lundi 2 septembre 2013

L'étymologie ? Le casier judiciaire des mots... (R. Topor)

- Tu le savais toi, que le mot « travail », ça vient d’un d’instrument romain fabriqué avec trois pieux attachés en triangle, qui servait à mater les esclaves ?
- C’est pas ce truc avec trois trous là, où tu rentres les mains de chaque côté et la tête au milieu et après tu refermes, et le type il reste là avec les mains et la tête qui dépasse ?
- Non, c’est le Pilori, ça. C’est vachement plus tard…
- Ah ouais, le Pilori : le type, ils le baladent partout comme ça en ville, et tout le monde lui crache dessus…
- Non, ça c’est le Carcan. Le Pilori, ça reste sur place, c’est monté sur un châssis. Bon, le principe reste pareil, le but c’est de mettre le type là en plein milieu de la place du village et tout le monde vient se foutre de sa gueule, l’insulter, lui cracher dessus ou lui tirer des trucs pourris, je crois même qu’ils lui tapaient sur les mains pour lui faire bien mal… Du coup, le Carcan, je crois que ça date d’il y a longtemps aussi, en fait… Ce qui est drôle, c’est que c’est comme pour ce truc dont je te parle, le Tripalium.

- Le quoi ?
- Le Tripalium.
- Ah ouais, genre le « trépanum », pour trépaner ta race !...
- Bref, au départ c’est pour les bêtes : le carcan, c’était pour attacher les bœufs pour qu’ils labourent ou qu’ils tirent des charrettes…
- Pourquoi, les types ils fallait qu’ils tirent des trucs, c’est ça ? Genre des sacs de caillasses, ou des boulets ?...
- Mais non, c’est juste qu’un mec de l’époque a eu l’idée de prendre le truc des bœufs et de le foutre autour du cou d’un pauvre mec qu’avait fait une connerie, pour lui en faire baver, c’est tout… Ca pesait un âne mort le machin !
- Ouais, comme les types qui se font mettre des colliers de chiens autour du cou, puis après ils se font marcher sur les couilles et tout ça…
- Mouais, si tu veux, le principe c’est d’humilier, au départ. Bref, le Tripalium, c’était un truc pour garroter les chevaux trop nerveux, même pour les soigner, ou pour leur mettre des fers à cheval de force sur les sabots, pour les empêcher de bouger : ils les enserraient avec ce truc et après ils pouvaient leur faire ce qu’ils voulaient.
- Et c’est ça qui a donné le travail ? C’est quoi le rapport ?
- Ben, comme ça, direct, y’en a pas, c’est juste que c’est flippant de penser que le mot « travail » vient de ça, de ce truc pour entraver les bêtes, ou les esclaves ou les truands…
- Je vois pas le rapport…
- Ben, le rapport, c’est que le travail, c’est se faire niquer.
- Pourquoi, y’en a qui les niquaient les esclaves ou les chevaux quand ils étaient attachés ?
- Putain t’es lourd…
- Ca va, je déconne… T’es bien chiant là, aussi, avec ton histoire de trépa-chais pas quoi là…
- Merde, je cherche juste à t’apprendre quelque chose, si après tu veux rester débile, ma foi, ok, on peut parler foot…
- M’apprendre quoi ? Que le travail c’est fait pour niquer les gens ? Tu crois qu’il y a besoin de raconter tes histoires de merde avec des inventions à la con pour découvrir que le travail, ça te nique la vie ? Que tu marnes comme une merde pour des nèfles jusqu’à ce que tu sois trop vieux et tout usé ? Ouaouh, super, ta démo… En plus, excuse moi, mais entre « travail » et « trépa-chais-pas-quoi », niveau prononciation, c’est pas du tout cuit non plus… Tu l’as appris où, ton truc moisi ?
- C’est du latin, connard. « Tripaliare », ça désignait le fait de faire chier les animaux pour qu’ils bossent à fond quand ils avaient plus envie, et au fur et à mesure, par déformation, ça a donné travail. C’était pour parler d’un truc super contraignant, ça désignait aussi la douleur de l’accouchement d’ailleurs, tu vois. On dit toujours « le travail » quand on parle du temps où la femme pousse pour sortir le minot.
- Ouais…
- Si si, j’t’assure !
- Et tu l’as péchée où, cette histoire ?
- Au boulot. Un mec me l’a dit, un mec super intelligent qui fait du latin et otut ça.
- Ah ouais. Et depuis quand y’a des mecs super intelligents à ton travail de merde, qui parlent latin et tout ça ?
- C’est un nouveau.
- Ah ouais. Et toi, il arrive un mec tu le connais même pas, il te raconte n’importe quoi genre il fait du latin, et toi tu le gobes.
- Ben oui. C’est logique, il a raison.
- Il a raison de quoi ? C’est comme si moi j’arrive, tu me connais pas et je te dis, comme ça, au fait, tu sais que le mot connard, ça vient des allemands ? J’ai habité en Alsace alors je connais les allemands, et le mot connard, il vient d’un mot allemand qui voulait dire…
- Et ben, tu sais quoi ? Chez les allemands, connard, ça veut pas du tout dire la même chose que chez nous : chez eux, ça veut dire un truc genre « couillu », courageux quoi.
- Mais tu dis vraiment n’importe quoi, mec… Vraiment n’importe quoi !... (il part en agitant les bras).



(Retrouve les tergiversations de deux amis éternellement différents et délicieusement identiques sur le monde qui les entoure : clique sur le libellé "egodialogue"...)

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