lundi 23 février 2015

Si tu reviens, comme je l'espère...


Il a la beauté grave d’un Cassius Clay propulsé dans un film de Tarentino, costume Mao noir tiré à quatre épingles ; mais quand il se met à parler, juché sur un tabouret dans le faisceau d’un unique projecteur, on lui trouve la douceur et l’humanité d’un Patrick Chamoiseau. Elle a l’assurance fauve d’une Joan Jett propulsée dans Thelma et Louise ; mais quand elle s’avance devant l’écran sur-éclairé, on lui trouve l’évanescence et la légèreté d’une princesse de Saba. Il a la discrétion d’un Salary Man propulsé dans un rêve de Murakami ; mais quand il traverse le sol pelliculé obsédé par la quête de ce qui lui échappe, on lui trouve la lumière du feu et la force du bois. Elle a la discrétion inquiète d’un caméléon propulsé dans un décor inconnu ; mais quand elle lance cet appel à d’invisibles dieux sanglée dans une robe d’ombre, on lui trouve le charme obsédant des mythes de l’ancienne ère. Tous les quatre dansent le bal de l’éternelle malédiction, tour à tour soudés dans l’oblique de mêmes trajectoires d’équilibres suspendus, ou divisés dans de frissonnantes solitudes tantôt résignées de chagrin, tantôt révoltées de passions contradictoires.
Le bruit de vagues crépusculaires érode leurs espoirs, le vent de montagnes invisibles emporte leur résignation; de couchers de soleil en levers de soleil, de messages incompris en tendresses inachevées, ils peignent l’esseulement moderne sous le halo d’étoiles lointaines, suppliants magnifiques, condamnés invisibles. Puis dans un fragment de ciel ouvert entre deux brumes bleutées, ils se rejoignent enfin, collant leur corps au rythme du monde, tournant leur tête à l’ivresse de l’aube, fuyant l’instant fugace de retrouvailles éperdues pour laisser l’écume des jours recouvrir de sel leurs amours impossibles. Il se peut que l’on rie un peu, rien ne se dissolvant jamais tout à fait de leur humanité sous la blancheur spectrale des cycles qui se succèdent, inlassablement. Claude Aymon, solennel hippocampe sculpteur de silhouettes, marcheur de nuit, sorcier traceur d’espaces à l’insolente grâce ; Elise El Bedhui, héroïne androgyne traversée de vents brûlants, tournoyante corsaire mariée aux marées ; Huang Cheng-Wei, adonis métamorphosé au sang des mégalopoles, poète de l’athlète, guerrier de l’eau ; Su Wan-Chu, banshee en exil sur une côte escarpée, roseau de mélancolie, phalène extatique aux bras papillons : quatre âmes à l’épreuve des contrées étrangères, impatientes du furtif, attentistes de l’instant suspendu, traversent les voies parallèles d’un ciel interdit avant, enfin, de flotter pour une éternité cruelle sur le doux clapotis du frisson éphémère.
Intelligences Artificielles à la découverte de l’amour terrestre, abandons et destins filtrés au son de notes économes cueillies sur l’orgue d’un Eric Serra deux-point-zéro suspendu entre Air et Ravel, les messagers de La 7ème Nuit de la Septième Lune dansent le ballet d’amours surannées qui se rêvent sans ne jamais que se frôler, offrant un conte triste aux aubes chatoyantes, emportant le cœur dans une mélancolie dont on se réveille un peu plus fragile, un peu moins sûr de soi, en clignant des yeux sur la nuit qui tombe dehors tandis qu’ailleurs, très loin, un nouveau jour se lève.  

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