samedi 23 mars 2013

L'Histoire de France en Bandes Décimées

Ce mois ci :

"LA LAIDE HISTOIRE DE LUDO, FILS DU CAROLUS MAGNUS"

Ludovic, c’est le fils d’un type plutôt encombrant ; contrairement à ce père dont il faut bien qu’il se démarque, il se passionne pour les curés et les bondieuseries et donc à force, on l’appellera plutôt Louis que Ludwig alors qu’à l’origine, son prénom c’est plutôt du teuton farouche, directement issu de son aïeul Chlodowig (Clovis pour les intimes). Il se trouve qu’à cause d’une unique allusion malheureuse de son biographe attitré – dont le nom n’a, lui, jamais gagné la postérité et qu’il a donc fallu se résoudre à appeler « l’Astronome », du fait qu’il est quand même resté de lui qu’il regardait beaucoup en l’air et que du coup, il a très bien vu passer une comète dont il a aussi beaucoup parlé –, il va aussi, sans trop qu’on sache pourquoi, se retrouver affublé du surnom « Le Débonnaire » qui lui collera aux basque, ce qui, faut l’avouer, n’est pas en soi terrible-terrible niveau surnom. Bref.
Ludo, c’est juste un troisième fils et encore, celui d’une seconde noce et encore, il aurait dû avoir un jumeau mais bon il est mort donc finalement il est tout seul à être troisième.
Au moment où il naît, son père est parti faire un peu de sport en Espagne ; mais dès qu’il revient, il le nomme roi de quelque chose comme ses deux frères : y’a moyen, encore une fois, papa, il est un peu comme Christian Audigier, il a bien réussi dans les Affaires. Ce qui fait qu’à 3 ans, Ludo devient Roi d’Aquitaine :
on l’y expédie recta avec ses langes, sa nourrice et une bande de gros bras balèzes pas super jouasses et bon, bon gré mal gré, son père fait quand-même un peu le boulot jusqu’à ce qu’il ait douze ans mais en gros, il se tape quand même la plupart des emmerdes dès ses huit ans révolus vu que le père, il doit aussi filer la main à ses frères ailleurs, notamment à Pépin qui lui, a été nommé Roi d’Italie et qui galère pas mal. Charles, l’aîné, on sait pas trop où il est mais faut croire qu’il s’en tire mieux parce qu’il demande rien à personne.
De temps en temps, avec ses deux frères, Ludo est appelé par papa pour se taper des réunions super-importantes avec des tas d’autres types balèzes qui ont de très grosses moustaches, de très gros bides, des tas d’enfants et plusieurs bonnes femmes : pour comparer, c’est comme des séminaires de commerciaux dans des hôtels pouraves mais là, c’est pour apprendre à bouffer des sangliers en entier, boire des tonneaux de cervoise cul-sec, se balancer des pains dans le nez pour rigoler et occasionnellement, se réunir autour de celui qui sait lire pour regarder sur une carte où sont dessinés avec des couleurs super chouettes les autres types à qui il faut foutre sur la gueule. Bref, Ludo, il apprend le job vite et bien et on finit donc par lui refiler une grosse épée aiguisée comme un rasoir pour Pâques l’année d’après, ce qui veut dire, en gros, qu’à partir de là il va devoir se démerder tout seul et faire comme tous les autres : aller gaillardement la foutre en travers de la gueule de tous ceux qui seraient pas d’accord avec sa façon de voir les choses.
Pour l’essayer, il part direct chez son frère Pépin qui a besoin de rappeler aux italiens dont il a hérité de son côté qui est le patron, puis une fois qu’il est chaud et qu’il a appris correctement à sabrer un macaroni récalcitrant, il rentre vite fait épousailler une grande belle bourgeoise qui répond au doux nom d’Ermengarde : faut pas déconner non plus, la poilade avec les potes c’est pas mal mais faut aussi se familiariser à la tétine et au fessier, ça fait partie du job et c’est pas mal non plus, paraît-il. Comme il se découvre doué aussi à ce jeu-là, il lui colle un fils direct, Lothaire, puis un autre deux ans après, Pépin, et là, bon, ça suffit les conneries, hop, direction l’Espagne pour retrouver les potes. Faut dire que là-bas, c’est un beau foutoir : des arabes ont eu l’idée saugrenue de se révolter contre le grand chef des Arabes, qui est un pote de papa. Le problème, c’est que les arabes, c’est pas les italiens : ils sont sacrément plus teigneux.
Qu’à cela ne tienne, Ludo, il en a sous le capot : il fait de grandes prières au Bon Dieu, il demande le commandement de l’armée espagnole de papa et bam, il récupère illico/presto Barcelone, puis Tortose (où il galère un peu quand même). Là, faut noter que pour un « Débonnaire », il s’en sort plutôt pas mal niveau mandales et, comme à chaque fois, il en appelle au petit Jésus avant, pendant et après qu’il découpe des chipolatas, y’a plus à ergoter, son blase ce sera désormais Louis et puis voilà, et même Louis le Pieux (tant qu’à faire, autant y mettre un peu de glam)… tant pis pour papa à qui ça plaît pas des masses. Bon, malgré tout, le but de la manœuvre, reprendre Saragosse, est foiré : pas moyen de la récupérer aux arabes en colère, faut laisser tomber. Alors Ludo/Louis il rentre et il fait un troisième fils à Ermengarde qui commençait vaguement à se faire chier toute seule à broder des tapisseries de chasse dans son manoir de 212 pièces sans chauffage central, et pour enfoncer le clou, son nouveau fils il l’appelle aussi Louis, comme ça au moins, ça, c’est fait. Accessoirement, il lui fait aussi deux filles, Hildegarde et Rothrude mais ça, à l’époque, on s’en fout un peu.
Louis, il a 28 ans quand son père décide qu’il en a ras le casque à cornes de se péter les hémorroïdes à cheval et qu’il voudrait bien se ranger des voitures : il est donc temps de partager son empire entre Charles, Pépin et Louis, et d’aller à la pêche. Il projette, en ce qui concerne Louis, de lui refiler, en plus de l’Aquitaine qu’il a déjà, le Royaume de Bourgogne et aussi la Provence, ce qui est plutôt pas mal. Mais là, patatras : et Charles, et Pépin, cassent leur pipe, l’un après l’autre. Louis, du coup, ben il est tout seul et y’a plus besoin de rien partager du tout : il récupère le pack complet, papa le fait couronner Empereur pour ses 35 ans, y’a tous les curés et même le Pape et tout le monde est très content, même le peuple, c’est pour dire. Papa lui tape ensuite une grande bise sur le front et fait comme les sénégalais : il se tire ailleurs. Pas pour longtemps hélas : à peine le temps de tirer quelques brèmes d’une rivière et voilà qu’il tire sa révérence l’année d’après.
Merde. Louis, il l’avait pas vu venir mais le voilà patron pour de bon.
Bon, il se le fait pas dire deux fois : à l’époque, faut pas non plus réfléchir trop longtemps sous peine de se retrouver devant comme grosjean. Il prend son courage à deux mains, monte au palais paternel, envoie toutes les gonzesses qu’il trouve dans des monastères (ses propres sœurs y compris), vire une pelletée de cousins encombrants, change quelques lois ringardes et refuse tout net, dans la foulée, de prendre le titre de Roi de quoi que ce soit comme on lui indique qu’il faudrait procéder : lui, il a bien compris que le business que papa vient de laisser en rade est d’un autre calibre. Il est Empereur, c’est-à-dire Roi de tout, donc pas besoin de dire spécialement de quoi, ce serait trop long.
Après, c’est pas tout ça mais le temps passe et faut déjà songer à ses trois rejetons. Jusqu’ici, tous les autres avant lui, même feu papa, avaient partagé leur royaume à parts égales entre leurs fils : mais là, c’est plus un royaume, c’est un Empire. Et un Empire, ma foi, c’est un Etat et un Etat, ben, ça se partage pas. A la rigueur, on pourrait partager l’Etat entre les trois mais le pouvoir Impérial, lui, y’a pas à chier, faudra le refiler qu’à un seul : bon, c’est plutôt chaud comme décision vu que la tradition, c’est pas un truc avec lequel on rigole par ici…
Finalement, Louis tranche : après tout, la tradition, c’est une chose, mais un Empire, ça en est une autre : il nomme Lothaire, en sa qualité d’aîné, unique co-Empereur à ses côtés et refile des royaumes un peu pouraves à Pépin et Louis (l’Aquitaine qu’il avait lui-même eu à 3 ans pour le premier, la Bavière pour le second) pour préserver quand-même un semblant de tradition.
Inutile de dire que Pépin et Louis, ils l’ont mauvaise : ils vont se plaindre direct à maman, qui complote à donf depuis qu’elle est officiellement passée du statut d’épouse de Roi qui s’emmerde à femme de Big Boss qui fait ce qu’elle veut : elle prend tellement la tête à son Empereur de mari qu’il accepte de virer un de ses vagues neveux, un bâtard de feu Pépin son frère, du trône d’Italie : son propre Pépin ou son Louis s’y assiéront dessus à sa place, ça calmera un peu le jeu.
Le problème, c’est que le bâtard en question, Bernard qui s’appelle, ben, il est pas d’accord du tout (tu m’étonnes). Tant pis pour lui, L’Empereur Louis le Pieux, faut pas non plus le faire chier (même si il est « Débonnaire » hein, hé hé…), il ordonne qu’on aille choper ce Bernard de mes deux et qu’on le ramène par ici pour lui trancher un peu la tête, ça lui fera fermer sa gueule une bonne fois pour toutes. Mais le jeune Louis, le moins jeune Pépin et même un peu Lothaire y se sentent tous un peu morveux à l’idée, du genre maman elle a un peu poussé mémé dans les orties avec cette histoire de trône d’Italie : même le peuple et les curés trouvent ça moyen-moyen de raccourcir ce pauvre Bernard qu’avait rien fait à personne alors du coup, l’Empereur Louis, il est emmerdé : tout ça lui retombe dessus alors qu’il a juste voulu faire plaisir, et merde, encore une histoire de bonne femme qu’est venue foutre la merde, il se dit qu’il aurait dû la virer elle aussi mais bon y peut pas, c’est la femme de l’Empereur, quand même… Du coup, il ordonne juste qu’on lui crève les yeux au Bernard, allez, ça suffira.
Le problème, c’est que l’aspect stérilisation de l’opération est pas encore bien au point et que le Bernard, il meurt deux jours après quand même. Raté.
Pour faire passer la boulette, Louis le Pieux part se faire un peu oublier et va tabasser du Breton et tiens, cette fois il emmène son Ermengarde avec lui comme ça elle traîne pas dans les jupes des enfants à tambouiller des emmerdes en cachette. La pauvre, qui n’a pas spécialement l’habitude de pas changer de fringues pendant 3 mois, de bouffer cru, de boire de l’eau croupie et de se taper dix heures de tape-cul par jour pour aller se mettre une trempe avec d’autres types tout aussi puants et cons, finit par calencher à Angers. Bon, faut pas se voiler la face, ça arrange plus ou moins tout le monde, surtout Louis qui en profite aussi sec : il a repéré une bavaroise plutôt fraîche et gironde qui s’appelle Judith, et il se l’épouse aussi sec. A ce moment-là, il se pense plutôt verni : non seulement il a foutu une belle branlée aux Bretons qui ont abandonné leur projet d’implantation d’une nouvelle colonie sur ses plates-bandes, mais il vient d’échanger une vieille peau acariâtre et rusée contre une demi-dinde blonde grassouillette et amatrice de cervoise, tout en enterrant avec elle une petite erreur d’appréciation géopolitique. Grave erreur. Deux ans plus tard, Judith la bavaroise donne naissance à un petit Charles (après une petite Gisèle, certes, mais encore une fois, les Giselle, comme les Hildegarde et les Rothrude, hein, on s’en fout) et là, Louis, qui croyait qu’il allait s’en tirer peinard avec une nouvelle petite femme loin de ses enfants chiants, ben, il est à nouveau dans la merde : non seulement y’a un héritier en plus, mais la Judith, comme toutes les jeunes, elle a les dents qui rayent par terre et elle compte bien assurer les arrières de son rejeton, faut pas déconner, déjà qu’elle se tape un vieux qui sait pas changer de chaussettes plus d’une fois par an…
Comme elle est bonne mais qu’elle a oublié d’être conne, dès la naissance de Charles elle s’acoquine rapidos avec Pépin d’Aquitaine et le jeune Louis de Bavière et tous ensemble, ils exigent que le principe de la succession par partage à égalité soit remis en place et que le Lothaire, il rende un bon gros bout du très gros gâteau qu’il comptait bien se bouffer tout seul tranquille. En plus, Lothaire, c’est le parrain de Charles.
Mais bon Lothaire, il a beau être parrain, il veut rien savoir : il s’entoure d’un quintet de moustachus baraqués et d’une quadruplette d’Evêques à calotte tous bien décidés à protéger leur pré carré, et ensemble ils fondent un parti qui a de la gueule comme quoi ça date pas d’hier cette marotte de fonder des partis : le Parti de l’Unité Impériale. No way to rendre un bout de terrain, les gars. Don’t even think about it, comme dirait Pepsi Cola.
Vaguement énervouillée, la mère Judith se met, tel un Nicolas Sarkozy en pleine décomplexitude, à placer tous les membres de sa famille à des postes bling-bling pour assurer ses arrières : de sa mère qui devient soudainement l’abbesse de Chelles en passant par sa sœur Emma qui épouse carrément le jeune Louis de Bavière, tous ses frères endossent la tenue d’abbé dans les paroisses les plus influentes de l’Empire, l’un d’entre eux épousant au passage la fille d’Hugues de Tours, un des plus gros bonnets du moment (à noter qu’à l’époque, sacerdoce et épousailles ne suscitaient pas spécialement de problématique, Dieu étant probablement plus jeune et un peu plus gaucho que maintenant) .
Et justement, puisqu’on parle de lui, ce Hugues de Tours et son pote Matfried d’Orléans, un autre caïd, viennent de décider de se tamponner copieusement avec l’ordre de l’Empereur d’aller défendre Barcelone, de nouveau attaquée par les dissidents arabes : la défense de la ville échoue seule à un nouveau Bernard, un jeune marquis cette fois, qui se tire pas mal de ce guêpier : bien qu’il soit ouvertement allié de Judith et de Charles, il gagne ainsi les faveurs d’un Empereur ému à l’idée qu’un jouvenceau ait réédité son propre exploit de jeunesse, tandis que les deux autres gugusses se font délester manu militari de leurs costards et de leur castelet respectifs. Le ver étant dans la pomme, après seulement trois ans de pédagogie séditieuse active pilotée en sous-main par Judith la bavaroise, Louis le Pieux se laisse convaincre par le jeune héros Bernard de la nécessité d’une révision de sa succession au profit de son dernier fils.
Et bam : Charles hérite soudainement de l’Alsace, de la Rhétie et de la Bourgogne, ce qui a pour effet de lui permettre de poser son petit cul par-dessus la figure de ses deux alliés de demi-frères aînés, qui, copieusement doublés par la bavaroise, restent piteusement en rade.
Sévèrement dégoûtés, Pépin et Louis retournent leur gambison sans le moindre état d’âme et repartent toper aussi sec avec leur ancien frère-ennemi Lothaire : à eux trois, ils vont faire comprendre au merdeux et à sa teutonne de mère de quel bois ils se chauffent. Et pour pas faire les choses à moitié, Lothaire, gonflé à bloc, il part voir le Pape. Ouais mec, le Pape, carrément. Y’a pas de raison.
Pendant ce temps, le marquis Bernard qui a si finement joué la partie est nommé responsable de l’éducation du jeune Charles. Les deux autres frangins très vénères, qui sont même pas partis chez le Pape, écument tous les bistrots et les salons de coiffure de l’Empire en bavassant sur la Judith et le Bernard, comme quoi ils font bouillir des crapauds, dansent en rond cul nu à la pleine lune et parlent la langue des bigotes en se tripotant entre eux, bref, le genre d’histoires dont on aime se titiller les esgourdes à l’époque avec un petit frisson dans le dos : il en faut pas plus pour qu’en quelques mois, le peuple soit convaincu que le bon Empereur Louis le Pieux a été envoûté par sa jeune épouse et le jeune marquis, tous deux suppôts de Satan qui forniquent avec des boucs et sucent probablement des serpents par la queue (si si).
L’année d’après, la rumeur suffisamment croustilleuse ayant fait son chemin, Louis de Bavière et Pépin d’Aquitaine n’ont plus qu’à se pointer au Palais de l’Empereur avec une foule de péquenots déchaînés derrière eux : ils forcent la porte et foutent direct la mère Judith dans un monastère, hop, tiens, tant qu’à faire, le petit merdeux de Charles il y va aussi ça lui fera les pieds (et peut-être un peu aussi le cul mais ça, c’est les risques du métier) et seul le rusé marquis Bernard parvient à se carapater de justesse direction les environs de Marseille où il se met au chaud derrière un pastis en attendant que ça se tasse.
Entretemps, au grand dam de ses deux frères qui se sont crus les tauliers pour un temps, Lothaire est revenu de Rome tout plein de trucs de Pape qui rendent grand, fort et beau et un peu prétentieux aussi, et il maintient papa Louis au pouvoir et en profite pour reposer son propre fessier sur les coussins en indiquant mener désormais l’Empire « sous son contrôle d’Empereur-associé ». Le pieux Louis, qui ne sucre pas encore les fraises, sent dès lors bien l’odeur de roussi qui règne entre ses rejetons : dès que le grand couillon de Lothaire a le dos tourné, il monte les deux autres contre lui avec l’appui des Evêques de Germanie, des curés teutons qui peuvent pas blairer le Pape. Et ça marche comme sur des roulettes : la tension monte grave, et voilà Pépin et Louis qui rompent une nouvelle fois avec Lothaire et commencent à le menacer de lui peler le jonc, si bien que Lothaire est un peu obligé de vider les lieux si il veut éviter la casse : il s’en retourne auprès du Pape avec quand même son titre d’Empereur, tout en prenant quand même au passage le trône d’Italie laissé vacant par le pauvre Bernard, celui qu’est mort avec les deux yeux crevés (pas l’autre, qu’est planqué derrière la Canebière, faut suivre…).
Le vieux Louis, débarrassé de l’encombrant papiste Lothaire, se recolle direct au découpage de l’Empire - que ne ferait-on pas pour ses gosses, merde - et le partage cette fois équitablement entre Pépin, Louis et Charles, qui sont assurés que leurs royaumes respectifs resteront indépendant à la mort de l’Empereur Lothaire (de merde). Ca semble rouler à peu près.
Ca semble seulement. Le Pépin d’Aquitaine, c’est une teigne.
Ca lui va pas, le partage ; bon, le petit Louis de Bavière il est pas totalement franc du collier non plus. En même temps, fait dire qu’y’a du Bernard là-dessous : depuis sa planque marseillaise, il pilote en cachette la marronade de Pépin, qui est plutôt soupe-au-lait et se laisse donc facilement monter la bourriche, puis, à son tour, bourre le mou de son frère cadet. Ils s’excitent tellement mutuellement que pour finir ils lèvent une armée, et qu’ils sont prêts à en découdre, qu’ils disent. Là, ca commence sérieusement à lui gonfler la couane, au vieux Louis. Il finit par péter les plombs et leur confisque à tous les deux tout ce qu’ils avaient récupéré comme royaumes, d’un coup d’un seul. Les voilà avec une armée, mais en slip, ça leur apprendra à dire merci, à ces deux chiasseux. Faut pas non plus trop trop le chercher le « Débonnaire », ses quatre rejetons lui courant tellement sur le haricot qu’il se surprend à se souhaiter avoir subi une vasectomie plutôt que d’avoir engendré pareille portée de fils de putain.
Le Lothaire, lui, sur son trône italien, il se marre. Avec le Pape. Ils sont devenus super potes, tous les deux. Ca le rend tellement de bonne humeur qu’il accepte de taper la discute avec la mère Judith, qui, du fin fond de son couvent, parvient quand même à comploter des trucs de bavarois, la garce. Elle lui retourne le crâne jusqu’à ce qu’il en vienne lui-même à caresser l’idée de lever une armée contre son père, de le ratatouiller et de se récupérer l’Empire rien que pour lui… et pour le petit Charles, son filleul chéri. L’idée fait son chemin, à l’italienne. Quelques mois plus tard, voilà le Lothaire grimpé sur son cheval, direction retour avec… le Pape. Et ouais. Le Pape, qui a suivi toute l’histoire d’assez près, se dit lui aussi qu’il y a peut-être moyen de moyenner, on sait jamais.
C’est sans compter sur les deux autres frangins, qui, ne possédant plus que leur bite et leur couteau, rejoignent sans y être vraiment invités cette grande troupe de macaronis levée par leur frère aîné, qui les accueille sans trop trop rechigner : après tout, plus on est de fous, plus on rit. Voilà donc les trois frères et le Saint Père en route pour flanquer une dérouillée à leur propre père, ce qui n’est pas joli-joli, mais bon, à ce stade de l’histoire on n’en est plus à ça près.
L’Empereur Louis, qui est toujours colère, il se démonte pas : il rappelle tous ses gros moustachus de l’époque et part se mettre en rang en Alsace où il attend de pied ferme sa bande de merdeux. Le problème, c’est que les vieux tatoués qu’il a rameutés, à la vue du Pape, ils se grattent la moustache puis, l’un après l’autre, tournent casaque : ils tiennent pas à être excommuniés et à brûler une éternité en enfer avec des boucs en rut et des tridents dans les reins, et ça, à l’époque, ça fait plus gamberger que n’importe quoi d’autre. L’Enfer, c’est pas un truc avec lequel on rigole. L’Empereur Louis est bien obligé de négocier : Lothaire revient sur le trône de l’Empire, Judith est délivrée (et merde…) et repart en Italie avec le Pape (bon débarras) et le petit Charles change juste de monastère, troquant l’atmosphère consanguine française des abbayes isolées contre la franche camaraderie des communautés pédophiles italiennes.
Lothaire, il est super jouasse : dans la foulée, il profite du Pape et de tout un tas d’Evêques avides pour obliger son père à avouer un tas de crimes honteux et le fait abdiquer : il est enfin seul et unique Empereur. Râââââ Lovely.
Là où ca devient cocasse c’est que les deux autres frangins, qui se retrouvent une fois de plus à l’avoir dans le trognon, se rabibochent avec le père grâce au fourbe Bernard qui a définitivement passé un Master en manipulations foireuses et voilà que tous ensemble, ils remontent en catimini une grande troupe de moustachus recouverts d’acier qu’ils lancent à l’assaut du frère aîné armée de gros casse-têtes et autres hallebardes sympathiquement rouillées.
Après quelques échanges de courtoisies diverses durant lesquelles, anecdotiquement, les deux frères de Bernard passent de vie à trépas, Lothaire doit se rendre à l’évidence : il s’est pris une branlée. Il s’en retourne en Italie avec les couilles au cul et à 57 ans, le vieux Louis le Pieux redevient enfin Empereur de son propre Empire, non mais.
Histoire de rappeler que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures mélasses, il donne cette fois au petit Charles un royaume dans la vallée de la Meuse, et dès que Pépin casse sa pipe (ouf, moins Un !), son Aquitaine. Bon, ça commence dès le départ à foutre la pagaille parce que le Pépin, il avait un fils héritier légitime et que du côté des gars de l’Aquitaine, le parachutage de Charles dans la circonscription est pas super bien accueilli… La mère Judith, prête à tout pour sauver les meubles, vu qu’elle est en Italie, elle reprend contact avec Lothaire et ensemble, ils passent soigneusement et longuement de la pommade dans le dos du vieux Louis, un peu fatigué, qui finit par accepter de revoir la bande à Lothaire dans le coin et lui refile même un bout d’Empire à l’Est du Rhin.
Là, un peu de temps passe et bizarrement, rien ne bouge plus que nécessaire, l’époque voulant qu’on se foute un peu sur la gueule avec à peu près tous les voisins à intervalles réguliers, histoire de garder la main. Bref, rien de notable en soi.
Mais on a beau dire, le sens de la famille, c’est sacré : comme probablement ils commencent tous à légèrement se faire chier et que l’hiver a été long, le vieux Louis, le Lothaire et le jeune Charles, probablement sous l’impulsion des démoniaques Bernard et Judith, décident d’un commun accord de pourrir la vie de Louis de Bavière, qui reste le seul à emmerder, finalement. La machine infernale se remet ainsi joyeusement en branle mais à 62 ans, Ludovic, dit Louis le Pieux, traîne un peu la patte… Il finit par émettre son fameux « Au Revoir » à l’Empire dans ce contexte toujours aussi délétère, fatigué, mais heureux de voir les affaires reprendre.
Dès son inhumation torchée, comme une sorte d’hommage, les trois fils restant recommenceront immédiatement à se foutre sur la gueule, sans que cette haine ne prennent jamais fin, les uns se liguant contre les autres sans répit jusqu’à la mort de chacun.

Charles, que l’histoire retiendra sous le pseudonyme de Charles le Chauve, finira par créer ce qui deviendra le Royaume de France ; Louis II dit « le Germanique » posera les prémices du Royaume Teutonique, quant à Lothaire Ier, héritier d’un royaume longiligne étiré de la Haute-Marne jusqu’aux frontières des Etats Pontificaux de Rome, il finira par abdiquer de son plein gré du titre impérial qu’il aura réussi à conserver toute sa vie durant, pour terminer son existence entre les murs de l’abbaye de Prüm ; l’unité précaire de son royaume s’effondrera après sa division entre ses trois propres fils.

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