dimanche 30 décembre 2018
lundi 17 décembre 2018
Lettre à Bernard
Cher Bernard
Je viens de lire ce
matin, dans un article de Marianne, que tu es passé, en 2017, de la 11ème
à la 4ème place du classement des hommes les plus riches de la planète. Bon,
autant l’avouer : en substance, cette information est à peu près aussi
intéressante que le chiffre auquel la bourse de Paris a clôturé hier soir ou,
au choix, le poids du dernier-né de la Duchesse de Cambridge, le nom latin du
nouvel extrait végétal de la gamme Global Therapy de Frank Provost, ou la preuve
formelle que le glyphosate est bien responsable de la disparition des bras des
enfants qui naissent dans les zones rurales de Rhône Alpes : à franchement
parler, les fluctuations qui égayent l’ordre de grandeur des portefeuilles des
empereurs contemporains n’est pas le genre de suspense auquel qui que ce soit
d’à peu près sain d’esprit se retrouve à goûter.
Et pourtant. S’il
n’est question d’aucun suspense face auquel frissonner, il reste un mystère que
je te trouve parfaitement symboliser à la lecture des chiffres qui émaillent
cet article (aussi putassier que racoleur, ceci dit), et que dieu sait ô
combien j’aime les mystères.
jeudi 6 décembre 2018
La Chanson du Mauvais Parti
Le piano, l’harmonica,
J’apprendrai pas, j’apprendrai pas
Le violon, le Farfisa
Le tuba, la clé de Fa,
Les grilles d’accords, la Règle de Trois
Le solfège la programmation, le secret de la brillance du son
J’apprendrai rien
samedi 1 décembre 2018
I've Got The Power
Et si on s’arrêtait deux minutes sur l’omniprésence
du terme « pouvoir d’achat », de quoi se mettrait-on à parler ?
Les gens aspirent-ils vraiment à cette collusion lexicale, à savoir détenir un
pouvoir, ce pouvoir étant défini par la capacité d’achat qu’il procure ? Dans
la notion « d’être en mesure de dépenser » (qui n’est pas forcément acquérir),
réside intrinsèquement la double notion
de subvenir à des besoins et de pouvoir répondre à certaines pulsions (induites,
pour la plupart) : or, l’achat doit-il être compris comme source de
bonheur, dans le sens de celui qui donne un sens à l’existence ?
Etre « en capacité d’acheter », est-ce l’accomplissement
actuel de la quête du bonheur ? La clé de
lecture contemporaine ? L’objectif visé ? La capacité d’achat
conditionne-t-elle la qualité de vie ?
vendredi 23 novembre 2018
Hallelujah !
On entend souvent bien davantage les voix de Martha
Wash et d’Isora Rhodes que celle – au demeurant incroyable – de feu
Sylvester, légèrement sous-mixée à la fois sur scène et sur disque,dans les incroyables
productions que Patrick Cowley va bidouiller pour l’ultra-icône Drag du San
Francisco des 80’s : les deux divas, choisies pour trois raisons, y
bombardent leur gospel-funk dans un quasi-anonymat.
La première de ces raisons c’est
leur voix, évidemment. Mais leur physique comptera aussi pour beaucoup : la
nouvelle manager cherche à gommer l’étiquette ouvertement « queen »
de la pop-star gay (dont le Bowie ultra-androgyne de la fin des 70’s aura fini
par dire, vaguement écœuré : « San Francisco n’a pas besoin de moi :
ils ont Sylvester »).
mercredi 21 novembre 2018
Le petit coin (de page)
Tous les mardis j’écris une chronique dans un célèbre magazine.
Généralement je m’y attèle le lundi matin, au moment où le fleuve de voitures redémarrées
après le week-end se déverse par à-coups dans la rue d’en bas, au rythme du feu
de circulation et du nombre de camionnettes garées en double file : si je
veux saisir une chance de rendre quelque chose d’à peu près viable pour la fin
de journée (dernier délai : 16h00) je dois m’y mettre tôt, j’ai rarement
quelque chose d’intelligent à dire sur commande. Au mieux, je rebondis sur un
sujet quelconque (j’ai quasi carte blanche), au pire, je m’en tire avec une moue et quelques tours de
passe-passe littéraires.
vendredi 9 novembre 2018
InBox
Le mail avait remplacé la lettre aussi facilement
que s’il s’était agi d’une évidence. Un darwinisme épistolaire, en quelque
sorte. Le facteur passait toujours (un facteur syndiqué systématiquement jeune,
à l’uniforme optimisé, vidé des derniers atours qui lui donnaient encore, deux
décennies plus tôt, quelque poésie comme cette très officielle casquette anguleuse
désintégrée au profit d’un chariot complexe à quatre roues et d’un gilet
multi-poches) mais c’était uniquement, et définitivement, pour ne plus déverser,
dans l’agacement d’une tournée dictée par les quotas et l’optimisation horaire,
que les quelques feuillets survivant pour de derniers instants à la lente (mais
inexorable) numérisation des administrations : factures, rappels, relances
et avis d’échéance.
dimanche 22 avril 2018
Variété dévolutionnaire
J’ai quarante-six ans. Autant dire que je suis
plutôt largement passé de l’autre côté du cadran, si l’on s’en tient aux
statistiques et aux signaux merdiques envoyés par mon organisme. Je viens de
ressortir « All Eyez On Me » de 2Pac à ma fille ébahie, qui peine encore à
croire que « je connais » : son pote de 5èmeB vient de lui affirmer
que c’était « le roi des rappeurs ». Alors, que son père sache de qui
il s’agit, et qu’il ait des disques de 2Pac dans son meuble marron, ça ressemble
à une blague. Cela servirait-il à quelque chose que je lui parle de l’escalade
EastCoast/West Coast des 90’s, que je lui cherche, tiens, dans la foulée, un
album de Biggie ? Que je tente un topo Snoop/Dré v.s Puff/Mobb Deep? Tu
parles. Faudrait que j’arrive à me retenir d’alimenter frénétiquement le
plateau de ma Denon comme un chargeur de AK à coups de Jungle Brothers, d’ATCQ,
de NWA, de Fat Joe, puis de De La Soul, etc, etc…
lundi 12 février 2018
mardi 6 février 2018
lundi 5 février 2018
Coup de pied au Q.
La première nait blonde en 1989
en Pennsylvanie d’un père conseiller financier héritier de trois générations de
présidents de banque et d’une directrice de marketing de fonds mutuels.
Elle passe son enfance dans une ferme de
onze hectares, ses vacances d'été dans une maison secondaire du New Jersey, et
se passionne pour l’équitation (papa possède plusieurs chevaux) et les comédies
musicales (maman lui paie des cours de chant et de comédie à Broadway).
Le second naît noir en 1933 à
Chicago, d’une maman qui va pas tarder à être internée pour maladie mentale. Y’a pas l’ombre
d’un dollar dans le foyer : Papa le ballade de ville en ville à la
recherche de petits jobs puis finit par s’installer dans la banlieue de Seattle.
New York l’ingrate se refusant au
talent de la petite blonde, elle se rabat sur la musique Country : à 11
ans, forte d’un prix à une compétition locale, maman la fait déménager à
Nashville, ce qui ne lui réussit pas plus : elle est rejetée par les
labels. A 12 ans, elle se dit qu’apprendre à jouer de la guitare pourrait
aider : elle apprend 3 accords avec un réparateur informatique pseudo-guitariste
et s’en sert illico pour écrire sa première chanson, avant que papa et maman,
ébahis par tant de ténacité, ne déménagent eux aussi pour Nashville (papa
change de banque) en faisant un « sacrifice incroyable » dont elle
dit elle-même, je cite : « Mes parents ont été jetés là-dedans (la
musique country) : nous n'avions aucune idée de ce que nous faisions. Mes
parents m'ont acheté un livre sur l'industrie de la musique ». Un livre
magique. Par lui, tout arrive.
dimanche 28 janvier 2018
Clef à molette
D’un côté, l’Oxfam –mais ça pourrait être n’importe quelle autre
Agence, organisme ou média : qui ose encore faire croire qu’il se soucie des
sources ? - fait tomber une nouvelle série de chiffres exposant une fois de
plus le chaos préprogrammé vers lequel nous fonçons en ordre de bataille :
82% des richesses du monde de 2016 n’auraient bénéficié qu’à 1% de la population,
tandis que la moitié la pus pauvre de la planète (3,7 milliards de gens) n’aurait
pas bénéficié du moindre dollar issu de cette manne.
De l’autre, la démultiplication des postulats « philosophico-sociologiques »
encourageant – ou constatant – les tendances à la décroissance ou au refus de
la compétition consumériste : du « Désobéir » de Frédéric Gros (qui
pointe le syndrome de « l’enfant sage » à travers ce qui serait un
désir inconscient de « sur-obéissance » pour faire rempart au vertige
existentiel, citant Thoreau, La Boétie et Epicure pour encourager à une
désobéissance sociale qui passerait par « l’amitié » et à « désobéir
par soi-même, pas à travers quelqu’un d’autre ») au carton Netflix du
documentaire « Less Is Now Tour » (deux prosélytes américains donnant
des conférences à travers leur pays pour prêcher le minimalisme), du « Project
333 » (un « challenge mode » invitant à ne s’habiller qu’avec 33
vêtements pendant 3 mois) aux articles de « Elle » intitulés « Fuck
Ambition ! », de la démultiplication des expressions kleenex
désignant le désintérêt pour le travail et la vie en général (partant du
vieillot « burn-out » pour transiter à travers le récent mais déjà
démodé « bore-out » pour en arriver au très chic « brown-out »
(le manque de motivation pour son travail)), de la démultiplication des
tendances à l’ultra-cocooning (au choix, exportées de l’Europe du Nord ou du Japon)
à la démultiplication des tendances à plaquer un job anciennement auréolé du
marqueur de la réussite pour revenir à l’authentique d’un « artisanat de
proximité » (aux produits ultra-scénarisés et aux tarifs prohibitifs), la
liste est interminable.
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