mardi 4 janvier 2011

La mélancolie des bas de pantalon mouillés

Quand j’ai besoin d’une lampe torche pour monter dans les combles les piles sont vides ; après y être allé dans le noir je sors acheter des piles, je les change et elles se déchargent tranquillement jusqu’à la fois suivante où j’aurai besoin d’aller dans les combles.
A la deuxième feuille que j’ai besoin d’agrafer l’agrafeuse est toujours vide.
Quand j’ai très envie d’y aller, les toilettes sont occupées. Et c’est souvent seulement une fois que je me suis couché que j’ai envie d’y aller.
C’est quand j’ai besoin d’une information utile et rapide que je n’obtiens pas de connexion internet. Sinon, il suffit que j’entame un chat’ avec quelqu’un pour que trois autres personnes souhaitent soudain me contacter ; d’autre part, c’est quand je me sentirai paniqué par le silence que tout le monde décidera de me laisser tranquille.
Ce sont les rares fois où je décide de prendre la voiture qu’il y a le plus d’embouteillages ; d’ailleurs, quand je voudrai me garer je n’y arriverai pas. En désespoir de cause, j’abandonnerai ma voiture très loin de chez moi sur un emplacement inadapté, pour trouver une place vide en face de ma porte d’entrée au retour de quinze minutes de marche.
C’est quand je suis sous la douche que le programme de la machine à laver se met en route et pompe toute l’eau. Surtout si je suis en train de me faire un shampooing et que j’ai les cheveux moussus.
C’est dès que j’ouvre un livre que le téléphone sonne. Invariablement, si je décroche, mon autre téléphone se mettra à sonner.
C’est quand je décide de ne pas me lever que les matinées sont belles et ensoleillées ; ce n’est qu’au moment où je me décide à sortir qu’il pleut.
C’est uniquement quand j’ai envie d’un pastis qu’il y a des bières dans mon frigo. Les jours où il n’y a pas de bières au frais, il n’y a pas non plus de glaçons pour le pastis.
Les soirs où j’ai envie de sortir il ne se passe rien en ville ; pour ça, il faut attendre que je me sente particulièrement léthargique.
C’est aussi quand je déborde de cigarettes que l’odeur de la fumée m’écœure ; c’est d’ailleurs souvent après avoir espéré d’interminables minutes qu’un fumeur me dépanne d’une cigarette et que j’en obtiens enfin une que je réalise n’avoir plus envie de fumer.
C’est en début de mois que j’ai le moins envie de consommer. Dès que je n’ai plus un sou, mille envies émergent qu’il est terriblement frustrant de ne pas pouvoir assouvir.
C’est après avoir acheté et mangé un sandwich de très basse qualité que je découvre que ma femme m’a laissé une délicieuse assiette au chaud dans ma cuisine.
C’est après m’être levé inexplicablement confiant et en conséquence, m’être habillé élégamment que je réalise, une fois dehors, qu’il fait finalement très froid et qu’un gros pull moche aurait mieux fait l’affaire. C’est le jour où j’enfilerai de nouvelles chaussures qu’il me faudra marcher très longtemps, toute la journée. C’est le matin où je sauterai directement de ma couette dans un jean, les yeux collés et l’haleine encore chargée, que je croiserai la maîtresse d’école de ma fille.
Ce n’est qu’une fois en haut de l’échelle que je réaliserai avoir besoin d’un tournevis.
Ce n’est qu’après avoir violemment éternué dans ma main que je ne trouverai aucun kleenex dans les environs.
C’est évidemment le matin où, en sortant nu de ma salle de bain je me mettrai, en traversant le salon, à danser frénétiquement sur un titre de Madonna qui passe à la radio chez la voisine, qu’elle sera à la fenêtre en train d’épousseter son chiffon.
Quand après deux heures d’ennui profond et de vide existentiel je suis soudain assailli par une envie irrépressible de faire quelque chose de beau et de futile, il est déjà temps de faire quelque chose de désagréable et de désespérément utile.
Quelque chose de désagréable et de désespérément utile.
Désagréable et utile.
Soit.



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