La malédiction des figurines

Lorsqu’on a l’arrogance de naître à la même date et le même soir que son fils, le Bon Dieu s’agace. Il n’y a pas que lui : le chirurgien obstétricien doit s’échapper en urgence de chez sa belle-mère chez laquelle il commençait à s’en mettre une derrière la cravate, et ensuite, Papa, il avait pas prévu ce changement de timing intempestif, et merde, en plus, il voulait une fille qu’il aurait appelé Nadine. Du coup, le Bon Dieu commence par une petite balayette : il vous fera appeler Thierry grâce à Thierry Roland qui passe à la radio pendant que le break familial bombarde à travers la ville dans un décor de lampions, et fera même rajouter Noël juste derrière, parce que bon, non seulement niveau deuxième prénom, ceux des grand-père ont déjà tous été refilés aux frères précédents, et puis bon sang de merde, on n’a pas idée de se pointer en avance un de soir de noël et d’être un garçon quand on s’attendait à une garce, manquerait plus qu’il faille inventer un autre prénom un 25 décembre au matin, Noël non seulement c’est de circonstance, et puis y’a des tas de gens bien qui s’appellent Noël, tiens, disons… Noël Mamère.

Mais le Bon Dieu s’arrête pas là. Il balance une malédiction de derrière les fagots, à la grecque : il prédit : à chaque Noël, t’auras le truc d’à côté. Et hop. Bim dans ta gueule. Tu voulais la figurine géante de Goldorak ? T’auras celle du Golgoth : le Goldorak, ils sont en rupture de stock depuis fin octobre à Europe Jouet de la rue de Rome, autant dire que quand ta mère s’est pointée toute fière mi-novembre, c’était déjà archi-cuit.
Tu voulais la mini-figurine de Luke Skywalker avec son kimono blanc et son sabre laser ? T’auras celle d’Han Solo (et encore, il a un chouette gilet en cuir et un super pistolet, laser lui aussi qu’est-ce que tu casses les couilles, t’aurais pu te cogner Chewbacca avec son arbalète à la con (laser)).
Tu avais entouré le Bateau Pirate sur le catalogue Playmobil ? Ça, c’était sur le catalogue : au magasin, ils ont que la Soucoupe Volante, avec des types en blouse blanche dedans aussi sensass qu’une bande de vétérinaires.
Tu voulais la figurine (oui je sais, j’étais très figurine quand j’étais petit) de Steve Austin? Et ben, t’auras celle d’Oscar Goldman. 

Oscar Goldman, merde ! 

Mais là où tu crois que t'as touché le fond, d’un coup, c’est la fin de la malédiction ;  quand t’arrives à l’école déjà couvert de honte à l’idée de sortir ton Oscar Goldman de merde, y’a au moins quatre copains avec Steve Austin : ils sont là comme des cons, avec tous leur Steve Austin, à se retrouver à jouer chacun dans leur coin parce qu’après s’être engueulés un moment et avoir tenté deux ou trois scénarios vicieux, il a fallu se rendre à l’évidence : on peut pas jouer à grand-chose avec plein de Steve Austin qui veulent tous être Steve Austin, sans personne d’autre. Ça fait plein de types bioniques qui valent tous Trois Milliards et ça fait peut-être beaucoup de milliards, en attendant, on s’emmerde ferme. Autant dire que mon Oscar Goldman, il tombe à pic (blague pour les initiés et les fans de Lee Majors).
Parce qu’il faut dire qu’Oscar Goldman, non seulement c’est le patron de Steve Austin (et ouais mec, le Boss quoi) mais en plus, il a une super mallette qui explose si tu essaies de l’ouvrir sans le code : scénarios assurés, suspens en cascade, intrigues de clones et de vrais/faux Steve Austin, et explosion systématique de mallette à la clé. La rentrée de Janvier, elle est sauvée. Oscar Goldman, messie de la cour d’école de Coin-Joli, Marseille, 13009, vient de faire exploser la malédiction du Bon Dieu lui-même, avec sa tronche plastique de second couteau, sa stature de jouet de deuxième zone.

A partir de là, j’ai bien la figurine de Musclor et pas celle de Skeletor – que j’ai eu quand même après pour lui foutre des raclées -, j’ai Big Jim avec son bras Karatéka qui fait des Atemi quand on lui appuie dans le dos, et même Elastic Monstre non pas parce que j’ai demandé Elastic Man et qu’il n’y en avait plus, mais bel et bien parce que je voulais Elastic Monstre, qui était tout vert avec une tête terrible. 

Alors tu sais quoi, Oscar Goldman ? Que Dieu te bénisse, toi et ton costard de merde, ton col roulé tout pourri et tes mocassins crème. Tu es, à tout jamais, le Boss des Boss ; le Prince des Figurines.

(ps : pardon maman qui m’emmenait à la Foire pour acheter des badges de For Those About To Rock et des super patches de The Number Of The Beast, sur la Canebière pour mes premières santiags noires à déco Dragons, chez le disquaire de la rue Breteuil pour acheter des 45t de Capdevielle, pour le mange-disque orange, pour le plongeur à pile qui fait des palmes tout seul dans le bain et pour toutes ces heures à me fabriquer des déguisements de San Ku Kaï : t’as été super.)