lundi 25 avril 2011

Le spectre des fromages de nuit

C’est dimanche et comme tous les dimanches
C’est le ballet des livreurs de pizza
Virées sauvages de scooters japonais le long des rues désertes
Grognant en stéréo leur rage d’insecte
Tous surmontés de la caisse aux dimensions énormes
Qui trône à leur arrière comme la poupe d’un sloop de corsaire
Tandis qu’au bord de la selle, l’éternel jogging aux cuisses
D’insupportables pilotes bravent la signalisation en chaussettes cartoon
Auréolés de la gloire de leur mission suicide
Et de vapeurs de mozzarella
A l’affût des sonnettes ils remontent les plaques numérotées
Des rues laissées aux lampadaires et aux échos de téléviseurs
En agaçant par à-coups la poignée de leur guêpe
A essence
A contresens
Le casque soudé à la tête et le dédain poli
Ils délivrent enfin une pitance rance, grasse de la tiédeur des ingrédients mauvais
A d’invisibles ombres chaussées de pantoufles
Qui referment très vite sur un confort idiot de lourdes portes lasses
Tandis que le vacarme du roquet de métal reprend déjà
Ramenant le pilote à une échoppe de néons éternellement carrelée
Devant laquelle, attroupés,
D’autres livreurs désœuvrés fument des monceaux de chanvre
Dans un vaste concours de pur désœuvrement
Footballistique :
Demain, nous mourrons tous d’un même prolétariat.

vendredi 22 avril 2011

Allez. Rideau.

Lire des romans de Barjavel datant de 1943 tandis que le monde des années 2000 dégouline de toutes parts comme du beurre rance fondu est une expérience traumatisante.

jeudi 21 avril 2011

Une liste en appelle toujours une autre...


"Brothers" by The Black Keys (2010)



"Apocalypse" by Bill Callahan (2011)



"Aftermath" by The Rolling Stones (1966)



"Lilith" par Jean-Louis Murat (2003)



"Concert" by The Cure (1983)



"Crosby, Stills & Nash" by Crosby, Stills & Nash (1969)

dimanche 17 avril 2011

Allez, une liste, ça faisait longtemps.

"Amor, Curiosidad, Prozac y dudas" (Amour, Prozac et autres curiosités)


Lucia Etxebarria

"Ian ne veut plus entendre parler de moi et je n'ai plus un seul point d'ancrage dans la vie. Ma soeur Rosa a pour seuls amis son modem et son fax. Ma soeur Ana vient de se rendre compte que dans la vie d'une femme il doit y avoir autre chose que les placards et les lessives. Mais je ne ressens aucune compassion ni pour mes soeurs ni pour moi. Nous ne sommes pas dans nos meilleurs jours, mais nous sortirons de l'ornière. Nous avons connu pire, et nous ouvrirons un chemin sur nos cicatrices."


" La carte et le territoire"


Michel Houellebecq


"Un chien s'était amusant, et même beaucoup plus amusant qu'un enfant, et si elle avait envisagé un moment d'avoir un enfant c'était surtout par conformisme, un peu aussi pour faire plaisir à sa mère, mais en réalité elle n'aimait pas vraiment les enfants, elle ne les avait jamais vraiment aimés, et lui non plus plus n'aimait pas les enfants s'il voulait bien y réfléchir, il n'aimait pas leur égoïsme naturel et systématique, leur méconnaissance originelle de la loi, leur immoralité foncière qui obligeait à une éducation épuisante et presque toujours infructueuse. Non, les enfants, en tout cas les enfants humains, il ne les aimait pas."



"Le Montespan"


Jean Teulé


"Les courtisans s'esclaffent. Leurs lèvres s'étirant découvrent des dents cassées et pourries mais ils ont en bouche cannelle et clous de girofle afin d'avoir le flairer doux. Un aristocrate en conseille un autre : "Les caries sont dues à des vers dentaires qu'il faut tuer avec des emplâtres de poudre de corne de cerf mélangée à du miel." Et ils trinquent en buvant une eau-de-vie de fenouil."



"Life"


Keith Richards / James Fox


"Le radar est allumé, que tu le veuilles ou non. Tu ne peux pas l'éteindre. Tu entends un fragment de conversation à l'autre bout de la pièce... Bingo, c'est une chanson. Tu absorbes tout. Et l'autre chose, quand tu commences à écrire, que tu t'aperçois que tu es devenu un compositeur, c'est que pour trouver des munitions tu commences à observer, à prendre tes distances. Tu es tout le temps sur tes gardes. C'est une faculté qui s'aguise au fil des ans: observer les gens, comment ils sont, ce qu'ils font. Et tu commences aussi à sentir une distance bizarre. Ce n'est pas normal de faire ça; en fait, tu es un voyeur. Tu observes autour de toi, tout peut être le point de départ d'une chanson. Une phrase banale devient une idée. Heureusement, il y a plus de phrases que de chansonniers, globablement."

vendredi 15 avril 2011

"Tiens, si on allait voir des gens qui chient, ce soir ?"

« Un truc que j’ai appris au cours de ces deux dernières années, c’est qu’en insistant bien, il n’y a rien qu’on ne puisse foirer »

JJ

“… Et moi, c’est pareil : je souffre d’un manque d’imagination. Je pourrais faire ce que je veux, chaque jour de ma vie, or ce que j’ai envie de faire, manifestement, c’est m’exploser la tête et déclencher des bagarres.

Me dire que je peux faire ce que je veux, c’est comme enlever le bouchon de la baignoire et dire à l’eau qu’elle peut aller où elle veut.

Essayez, vous verrez."

Jess

C’est une monnaie comme une autre, l’estime de soi. Vous pouvez passer des années à économiser, et tout claquer en une soirée, si vous le voulez. Moi, en quelques mois, j’avais jeté par la fenêtre l’équivalent de quarante et quelques années, si bien qu’il fallait que j’économise de nouveau. »

Martin



Conclusion : qui n'a pas lu « A long way down » de Nick Hornby n'est pas en train de plaquer son job pour faire rien de plus, ni de mieux.

mardi 5 avril 2011

Existence monospaciale



La révolution Fordiste ? Payer les ouvriers davantage mais cependant toujours pas assez, juste pour qu’ils ne soient plus inquiétés par de potentielles catastrophes matérielles tout en devenant dépendant de cette fonction qui les en écarte : l’ouvrier est dès lors assujetti à sa chaîne (de montage), invention génialement machiavélique qui permet d’astreindre l’homme à une tâche réduite à son strict minimum qu’on lui assigne dans le but, à moyen terme, qu’il finisse par devenir lui-même client du produit de sa propre production dont il n’est cependant jamais qu’un rouage ignare.

Je suis donc l’ouvrier Ford de ma vie : j’enchaîne des journées dépourvues de sens et de lecture, libérées du passé et du futur, réduites à un présent aveugle, assignées à des tâches insensées, et je les accumule dans l’espoir de « gagner ma vie » à long terme, c'est-à-dire de me rendre finalement, à l’aide de la somme de ce labeur que je sais abêtissant, une vie qui pourrait retrouver du sens.

Pour autant, cela n’interviendra, je le sais déjà, que dès lors que je n’aurai plus aucun moyen personnel de m’y adonner, ayant définitivement perdu le goût de l’élévation, de la réflexion, de l’appréciation du temps, de l’espace et de l’univers.

Alors je me révolte, et retourne en dehors de l’usine parcellaire d’une vie en infinie construction. Et là, que vois-je ?

Rien.

Une vie déconstruite dont je ne suis plus parcelle, et dont me sont restituées les rennes inutiles dont je ne sais que faire.

Mais je suis un autre ouvrier, malgré tout : l’ouvrier de ma décadence. Car à bien y réfléchir, j’en veux pas, de Ford. Les voitures, ça pue, ça pollue et ça sert pas vraiment à grand’chose à part de se sentir mieux qu’un ouvrier. Contremaître.

Tiens.

Si j’essayais de devenir Contremaitre de ma vie ?