mercredi 17 décembre 2014

Lonesome reader

Christopher Cook est né au pays des cowboys  mais en plus, précisément dans l’état des cowboys,  comme Bush et Mel Gibson. 
Il a été marqué au fer rouge de la religion, comme tous les gamins de ces familles de Rednecks peuplant ce Texas fondamentaliste et caricatural. 
Sachant qu’un écrivain de ce sud-là, par essence, ne peut rarement se défaire de l’atavisme consistant à dépeindre son pays et les hommes qui y vivent, Christopher Cook a beau s’être expatrié entre le Mexique et l’Europe il ne faillit pas à la règle : il parle du Texas. 
Sauf que chez Cook, les cowboys du « Lone Star State » ne ressemblent plus davantage à Davy Crockett qu’aux héros de Fort Alamo : amenés, au mieux, à finir ouvriers dans le pétrole ils sont simples, crus et vibrants de laides vérités. 
Les mots terriblement précis de Cook les animent à travers des dialogues taillés au couteau directement dans le corps du texte, dans un style aussi racé qu’un Stetson. 
Voilà une excellente raison de monter à l’arrière de ce pick-up XXL et de partir droit sur la piste du sublime « Langues de Feu » : claques, solitudes, ankyloses, drames et bouffage de poussière assurés.  


vendredi 12 septembre 2014

Putain, 5 ans... et 4 H.

J’ai commencé à l’écrire alors que j’avais atteint ma majorité. En soi, il n’y a aucun lien à faire entre ces deux événements ; c’est juste qu’à cette époque, on venait de me filer une splendide machine à écrire électrique et que probablement, l’idée de signer la fin d’une ère passée à m’écraser l’index, le majeurs et le pouce sur les touches mécaniques de mon antédiluvienne Olivetti m’a particulièrement motivé : peut-être, en arrêtant de devoir décoincer les barres de frappe tous les dix mots, j’allais pouvoir enfin ne me concentrer que sur l’écriture sans que le résultat ne se résume à un étagement de lignes biscornues sur lesquelles pas une lettre n’a la même densité que la suivante ?

lundi 30 juin 2014

Un couvre-feu pour les jeunes.

A vrai dire, j’ai regardé sans la moindre passion la génération populaire dépourvue de toute aspiration se présenter aux portes du monde médiatique avec l’avidité du challenger. Je ne vais pas m’échiner ici à essayer de livrer une analyse tentant de sortir du lot, tant il  n’y a plus rien d’intelligent à dire de tout ça.
Mais voilà que m’interpelle, à force d’avoir eu, cette année, à sur-côtoyer les enfants des couches les plus aisées de la population, autre chose : la même terrible vacuité qui les touche. J’ai pu constater à quel point, pareillement, ils érigent la Marque en valeur refuge : bizarrement, ils l’arborent aussi comme un trophée. Or, ce qui peut sembler logique pour les adolescents désargentés des couches populaires, qui éprouvent le besoin d’afficher ce dépassement de leur propre condition sociale à travers la possession de vêtements, accessoires et objets griffés promettant l’épanouissement personnel et la valorisation ultime du Moi, m’a apparu assez stupide chez les plus riches.

vendredi 30 mai 2014

Ceci est un publi-message des Editions VanLoo

Jeudi 29 mai 2014, ouverture officielle des pré-ventes pour les "Egodialogues ", le recueil de Thierry Calvier inaugurant la collection "Chroniques" aux côtés des "30 tours de stade" de Philippe Hauer.
Vendredi 30 mai 2014, revue de presse :

«  J’adooooore les Egodialogues » - Savaldor Dali


« Cogito Egodialogues Sum » - René Descartes

« Mais à l’instant même où j’ouvris le petit fascicule des Egodialogues, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? » - Marcel Proust

« Les Egodialogues ? Quels connards !... » - Guy Bedos

« J’ai écrit le manifeste de la Beat Generation ; les Egodialogues, eux s’adresseraient plutôt à une génération de bites. » - Jack Kerouac

« Les Egodialogues ? Ajoutez à ça le bruit, et l’odeur… » - Jacques Chirac

«  Mais enfin, mettons-nous d’accord : ces « Egodialogues », relèvent-ils finalement d’une pure fonction phatique du langage, ou n’ont-ils pris pour titre qu’un néologisme subjectif ? » Bernard Pivot

« Le vrai con est con. Celui qui n’est pas un vrai con n’est pas plus con qu’un autre : il pourrait parfaitement avoir sa place dans les Egodialogues.» - Frédéric Dard

« … (après une blague affligeante de Nicolas Canteloup) : Thierry Calvier, si vous nous regardez… » Michel Drucker

"Il est vrai que la demande a été telle que les serveurs n'ont pas été en mesure de répondre à la sollicitation des internautes. Nous avons été dépassés, et je m'en excuse. Mais nos ingénieurs ont réussi à pallier à la situation : il est à nouveau possible de commander les "Egodialogues" en pré-vente sur le site des Editions VanLoo." David Marcus, PDG de PayPal

"Les Egodialogues, c'est le truc sur l'histoire de celle de Cannes-là, c'est ça ? J'ai a-do-ré..." Jocelyne Mouchedou, boulangère de Patrick Bruel



«  Quelqu’un aurait un Muffin ? » - Loana




"Egodialogues" par Thierry Calvier
Collection "Chroniques"
Editions VanLoo

jeudi 22 mai 2014

Toi aussi, joue chez toi en famille au jeu du Tom qui rencontre un Fred…


C’est comme si Tom Novembre payait une lap-dance à Fred Beigbeder.
Ou si Tom Jones se retrouvait à pisser à côté de Fred François.
C'est comme imaginer Tom Waits backstage avec Fred Chopin.
Ou comme si Tom Selleck subissait les avances de Fred Mitterrand.
C'est l'Episode 7.

mardi 20 mai 2014

Ne sois pas pressée, ma fille....

"Etre adulte, pourquoi ?
Pour travailler stressé, travailler coûte que coûte,
Bosser comme un dromadaire en priant pour son salaire
Payer des impôts, des taxes et des charges sociales
Et rentrer malgré soi dans le cycle infernal :
Attendre des heures au guichet
Humilié par un benêt dans une administration :
Etre adulte, c’est ça…
Réparer la bagnole, répondre aux recommandés
Remplacer le chauffe-eau ou la machine à laver ;
Mis en demeure par un proprio menteur
Trouver vite-fait un déménageur
Attendre les vacances en comptant les heures
Solutionner au jour-le-jour des problèmes mineurs
Petit-à-petit se conformer et "faire ce qu’il faut" :
Abandonner l’espoir de l’idéalement beau 
Etre adulte, c’est ça…
Etre adulte c’est ça…"

("Adulte" - CharlElie Couture - "Soudés Soudés" - 1999)

mercredi 14 mai 2014

"Le temps s’en va, le temps s’en va, madame ; Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons."

C'est que ça prend du temps, d'écrire. Au début, c'est plaisant. Une semaine passe, ou une autre; il suffit d'attendre le bon vouloir des choses jusqu'à ce qu'une minute précise vienne déposer au creux du cœur quelque chose qu'il ne reste plus qu'à coucher au plus vite avant que cela n'ait fui. 
Mais ça, c'est avant.
Avant que les choses ne prennent une autre tournure, et qu'écrire ne puisse plus davantage être un caprice d'humeur mais doive devenir ce labeur des braves : chercher comme un orpailleur, creuser des veines, creuser rudement un sol stérile à la recherche de ce qui s'y cache sans pouvoir se résigner à rentrer bredouille, ça, c'est tout autre chose. 
Se demander si l'on fore le bon filon, s'éponger le front en désespoir de cause, marteler sans économiser sa peine pour extraire de si minces filets, voilà la belle affaire... 
Le miroir de l'âme, comme celui de la salle d'eau, ne renvoie bientôt plus que cette image de soi que l'on ne fantasme plus : intrigant, dérangeant, macabre, hostile, le soi vous toise avec cette indifférence crasse et la magie n'opère plus qu'à la force du poignet, fluette et capricieuse.
Mule de bât chargé de paquetage sur le chemin escarpé d'un contrefort de montagne, voilà que les sabots, mal assurés, ripent sur des pierres plates et lisses comme de l'eau, tandis que les seules aspérités que l'on rencontre sont de celles qui blessent au lieu d'aiguillonner.
Se satisfaire devient une victoire et se dépasser un luxe, là où d'ordinaire, voler sur les vents était peut-être rare, ponctuel, mais aisé et doux.
C'est que ça prend du temps, d'écrire.
Et dès lors que le temps est compté, le temps, d'après Rabelais, est bel et bien, plus que jamais, "le père de la vérité".

lundi 21 avril 2014

Hoooo hiiiisssse : Enculé !

Au début ça a généré des émeutes, surtout dans les villes dont l’économie reposait grandement dessus, c'est-à-dire les villes les plus pauvres, en gros. Les villes riches avaient aussi toutes un club, mais elles se remirent plus facilement de la perte financière publique. Dans les autres, les échauffourées ont duré parfois jusqu’à plusieurs mois. Globalement, ce sont, pour la plupart, des financements politiques qui se sont retrouvés amputés. Mais ils ont tenu bon parce que ce sont les joueurs qui ont le plus souffert, finalement, et qu’ils ne représentaient pas un poids politique suffisant pour infléchir le processus. La plupart d’entre eux a décidé de s’expatrier vers les rares états n’ayant pas encore ratifié la Convention, mais ces paradis-là étaient si peu nombreux que le gros de ce flot d’immigrés exceptionnels n’a pas retrouvé de poste sur les terrains ; finalement, les derniers championnats traditionnels, faute d’équipes, ont fini par se jouer en circuit fermé avant que le manque d’infrastructures, de joueurs et d’enjeux ne finisse par lasser un public saigné à blanc par des tarifs exorbitants.

vendredi 18 avril 2014

Le Comique Polonais

Bouffon. Espèce de bouffon (que t’es). Injure très populaire dans nos échanges sociaux-linguistiques de fin de civilisation, ce sobriquet, s’il fait appel à un référent particulièrement clair pour la plupart d’entre nous (tu es bravache, agité, voyant, prolixe, mégalo et au final, incompétent, ridicule et pitoyable), est assez injustement employé. Il serait plus subtil de lui substituer le terme de « comique », assez usité aussi, qui, à mon sens, résume mieux le caractère futile, mystificateur et m’as-tu-vu de certains de nos congénères.
La mode d'entretenir des « fous » dans son logis remonte en effet aux Perses et aux Egyptiens. L’'usage passe en Grèce, puis à Rome, deux civilisations avides de perversions exotiques : aux heures des repas, ces personnages orientaux se mirent ainsi à succéder aux traditionnels cubistétères, étonnants danseurs acrobates qui marchaient sur les mains.

jeudi 17 avril 2014

atchoum.



Ce jeudi, chez VanLoo, il est question de la masturbation des bourdons.
Munissez-vous d'une boîte de kleenex.


LES EGODIALOGUES - en ligne tous les jeudi

mercredi 9 avril 2014

L’insupportable supporteur


Le supporter choisit un camp. C’est son essence même : le choix. Pour lui, être, c’est appartenir. C’est ainsi depuis l’aube de l’humanité, comme sur un plateau de baby-foot : attachés mutuellement sur une tige, rigides, têtus, les rouges ne font qu’un face aux bleus, qui ne font qu’un  sur une autre tige en face, pareillement rigides, et pareillement têtus.

Les militants choisissent un candidat, et dessinent des moustaches ou des injures sur les affiches collées par les militants qui militent pour un autre candidat. Sinon, ils les arrachent. Et ils recollent les leurs par-dessus. Après, ils se tabassent.

lundi 7 avril 2014

To Be or not : Toubib

Y’a des types et des filles, ils font médecine. Ils sont doués, travailleurs, issus de milieux friqués, ils passent leurs années de fac avec des pulls sur les épaules et des soirées Moët, puis ces exorbitants temps d’esclavage en hôpitaux, puis dès qu’on ne les y oblige plus, y’en a qui s’arrêtent et qui deviennent de bons ou d’exécrables généralistes, et puis y’a tous les autres qui savent que s’être autant démené, avoir autant sué, c’est pas pour se retrouver à soigner des rhumes et des angines. Nan. Pour ça, il faut avoir deux qualités : aimer les gens, et être modeste. Ou aimer les gens, et être un peu véreux. Ou aimer les gens, et être un peu dépressif (y’a beaucoup de généralistes dépressifs, si on remarque bien).

Bien sûr qu'ils vont compter tes adverbes !

"Bien sûr qu'ils vont compter tes adverbes, tes malgré que, et mesurer la taille de tes ellipses... c'est leur métier... Mais toi, tu n'es pas en train de te couper une robe de soirée, tu écris un livre...! Ne t'occupe pas de ce qu'on écrit sur toi, que ce soit bon ou mauvais. Évite les endroits où l'on parle des livres. N'écoute personne. Si quelqu'un se penche sur ton épaule, bondis et frappe le au visage. Ne tiens pas de discours sur ton travail il n'y a rien à en dire."

Editions VanLoo, so what ???.....

mercredi 22 janvier 2014

La musique est un cri qui vient de l'intérieur...


« La manie de la musique a envahi cette fin de siècle. (…) Plus un adolescent qui ne file des si bemol, qui ne siffle, souffle ou cogne d’un instrument quelconque. L’usine et l’atelier sont à peine déverrouillés, la nuit n’a pas plus tôt convié au repos le campagnard que, piqués de la tarentule, tous se jettent dans la ramollissante étude du doigté et de l’accord tintamarresque, par un besoin mal compris de satisfaire à l’acuité nerveuse suscitée par un labeur abrutissant.

Et il est enrageant de voir avec quelle âpreté tous ces malheureux travaillent à leur affaiblissement cérébral. (…)

Nos bons dirigeants ont vite compris tout l’avantage qu’ils pouvaient tirer d’un semblable affolement. Par leurs discours filandreux et l’appoint de l’argent des contribuables, ils encouragent à cette monomanie tous les jours grandissante, dévoyant ainsi les revendications progressives des desiderata prolétariens. « Mieux vaut subir leurs insipides concerts que leurs plaintes revendicatrices » pensent-ils.

Ils savent d’expérience que le temps de liberté laissé actuellement au travailleur ne lui permet guère plusieurs occupations distractives à la fois. Et pendant que l’adolescent aiguillonne son cerveau pour y bourrer l’inutile science orphéonique, qu’il endolorit le peu d’énergie qu’il pourrait retrouver aux moments de retour en lui-même, qu’il oublie la triste existence qui lui est départie dans la Société actuelle, il reste indifférent et passif. Il passe, ignorant, à côté de la gestation continue à laquelle sont livrés quelques-uns de ses compagnons de peine, gestation à laquelle, intéressé, il pourrait apporter ses connaissances et son temps mieux employés.

D’ailleurs, en dehors de toutes considérations sociales, la musique, art peut-être agréable pour certains, n’est pas un art utile. Entre tous, c’est le seul qui n’ait pas de réflexion effective sur la pensée. Son résultat n’est qu’une pure sensation auditive qui, douce, porte à la somnolence, qui, tapageuse, irrite le système nerveux. C’est, en toute occurrence, un chatouillement désagréable dont les chiens — en cela plus expressifs que les hommes — savent fort bien donner l’idée par leurs hurlements plaintifs.

Elle nuit au développement de l’intelligence en l’atrophiant. »

 

Novembre 1887, L’Autonomie Individuelle, Albert Carteron, anarchiste.

vendredi 17 janvier 2014

Edgard

Malgré une grande quantité d’anecdotes détaillées, les clés du drame qui se déroule entre le couple représenté dans cette peinture de Degas restent un mystère. Plusieurs érudits ont avancé que la scène était une illustration d’un roman contemporain d’Edmond Durant ou d’Emile Zola décrivant la tristesse et la tension de relations amoureuses, mais aucun n’a réussi à faire suffisamment concorder les détails de la peinture avec une scène de roman avec assez de précision pour être convaincant. De plus, Degas a maintes fois affirmé son opposition au fait de réaliser des peintures qui illustreraient la littérature, préférant qualifier son œuvre comme « ma représentation du genre » (une image décrivant la vie de tous les jours). Une annotation dans un carnet utilisé par Degas à cette période fournit un élément de réponse quant à ses intentions : « Travailler d’arrache pied sur les effets nocturnes, les lampes, les bougies, etc… Ce qui est fascinant n’est pas forcément de montrer la source de la lumière, mais plutôt son effet. ». La douce lumière diffusée par la lampe de table contribue fortement à l’intimité de la scène et divise les acteurs du conflit, dont les visages sont pris dans les ombres. Degas réalisa de nombreuses études préparatoires pour la chambre et les personnages de façon à créer une scène convaincante et une atmosphère psychologiquement poignante. Il semble avoir intentionnellement obscurci la narration de façon à séduire le spectateur avec le pouvoir suggestif de cette peinture et le mystère de son secret demeurant entier.

Jennifer A. Thompson, extrait de “Œuvres Maîtresses du Musée d’Art de Philadelphie : Impressionisme et Art Moderne »


jeudi 16 janvier 2014

D'anà, d'anà, vei lou pitchoun ques nat !

Quand j’étais petit, je ne ratais aucune Pastorale ; mon père nous emmenait la voir à la paroisse du Lacydon au sein de laquelle on l’avait envoyé passer toute une enfance sous la houlette d’un abbé à la carrure de lutteur antique dont les pieds monstrueux étaient chaussés de ces terribles sandales sacerdotales. Devant les portes d’une salle des fêtes délabrée mais de belle dimension, après m’avoir repéré dans la mêlée de l’incontournable partie de foot qui se jouait avant l’ouverture du rideau - et à laquelle il prenait part par brefs surgissements couronnés de formidables boulets tirés à bout de sandale-, l’abbé me donnait de très grandes tapes dans le dos en me fouillant de ses yeux vitreux déformés derrière des verres de lunettes incroyablement épais, comme pour y chercher un pêché qui n’était pas encore de mon âge, comme un vol de mobylette ou une session de crevage de pneus de voiture. Puis dès que le soir tombait, nous rentrions nous asseoir sur une même rangée de sièges à la feutrine bordeaux sale dans l’atmosphère bon enfant d’une salle bondée, et je me préparais à un grand moment : le spectacle, sorte d’opérette marseillaise brillamment costumée réunissant quelques ténors amateurs locaux, m’époustouflait : les yeux écarquillés, je vibrais sur mon siège à l’écoute de ces voix de stentor louant la période des fêtes dans un fracas de vocalises catéchèses, tremblais aux éclats des pétards qui rythmaient les apparitions d’un diable terriblement effrayant à la voix de basson, riais aux apparitions burlesques du Chichourlé et versais une larme enfantine lors de la procession finale qui saluait la naissance du petit Jésus. Je repartais le cœur gonflé de mélodies époumonées par les bergers et les Rois mages, la promesse d’une figurine géante de Goldorak ou d’une planche de skate noire striée aux roues orange planant au-dessus de ma tête comme une auréole. Cette année, soudainement assailli d’un relent mélancolique à la vue d’une affichette scotchée sur un réverbère, je me décidais donc à emmener à mon tour ma fille voir une Pastorale, tout ému à l’avance de retrouver la beauté dramatico-naïve du spectacle qui m’avait tant marqué dans ma prime jeunesse. Donnant le bras à ma femme, j’ai donc passé les portes de l’Eglise St François qui darde son clocher à deux pas de mes fenêtres le cœur léger, ayant promis à ma fille à la fois un spectacle d’une curiosité émouvante (« c’est comme la Crèche, mais en vrai »)et une occasion de pénétrer dans cette église si mystérieuse que l’on voyait s’emplir et se vider de « ceux qui croient en dieu, pas comme nous » chaque samedi. L’abbé qui attendait sur le parvis, frêle et osseux comme une vieille assiette de porcelaine jaunie qui se serait laissée pousser une barbe sale, nous scruta à la dérobée de façon vaguement réprobatoire mais cela n’entama pas ma bonne humeur. Hélas, le spectacle auquel nous assistâmes le cul martyrisé sur les deux planches arides d’un banc en bois y ressemblât dès les premières mesures à une veillée de colonie de vacances illustrée de costumes bricolés à l’aide de vieux draps, pantomimée sur un enregistrement play-back faisant résonner des dialogue ridicules et atones dans des haut-parleurs agonisants, tandis qu’un chœur, plutôt harmonieux au demeurant, mais situé en hauteur et dans notre dos, se contenta de ponctuer une succession morose et interminable de saynètes cacochymes interprétées par les fidèles de la paroisse avec la grâce de poteaux EDF de chants liturgiques bravement ennuyeux.

Le soir même, je me suis cassé un gros bout d’incisive sur un sujet en forme de Saint Joseph bien caché dans la frangipane tiède d’une galette des rois, tandis que ma fille résuma notre sortie par un laconique : « c’était nul à chier » lancé à l’adresse de ma belle-mère.