beurre...
2/ ce même groupe privé a fait passer en cours de route la construction de son bolide de 280 à 460 millions d'euros. La Communauté de Communes dénonce donc cette "légère hausse" de budget, et traîne en justice son propre délégataire, pour tenter d'éponger 107 millions d'euros... Les 73 millions d'écart restants semblent, eux, ne pas poser de problème... *

Tout à l'heure, j'irai chercher mon enfant à la sortie de l'école. Paraît qu'en ce moment, il faut faire gaffe si ils toussent.

*source : journal 20 Minutes du 25/09/2009

un prêté pour un rendu ...

jeudi 24 septembre 2009

De la Liste de lecture, Vol.3


Etrange sensation que de subir partout les coulées de plomb d'un début d'été à Marseille dans ces dernières horribles semaines qui tiennent en laisse les Grandes Vacances, dans des wagons de métro pleins comme des étuves, étouffé sous la furie des voitures et de la ville sous asphyxie, avec, entre les mains, un livre écrit par un guinéen.
Un livre qui traite de l'épopée coloniale véridique d'un marseillais parti à l'assaut de l'Afrique de l'Ouest dans les dernières années d'un 19ème siècle implosif, un livre qui traite d'une épopée elle-même dévorée de chaleurs, de fièvres et de dysenteries...
Puant et suant à côté d'autres qui suaient et puaient sur les banquettes plastiques marrons du métro marseillais, j'ai embarqué dans ce récit apparemment bon enfant, mais voilà : Tierno Monénembo écrit son pays comme un blanc.
De façon diaboliquement équivoque, sa verve se délecte de la vision orgueilleusement raciste du progrès tel qu'on a pu le concevoir dans un passé pas si lointain, et il est fascinant de devoir régulièrement se rappeler, tout au long de ce livre, que c'est bien un noir, lui-même natif de cette Guinée dont il raconte l'asservissement et le jeu de convoîtises, qui tient la plume, tant certains de ses passages sont effrayants de justesse et de cynisme.
Il y est question de la prodigieuse aventure d’Aimé Victor Olivier, devenu Olivier de Sanderval, qui voulut se tailler un royaume au nez et à la barbe des autorités coloniales françaises… et des anglais. Au début des années 1880, ce fils de négociant marseillais fonde en effet le projet de conquérir à titre privé le Fouta Djalon, et d’y faire passer une ligne de chemin de fer.
On a presque tout oublié de lui : il fut pourtant un précurseur de la colonisation, ses aventures faisant le régal des gazettes parisiennes de l’époque. Au cours de ses cinq voyages successifs, il parviendra à l'exploit spectaculaire de gagner la confiance de l’Almâmi, ce chef suprême du royaume du Fouta Djalon, qui lui donnera le plateau de Kahel, et l’autorisera même à battre monnaie à son effigie.
Mais Sanderval échouera ; il finira par revenir à Marseille pour y sombrer, malade, dans un mysticisme halluciné avant de mourir dans le dénuement.
Coincé entre "Aguirre ou la colère de Dieu" et le snob délicieusement décalé d'un Jules Verne, "Le Roi de Kahel" m'a fait passer et repasser la Ligne 1 de la RTM dans un chaos contradictoire de jubilation, de fascination et de scepticisme.
"Alors, depuis ses palais de Kahel, lentement, de la même manière que la lèpre gagne le corps, sa puissance et sa gloire s'étendraient, paillotte par paillotte, tribu par tribu, savane par savane, forêt par forêt, sur le continent tout entier. D'abord les Peuls, puis les Bambaras, les Songhaïs, les Mossis, les Haoussas, les Béribéris, les Bantous, tous les Nègres de la terre avec ou sans balafres, avec ou sans turban, avec ou sans un os en travers du nez. Arrachés à leur jungle et à leurs ténébreuses pensées, ces sauvages auraient suffisamment goûté à l'algèbre et aux mets délicats, à l'architecture et aux théories de Platon, avant que sous la poussée inéluctable de l'évolution les climats ne se dérèglent, que les glaciers de la Laponie n'envahissent le Languedoc et que les pauvres petits Blancs affolés ne courrent se réchauffer près de l'Equateur. L'Afrique serait alors le centre du monde, le coeur de la civilsation, la nouvelle Thèbes, la nouvelle Athènes, la nouvelle Rome et la nouvelle Florence tout à la fois. et ce serait ce nouvel âge de l'Humanité qu'il avait pressenti bien avant les autres et dont les bases auraient été jetées par son génie à lui."

De la liste de lecture Vol 2


Maurice G. Dantec est un personnage de Stan Lee un peu raté.
La plupart de ses paragraphes semblent avoir été extraits de cases successives d'un Comics, chaque segment de phrase surplombant une bulle, entre un "CHABLANG!" et un "OUCH!", calligraphiés à la main au-dessus de silhouettes disproportionnées en proie à des tourments affreux, fixées en contre-jour dans des poses de statue grecque...

" Le récit qui s'amorce, dans le globe de feu de son existence devenue spirale extatique, ce n'est donc pas le récit de sa vie, l'histoire de son présent sans cesse réitéré, c'est la narration même de sa transfiguration, c'est la zone d'impact de la liberté au coeur des défenses immunitaires de la nécessité, c'est la tension absolue entre l'être et le non-être, c'est l'intrusion rétrovirale de la boîte noire vers elle-même, c'est le moment apoplectique ou tout va se disjoindre pour prendre sens, où tout va se combiner pour mieux se diviser, où tout, enfin, va prendre vie. Jusque dans la mort."

En même temps, dans les bulles elles-même, on pourrait imaginer sortir de la bouche du personnage, en écho à ce flux cosmogonique, un extrait des Chants de Maldoror de Lautréamont, du genre :

"J'ai vu les hommes, à la tête laide et aux yeux terribles enfoncés dans l'orbite obscur, surpasser la dureté du roc, la rigidité de l'acier fondu, la cruauté du requin, l'insolence de la jeunesse, la fureur insensée des criminels, les trahisons de l'hypocrite, les comédiens les plus extraordinaires, la puissance de caractère des prêtres, et les êtres les plus cachés au dehors, les plus froids des mondes et du ciel lasser les moralistes à découvrir leur coeur, et faire retomber sur eux la colère implacable d'en haut. Je les ai vus tous à la fois, tantôt, le poing le plus robuste dirigé vers le ciel, comme celui d'un enfant déjà pervers contre sa mère, probablement excités par quelque esprit de l'enfer, les yeux chargés d'un remords cuisant en même temps que haineux, dans un silence glacial, n'oser émettre les méditations vastes et ingrates que recélait leur sein, tant elles étaient pleines d'injustice et d'horreur."
Hum hum... Dois-je faire à nouveau hurler "Amphetamine Logic" dans ma platine?

mercredi 23 septembre 2009

De la liste de lecture, Vol.1


J'ai lu les première lignes de Saint Augustin sur un lit d'hôpital, dans les vapeurs finissantes d'une anesthésie ayant permis à un quelconque boucher de m'arracher un morceau de genou dans un sous-sol carrelé. J'étais si confus qu'il m'a fallu refermer l'ouvrage, et je ne me suis décidé à le rouvrir qu'à l'issue d'une rééducation aléatoire et souffreteuse.
Ce qu'il y a de séduisant chez Saint Augustin, c'est ce passé de professeur de rhétorique qui génère une écriture débordant de poésie, qui s'appuie sur des figures stylistiques directement issues des plus anciennes traductions latines de la Bible : on y retrouve notamment le travail musical, les cadences, et les correspondances sonores. En explorant l'exercice de l'autobiographie auquel il donne ses premières véritables lettres de noblesse (un certain Jean-Jacques Rousseau finira d'ailleurs par intituler la sienne "Les Confessions"...), Saint Augustin vient s'opposer avec une élégance charmeuse à l'athlétisme moral de ses prédecesseurs. Pourtant, les écrits du romain berbère n'ont cessé de s'affronter à ceux de ses contemporains, et Saint Augustin est l'homme de toutes les controverses (avec les Manichéens, avec les Pélagiens, avec les Donatistes...). C'est aussi un auteur qui fait rêver pour tous les amateurs d'Histoire, ne serait-ce que parce que ses "Confessions" s''inscrivent par exemple juste dix ans avant la spectaculaire prise de Rome par les troupes d'Alaric, et que sa mort intervient à Hippone alors assiégée par les tristement célèbres Vandales...
Bref, Saint Augustin est un lyrique, et ma foi, le lyrisme, en religion, me plaît assez.
(il s'adresse au Tout Puissant)
" J'apprenais à ma langue bégayante à vous invoquer ; et quoi que je fusse petit, l'affection avec laquelle je vous priais d'empêcher que je n'eusse point le fouet à l'école n'était point petite. Or il arrivait souvent que vous n'exauciez pas ma prière : (ce que vous faisiez pour mon bien) et alors les personnes âgées, et même mon père et ma mère, qui n'eussent pas voulu qu'il me fût arrivé aucun mal, se riaient de mes douleurs, qu'ils considéraient comme de légères peines, et qui passaient dans mon esprit pour le plus grand de tous les maux.
Seigneur, se peut-il trouver quelqu'un qui sans avoir rien de l'insensibilité de quelques naturels stupides, que l'on voit supporter les tourments avec une dureté inébranlable, ait un si grand coeur, une âme si généreuse et si héroïque, et soit attaché à vous par une affection si puissante ? Se peut-il, dis-je, trouver un homme, qui s'étant consacré à votre service, soit tellement élévé au-dessus de l'infirmité humaine par la grandeur de son zèle et par la fermeté de son courage, qu'il se moque des chevalets, des ongles de fer, et des autres espèces de gênes et de tortures, dont l'horreur fait trembler les hommes dans toute la terre, et les porte à vous demander avec un humble frémissement qu'il vous plaise de les en garantir ? Et que non seulement il se rie de ces supplices, mais se moque même de ceux qui les appréhendent avec tant d'effroi, comme mon père et ma mère se moquaient de ces châtiments et de ces peines que je recevais de mes maîtres ? Car il est vrai que je ne les appréhendais pas moins que les hommes appréhendeent les plus grands supplices, et qu'ils ne vous demandent pas avec plus d'ardeur de les en délivrer, que je vous conjurais d'éloigner de moi ces tourments de petits enfants."
(A noter que quiconque s'essaierait à parler du fond de la pensée augustienne là où je me suis sagement cantonné à n'en évoquer que la forme prendrait un risque inconsidéré... N'est pas Maurice Dantec qui veut, n'est-ce pas ?)

décalage spatio-temporel

Devant la porte de l'école maternelle, sur le panneau d'affichage libre, et à côté d'une affiche monumentale invitant à participer au renflouage de l'industrie culturelle par la réservation de places exhorbitantes pour assister à l'une de ces affligeantes tournées d'artistes sur le retour (et pourtant déjà ratés au faîte de leur gloire), en bas à gauche, une plus petite. Si elle semble s'excuser de se tenir ainsi dans l'ombre des couleurs atroces de l'autre, je me surprens à la reluquer quelques secondes à cause de son visuel surprenant : une tête de préservatif à réservoir enfilée sympathiquement sur notre bonne vieille planète bleue. Je me sens intrigué, il n'y a pas beaucoup de texte. Quand je comprends, ma première réaction est de croire à un canular. Mais non. Il s'agit bien d'un encouragement clair au contrôle des naissances, avec ce slogan " notre planète ne peut plus accepter 200.000 naissances par jour" (un truc dans le genre). Je suis tellement perplexe que j'en oublie de chercher quel organisme diffuse ce message édifiant devant les écoles maternelles. Maintenant encore, je peine à trouver quelque chose à ajouter à ce message, avant de me dire que je le trouve tout bonnement atroce.

lundi 21 septembre 2009

La liste de cet été, jusqu'à ces premières pluies rageuses de septembre ?

- Maurice G. Dantec "Cosmos Incorporated"
- Tierno Monénembo : "Le roi de Kahel"
- Harlan Coben : "Mauvaise Base" ("The Final Detail")
- Philip K. Dick " Le dieu venu du Centaure" ("The Three Stygmata of Palmer Eldritch")
- Saint Augustin "Confessions"
- Mezzo / Pirus : "Le roi des mouches" ,Vol. 1 & 2
- Enki Bilal : "Animal'Z"

tout un programme...
Forcément, aujourd'hui, c'est une succession de messages : chacun d'eux se penche au chevet du nouveau-né pour apporter sa contribution, comme le font les trois gentilles fées grassouillettes de "La Belle au Bois Dormant"...
Or donc, nous voilà dans le coeur de l'été caniculaire périgourdin, avec le dernier roman de l'auteur borgne de "Dalva" sur les bras, gros, lourd, et bleu. La Dordogne de Miller (voir le post précédent) s'en accomode particulièrement bien, tant le choc d'avec cette traversée ridée des Etats-Unis est déroutant. L'Odyssée d'Harrison est loin, loin de celle du Ulysse d'Homère... surtout lorsque le périple nous fait stagner en Californie...
"Robert portait des vêtements aussi chics que son appartement. Il a agité les martinis et la glace au-dessus de son épaule comme on le voyait faire dans les vieux films. J'ai longé le couloir pour me rendre aux toilettes et avisé sur le mur les photos d'un Noir à grosse bite, prise par un artiste répondant au joli nom de Mapplethorpe. Pour dire la vérité, j'avais l'air complètement ravagé dans la glace, mais je venais de faire trois mille cinq cents kilomètres au volant de Ron avant qu'il ne se passe l'arme à gauche, sans parler de mes séances d'aérobic avec Marybelle."
Bon sang, nous y voilà.
Petite séance de rattrapage, pour que ce blog ait un arbre généalogique instantané, et incomplet.

Car il vient d'être décidé que la vie de La Petite M aura pris effet dans le courant de l'été 2009, quelquepart sur les bords de la Dordogne, avec dans les mains "Une Odyssée Américaine" de Jim Harrison.

La Dordogne, ce qu'on peut en dire de mieux, c'est probablement ce qu'en dit Miller :

"Coup de génie, de ma part, cette idée d'explorer la région de la Dordogne (...). Rien que le coup d'oeil sur la rivière noire et mystérieuse, du haut de la magnifique falaise debout à l'orée de Domme, suffit pour vous emplir d'un sentiment de gravitude impérissable. Pour moi, cette rivière, ce pays appartient au poète Rainer Maria Rilke. Ce n'est pas plus la France que l'Autriche, ni même que l'Europe : c'est la terre d'enchantement jalousement marquée par les poètes et qu'eux seuls ont le droit de revendiquer comme leur. Ce qui se rapproche le plus du paradis, en attendant la Grèce. Le paradis des français, mettons, par manière de concession. Un paradis, en fait, dont l'existence doit remonter à des milliers et des milliers d'années. Je suis convaincu que c'était bien cela pour l'homme de Cro-Magnon, malgré le témoignage fossilisé des formidables grottes, qui indique des conditions de vie plutôt stupéfiantes et terrifiantes. Rien ne m'empêchera de croire que si l'homme de Cro-Magnon s'installa ici, c'est qu'il était extrêmement intelligent, avec un sens de la beauté très développé. Rien ne m'empêchera de croire que le sentiment religieux avait déjà atteient en lui un haut degré de développement et qu'il a fleuri en ces lieux, alors même que l'homme vivait comme une bête au fond des cavernes. Rien ne m'empêchera de croire que cette grande et pacifique région de France est destinée demeurer éternellement un lieu sacré pour l'homme et que, lorsque la grand-ville aura fini d'exterminer les poètes, leurs successeurs trouveront ici refuge et berceau. Cette visite à la Dordogne fut pour moi, je le répète, d'une importance capitale : il m'en reste un espoir pour l'avenir de l'espèce, et même notre planète. Il se peut qu'un jour la France cesse d'exister, mais la Dordogne survivra, tout comme les rêves, dont se nourrit l'âme humaine."
L'été est mort. Vive l'été !
Lundi, jour fatidique s'il en est... Frappons les fesses du nouveau-né, La Petite M, pour que ses poumons se remplissent soudainement de l'air vicié des villes.