jeudi 20 décembre 2012

... Comme une conne.

En repliant le journal qu’elle tenait ouvert sur ses genoux elle regarde ses doigts ternis par l’encre et les frotte l’un contre l’autre. Elle a parcouru des tas d’articles sans vraiment lire quoi que ce soit en dehors d’un vague charabia et maintenant le soleil traverse le hall d’embarquement de part en part en aplatissant le marron rêche des banquettes si bien que comme tout le monde, elle fait glisser ses lunettes noires de son front en entraînant une mèche de cheveux qui s’est prise dans une branche et qui l’agace. Il est toujours en retard. Elle a croisé les jambes. Elle, sera toujours en avance. D’ailleurs, même si personne ne lui en a clairement fait la remarque, ils pensent tous qu’elle est encore allée trop vite. Pourtant, ça ne lui a pas semblé précipité. Se marier, c’était quelque chose qu’elle avait toujours voulu faire, ou plutôt, qu’elle avait toujours su qu’elle allait faire. Tout le monde se marie un jour où l’autre, alors pourquoi pas maintenant ? Que fallait-il attendre de spécial, obtenir un diplôme ? Décrocher un travail ? En quoi cela avait-il le moindre rapport avec l’envie d’appartenir quelqu’un, de lui jurer fidélité ? Non, il n’y avait aucun mal à se marier jeune. Surtout qu’Abel était beau, particulièrement attentionné, un peu immature parfois mais les garçons sont tous comme ça, même sa grand-mère le dit. Un rai dardant se met à lui brûler opiniâtrement la cuisse. De la poussière scintille dans l’air ambiant par vagues lentes autour de ses bagages empilés devant elle, qu’elle surveille régulièrement en se demandant ce qu’elle a bien pu oublier. C’est la première fois qu’elle part si loin. Il parait qu’en plein cœur du Pacifique, s’il pleut, la température peut soudainement baisser de cinq bons degrés en quelques minutes à peine. C’est lui qui a choisi. Elle, elle serait partie moins loin. Toutes ces heures à passer dans la carlingue d’un avion ça lui semble long, on doit finir par s’ennuyer au bout du compte et l’idée qu’ils finissent par ne plus rien avoir à se dire la gêne. Elle sait qu’elle lui tiendra la main, que ça finira par lui peser mais qu’il ne retira pas la sienne pour autant, comme lorsqu’ils sont au cinéma où elle penche sa tête pour toucher son épaule, même si c’est inconfortable. Il est neuf heure treize. Elle tripote machinalement son téléphone en faisant des allers-retours mécaniques avec le pouce jusqu’au menu des messages tout en pesant son envie de se retourner en direction de l’arrivée des sas à la recherche d’un signe dans la foule des voyageurs. Sur le haut de son sac il y a une petite bouteille d’eau minérale dont elle boit une gorgée sans vraiment d’envie. En face, le type en veste de velours croise son regard puis replonge dans son livre. En remettant la bouteille à sa place elle vérifie pour la énième fois la pochette qui contient leurs billets en entrebâillant légèrement une fermeture éclair, et comme à chaque fois le pli liseré de blanc plastique apparaît, rangé à côté de son passeport qu’elle se contente de caresser du bout de l’ongle sans chercher à le voir. Une nouvelle annonce de départ sort des hauts parleurs, répétée dans plusieurs langues, comme à chaque fois. Elle éprouve le besoin de faire quelque chose alors elle ré-ouvre la brochure. Elle l’a déjà tellement regardée que les photos lui semblent maintenant factices. Tout à l’heure elle a remarqué que sur l’image de l’interminable plage de sable blanc qui se découpe en travers des deux feuillets centraux, l’hôtel à l’arrière plan ressemble à ces barres d’immeubles qu’ils construisent partout en périphérie, comme ceux que l’on voit d’ici, du côté de l’autoroute. Que vont-ils faire, une fois là-bas ? Boire des cocktails, certainement. Il doit aussi y avoir un jacuzzi dans la chambre. Elle se demande s’il essaiera de lui faire l’amour dans le jacuzzi, et si ça lui plaira. Elle retourne la brochure mais rien n’est mentionné sur la présence de jacuzzi dans les suites promotionnelles. Il est neuf heures vingt quatre. Hier, à la noce, son frère a vomi sur le capot de la voiture de luxe qu’ils leur avaient loué et c’est son père qui a dû nettoyer, en bras de chemise, pour ne pas, c’est lui qui l’a dit, que l’acidité attaque la carrosserie et laisse des traces. Elle essaie de se rappeler combien de fois elle a vu Abel complètement ivre. Puis pour la première fois elle envisage qu’ils puissent rater leur avion. Elle a envie d’un soda. Elle pense appeler son frère avant de se dire qu’il ne répondra certainement pas, après l’épisode d’hier. Devant elle ses bagages penchent un peu comme le palmier de la brochure. Maintenant le soleil chauffe son ventre. De l’autre côté des murs de verre interminables, des avions s’élancent dans le ciel sans le moindre bruit. Une autre annonce passe dans les haut-parleurs et d’autres gens se lèvent en abandonnant des journaux sur les banquettes. Celui qu’elle a discrètement bazardé sur le siège voisin s’est replié d’une façon bizarre, la moitié des pages de travers si bien que les gros titres se chevauchent en formant des phrases ridicules. Son téléphone se met à sonner, elle fouille un peu stupidement la poche de la veste pliée sur ses genoux mais c’est sa mère. Elle n’ose pas lui dire qu’Abel n’est pas encore là. La conversation s’écourte sur des mots inutiles et elle raccroche avant de garder l’appareil entre ses deux mains jointes. Neuf heures trente et une. Même si c’est ridicule, ce petit groupe d’îles perdues en plein milieu de l’océan lui fait vaguement peur. Elle n’a jamais eu l’âme d’une aventurière. Se marier est une chose, mais après, pourquoi partir si brusquement, en ayant si peu dormi ? Il paraît que la majorité des époux ne consomment pas leur mariage le soir de leur nuit de noces. Lorsque Abel est rentré après avoir raccompagné son frère jusqu’à son studio, il était plus de cinq heures. Il est toujours en retard. Et elle, sera toujours en avance. A attendre comme ça, comme une conne.


Texte de commande rédigé pour la sortie du "1st K7 pack" de Microphone Recordings - Avril 2012

> Toi aimer ce post ? Toi être charmant, toi partager... (Dieu te le rendra au centuple demain)

samedi 15 décembre 2012

Bunker Palace Hotel

Jonathan Andrews est anglais, et photographe. Au-delà des publicitaires qui n’ont cessé de faire appel à ses talents, ce qui fait que, probablement, chacun d’entre nous a dû voir l’une de ses œuvres sans le savoir accolée à un 4x4 étincelant ou un autre artefact sans grand intérêt, ses prises de vue de « landscapes » saisissantes lui ont valu un palmarès impressionnant (nominations aux International Color Awards, 18th Sony PANL Awards, PANL Awards, Fuji Awards…) qu’il vient dernièrement de compléter avec une nomination pour le Creative Review Photographie Annual avec la série WWII Bunkers.


Un petit avant-goût en direct afin de vous donner l’envie de faire un tour sur son site qui, au-delà de cette impressionnante série, regorge de ce genre de pépites qui vous laissent dubitatif devant votre écran, tandis que comme dirait l’autre, le temps suspens son vol…




Le reste... ici :

http://www.jonathanandrewphotography.com/#mi=1&pt=0&pi=1&s=0&p=-1&a=0&at=0

lundi 10 décembre 2012

Vers d'hiver



 "J'aurais dû pressentir
Que ces serpents kaki
Ces faiseurs d'avenir
Nous arrachaient les dents..."

"usthiax.B"
usthiax - 2004
(autoproduction)




"On peut bien se remplir
Et croire garder tout pour soi
On en perd quoi qu'il en soit"

"Ecrire à l'envers"
usthiax - 2005
(autoproduction)



"Des pêcheurs font de très grosses prises
Et des poètes de bon papiers
Je ne suis ni pêcheur ni poète
Car les vers grignottent mes pieds..."

"Bleu Palpitant"
usthiax - 2008
(Bonsaï - EMI)



"Je vais marcher le long du fleuve
Suivre le cours du temps qui part
En avançant on fait peau neuve
De grenouille on passe à têtard..."

MMXI
usthiax - 2012
(WashiWasha - Warner)


vendredi 7 décembre 2012

Existentialisme lunetteux.

Sa chambre à l'Arizona Inn lui rappela désagréablement la maison de retraite des parents de Diane, près de Battle Creek. Tout était immaculé, le mobilier ancien et luxueux. La moquette des toilettes était si épaisse qu'on se demandait si c'était vraiment là qu'on pouvait couler un bronze.

Traduit par le génialissime Brice Mathieussent.
"The Great Leader - A Faux Mystery"
Jim Harrison, 2011.

dimanche 2 décembre 2012

On l'appelait La Titanide

Quand force est de s’apercevoir que l’on a dépassé l’âge de l’enthousiasme et que de surcroît, on a cumulé quantité d’heures enfermé dans les salles obscures (celles où l’on regarde des gens vivants en vrai prendre des poses sous des faisceaux de lumière en générant un bruit plus ou moins harmonieux, pas les autres où l’on se dispute un accoudoir avec un troupeau d’ados décérébrés qui baissent la tête dans le noir pour loucher sur un tweet luminescent en gloussant avant d’éventrer à plusieurs l’encolure de sachets plastiques bruyants tout en faisant rouler des canettes vides sous les sièges ou faisant d’atroces bruits de succion à l’aide d’une paille plongée dans une poche plastique contenant le jus d’un fruit inexistant, et accessoirement, levant la tête vers un écran sur lequel est projeté un film) au contact de musiciens en attente de scène, avant qu’ils y montent, pendant qu’ils y sont, puis après qu’ils en soient descendus, on en vient inexorablement à bougonner plus que nécessaire. Oh, pas à se lasser, ça non, être récepteur de musique vivante reste en soi une expérience sensationnelle, mais bougonner, ça oui. Si l’on tente quelques audacieuses métaphores, le gourmand du dimanche matin au visage encore marqué des stigmates d’une taie d’oreiller ne s’émerveille plus non plus totalement devant une fournée d’éclairs au café pourtant tout frais luisants derrière la plaque vitrée de son boulanger, ça aurait même tendance à finir par l’agacer un peu cette habitude dominicale à ramener un dessert à partager en famille, pas plus que le brocanteur ne se sent davantage ému quand il tombe sur son neuvième buffet en noyer, comme il le fut à l’acquisition du premier qu’il allât chercher lui-même au volant de sa fourgonnette dans un hangar de banlieue... Mais il arrive encore que certaines lueurs reparaissent dans un regard un peu prématurément ferreux : ce nouveau beignet mis en vitrine à la boulangerie ce matin-là, à base de vanille Tahiti ; ce nœud dans le bois d’un pied de lampe qui luit soudain sous la patine jusqu’à ressembler à un sarment de vigne… Parce qu’évidemment, l’amateur de pâtisserie garde toujours au cœur l’émotion de sa gourmandise qui, de façon certaine, ne manquera pas d’allumer son petit interrupteur, et pareillement, l’amateur de vieux meubles patinés guettera en permanence cette caresse qu’il pourrait laisser courir du revers de la main sur une courbe bosselée ou le long d’une arête de tiroir. Pareillement, l’amateur de musique vieillissant, s’il bougonne désormais davantage que ce qu’il s’enthousiasme, garde dans sa poitrine ce même genre d’interrupteur qui tient les gens vivants, dans le même coin de ventricule, prêt à être commuté. Bien souvent, il rentre à la nuit tombée l’esprit las, les oreilles usées, le goût des choses un peu émoussé. Bien souvent il arpente, circonspect, des étendues infinies de fichiers aux titres laconiques qui s’entredévorent sur des serveurs numériques, des océans de vidéos empilées les unes au dessus des autres dans d’interminables descentes d’écrans, des stations d’écoute de grands magasins se succédant comme des poteaux électrifiés exposant de nouvelles pochettes comme des totems jetables, des rivières de commentaires à la l’éternelle surenchère de compliments consanguins, des forêts d’articles de presse tronqués, acerbes ou inutilement dithyrambiques, éternellement à la recherche de l’étincelle qui allumera son commutateur, englué et morose dans une quête aussi têtue qu’éperdue tapissée de souvenirs pendus comme des oripeaux dans une chambre d’adolescent abandonnée à la poussière. Et voilà qu’arrive ce vendredi soir. Le vendredi, bien sûr, c’est, au choix, l’ancien jour de paie des ouvriers (cf « Le vendredi c’est demi » de Desproges), celui du début du week-end (qui, crise et dérive oblige, a été finalement avancé au jeudi, lui-même ex-mercredi pour les écoliers d’antan), celui des « Bordels » du brillant blog « Après la pub », celui de la création d’Adam et Eve (erreur magistrale qui a demandé au Très Haut de prendre une RTT immédiatement après pour digérer sa boulette), bref, le jour dédié à Vénus (la mère d’Eros, qui trompe son mari Vulcain avec son frère Mars, et qui, à ce titre, a logiquement été déclarée Reine de l’Amour parce que prendre le Dieu de la Guerre pour amant après avoir accompli son devoir conjugal avec le Dieu Forgeron, faut être balèze, hein, faut avoir la santé…).

Donc, en ce vendredi soir 30 novembre et alors que je rejoins en partie une bande d’amis fidèles pour aller assister au concert donné par l’autre partie de ces amis fidèles ayant l’heur d’être musiciens, je ne me doute pas vraiment que Phoebe Killdeer & The Short Straws sera l’occasion précieuse de commuter mon interrupteur personnel, qui avait d’ailleurs vaguement tendance à gripper depuis quelques temps… Oui, impossible de prévoir ce genre de choses à l’avance, dès lors que l’on ne se rend pas au chevet scénique d’un de ces groupes légendaires dont on sait à l’avance qu’ils combleront sans coup férir nos attentes: Phoebe Killdeer et les Short Straws, c’est de toute évidence un bon pari, en toute probabilité un groupe terrible mais soyons réalistes, à l’Espace Julien et en première partie d’Eiffel, à priori, peu de chances de voir« rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux ». Une émotion sincère, un plaisir ouvert, une chaleur réconfortante, ça oui, incontestablement, mais le coup du commutateur, non, quand même… Alors me voilà à pénétrer dans le hall d’accueil de l’Espace julien - qui mérite toujours son titre de « hall d’accueil le moins accueillant de tous les halls d’accueils de la terre, toutes catégorie de halls d’accueil confondues – décontracté du gland, presque jovial, sans la moindre vigilance, seul car vaguement en avance sur ceux de mes amis spectateurs mais néanmoins vaguement en retard sur ceux de mes amis ferraillant déjà sur scène, aussi innocent que l’enfant Jésus dans son petit panier, à pousser la porte à double battant me séparant de la salle pour atterrir sur l’amoncellement traditionnel de spectateurs aux mains dans les poches qui vous lancent ce regard haineux qui veut dire « merde, encore un con qui pousse la porte, fais chier, on peut pas être tranquille deux minutes » auquel je réponds instinctivement par un non-moins classique regard signifiant « hey mec, si tu plantais pas pile devant la porte, d’une part ça aiderait les gens à pouvoir rentrer sans avoir à te frotter le dos, et tu sais quoi, ça te permettrait même de profiter du concert en t’approchant de la scène, t’es quand même pas là pour regarder le truc de loin sinon t’as qu’à aller au Dôme (ben oui, ce soir, y’a Scorpions au Dôme… Scorpions… Si si, les teutons spécialistes en slows) et puis tu sais quoi, si t’es pas content, reste chez toi et mets-toi un DVD de Polnareff, ok ? » et là, ben, là, je tourne la tête. Vers la droite. Clac. Me voilà toutes lumières allumées. Plein feux dans mon salon personnel. Giga-lumens dans mon ampoule neuronale. Bûche de hêtre jetée dans le corps de cheminée, crépitements de pommes de pins. Comme mon cerveau va tout de suite plus vite, je remarque, en même temps et sans confusion : que le son est (vraiment) génialement tenu, que les lumières sont chaleureusement idoines, qu’ Alexandre Maillard est beau comme un Leonidas (celui du film, pas celui des chocolats) invité chez des mormons dissidents, que Phoebe Killdeer est aux Short Straws ce que Siouxsie a été aux Banshees, mais en mieux, (si tu préfères, ce que Nina Hagen a été au Band, mais toujours en mieux), que Cedric Leroux a le son de guitare que promettent les guitares dans les vitrines mais là il l’a en vrai, et qu’il joue de la sienne comme un héros des trente glorieuses (50’s>70’s) mais vivant, que Sylvain Joasson est le batteur que l’on a tous rêvé d’avoir au moins une fois dans son groupe mais non a l’on n’a jamais eu (ou l’éternel syndrome Vache Qui rit pour les batteurs : trop fort / trop technique / trop volubile / trop pas assez / trop maniaque / trop susceptible / trop bourré / trop pas là ), et, commutateur grésillant à la limite de la rupture de fusible, je réceptionne dans mon corps - que j’avais eu l’imbécilité de croire sous l’emprise finale du Grand Bougon- la Vague Divine et le Remous Voluptueux. Toutes deux génèrent sans le moindre effort deux symptômes ancestraux : le Sourire Imbécile et la Tremblote de la Botte Gauche. Je pense une seconde au miracle mais heureusement je me ressaisis : non, nul miracle dans ce show de Phoebe Killdeer & The Short Straws. Du terrestre, rien que du terrestre, auquel il aurait pu être (presque) de bon ton d’élimer à mon tour encore un peu plus cette corde de qualificatifs usés jusqu’à l’écœurement dans les sphères des rock-critic de l’An 2000, jusqu’au dernier filin des « viscéral », « primitivement génial », « tribal », « rageur », « transe », « hypnotique », « orgasmique », heu, lequel j’oublie, ha oui, « obsessionnel », bref, tout ça. Mais non. Le seul truc, c’est que c’est classieux. Et vrai. Le seul truc c’est que ces quatre-là posent incroyablement, mais qu’ils posent nature. Qu’ils possèdent éhontément, mais qu’ils déversent ouvertement. C’est qu’ils jouent impeccablement quelque chose d’indomptable, avec la cohésion d’un poing fermé, dans la cohérence d’une célébration codée, le tout avec la fébrilité d’un désir pornocrate assouvi dans l’élégance d’un décor de velours souillé. J’avais quitté Phoebe Killdeer et ses Short Straws dans une demi-teinte vaporeuse un soir d’octobre 2008, je les retrouve les doigts rivés à mon commutateur, qui en rosit comme un appendice sous l’effet d’une électrification mécaniquement concupiscente, tandis que mon cortex enregistre comme un reporter animalier l’élégance de cet animal musical racé comme un guerrier Peul, survivance contemporaine des légendes vinyliques. Tout à ce transport oublié dont les réminiscences spectrales d’anciennes extases aux atours nostalgiques sont avalées sans vergogne par un instant présent millénariste, je fais des « Ah » et des « Oh » avec mon cul, des « Shabam » avec mes oreilles et des « Wizz » dans mes orbites - bref, je suis mauvais en Brigitte Bardot mais l’idée est là…

A trois heures vingt-deux, lorsque je me glisse dans mon lit silencieux, c’est la machine scintillante comme un grand boulevard un soir de Noël. Tant pis pour la durabilité de ma bio-individualité : cette nuit, j’aurai surconsommé mon énergie fossile à outrance. Je ne pense pas que cela soit si grave, cependant : le reste du temps, je m’éclairais à la bougie.