samedi 21 septembre 2013

Profiter de l'argument facile de l'été pour glisser une doléance...

Des jeunes filles passent à cheval sur une place pavée dans un vacarme de fer, revêtues de pantalons sales et de t-shirt délavés, avant de repasser dans l’autre sens quelques heures plus tard pédalant en sandales sur une bicyclette véloce vers une quelconque bâtisse de bord de route. D’indésirables étrangers prennent pour toujours la même photo du clocher local après avoir débouché de la même volée d’escalier, avant de déambuler en famille dans les ruelles à la recherche du même unique café qui permettra de tuer un temps suspendu sans mettre à mal leurs réserves financières rangées dans l’inesthétique sacoche d’un été trop prévisible. De vieux hippies aux airs d’habitués croisent d’un pas alerte de jeunes hippies farouches assis à même le sol qui ne voudront pas les saluer.
 Des quintet de randonneurs septuagénaires aux mollets veineux s’attardent en travers des trottoirs pour mettre en concurrence, le menton levé, d’éternelles barbantes anecdotes historiques avant de s’attribuer des places de terrasse dans les restaurants gastronomiques ruraux depuis lesquelles ils étaleront de nouvelles péripéties à voix haute en commentant un vin ou une viande. Des kyrielles de sportifs harnachés dans des panoplies futuristes déboulent vers midi au milieu des placettes d’où sortent de boulangeries infectes de tardifs occupants de gîtes ayant acheté un dernier pain brûlé, dans les cliquetis de leurs équipements volumineux ; ils s’attablent sous un parasol trop petit en agglomérant une dizaine de chaises pour y étaler des cartes routières, allonger des jambes hâlées et hésiter entre deux marques de soda. Des serveuses mineures malhabiles font tanguer sur un plateau marron des forêts de verres garnis de pailles en traversant des routes nationales. Des grappes d’adolescents déambulent à la nuit tombée dans les ombres de remparts voutés à la recherche de mauvais coups minables et d’amourettes à consommer sur place. Les villageois occupent le fond patibulaire des comptoirs de bars aux plafonds tendus de fanions délavés, jetant leur opprobre revêche à la ronde. D’improbables amateurs d’art autoproclamés arpentent des ateliers d’artistes en exil aménagés dans des caves, passant au crible de leur goût inquiet de mystérieuses sculptures aux dimensions surréalistes, d’étranges peinturlurages abstraits agressifs, d’inquiétantes natures mortes, d’impensables bijoux libidineux ou de gargantuesques poteries aux rebords distordus. De rubiconds hâbleurs ouvrent tous les mardi sur un terrain cahoteux piqueté de toilettes publiques en béton et d’arbres centenaires le ventail d’une remorque blanche pour laisser s’échapper des odeurs poisseuses de fromages, de venaisons, de salaisons et de préparations saucées dont le fumet noyé de chaleur navigue au gré de vents de montagne. Des tenanciers d’anciennes épiceries ré-agencées par des chaînes nationales dans un maelstrom de couleurs criardes s’attèlent, hagards, épuisés, à faire tinter leur deux minuscules tiroir-caisse tout en maudissant derrière d’affreux sourires de complaisance une clientèle débraillée qui dissèquera avec la constance d’une colonie de nuisibles des rayonnages impraticables aux tarifs surchargés. De régulières triplettes d’enfants haineux, en mal de jouets plastiques encombrants exposés aux abords des terrasses écrasées de soleil comme des trophées stupides, sucent des glaces dégoulinantes en traînant le pas derrière des couples blasés refugiés derrière des lunettes de soleil au design stupide. Des fiers à bras à la bedaine marron, portant fièrement les tenues les plus sacrifiées à l’autel de l’élégance, vitupèrent sur des terrains de boules accolés à des campings faméliques. Des nuées incessantes d’insectes tourbillonnent dans un ballet bourdonnant de piqûres et de démangeaisons, faisant la joie d’une officine climatisée assaillie de clients inquiets dont les tenancières, caparaçonnées dans une blouse pastel et un chignon vaseux, dispensent avec un sérieux chuchoté le produit de leur incompétence avec la jouissance de l’assistant livré à lui-même. Des binômes de motards échevelés, dont on a l’impression qu’ils dorment dans leur combinaison de cuir, font d’impressionnantes haltes près d’une fontaine dans le grondement d’énormes machines poussiéreuses, avant de repartir sur le bitume. Des hordes d’enfants en short et en casquette, encadrés par des ados décomplexés, sillonnent à pied les bas-côtés de petites départementales à la queue-leu-leu, rejoignant un camp improvisé ou les bâtiments rectilignes d’une colonie de vacances. Des convois de kayakistes prennent trop vite les virages de petits cols, leur mini-van hérissé d’embarcations pointues enhardi en direction de sites naturels secrets, inaccessibles et dangereux. De discutables vendeurs de pèches et de melons cuisent sur des bords de route bizarrement inhospitaliers dans des cahutes de planches, entourés de pancartes tordues. D’inexplicables boutiques de mode exposent sur de longs portants rongeant les trottoirs des parures immettables face à des scènes brinquebalantes montées par des intermittents tatoués rigolards en prévision d’un concert de blues gratuit. D’impensables engins agricoles surgissent d’un virage, déplaçant leur carcasse titanesque dans des diagonales imprévisibles, déversant sur le bitume des mottes de scories campagnardes bouseuses. Des grappes de cyclistes de pacotille tanguent dans de terribles raidillons aux heures les plus rudes, générant l’embardée de voitures surgonflées aux tunnings ridicules qui les doublent à tombeau ouvert au moment le moins indiqué. Des foisons de Snack font frire des tonnes de pommes de terre surgelées sous l’ombre de tilleuls gorgés de guêpes, dans une huile estivale bonne pour la déchetterie.
L’été sait aussi être putride. Cela fait quatre ans que j’écris depuis chez moi et que je diffuse ce que j’écris en direction de personne en particulier, tout en guettant tout le monde en général.
Cela fait quatre ans ce soir que je publie dans le vide ce que j’écris et voilà que je voudrai bien lire ce que les gens qui me lisent écrivent sur des gens comme moi qui passent devant eux pendant un été quelconque, quelque part. Un été ou un automne d’ailleurs. Les saisons n’ont jamais eu la moindre importance autre que celle du décor. Quelle que soit la saison, regarder passer les gens et se surprendre à les détester comme si l’on n’était pas l’un deux reste une sorte de réflexe causal.
L’été vient de finir, voilà que je m’enrhume. Cela fait quatre ans et je voudrai parler avec des gens qui me lisent de cette façon particulière qui consiste à être d’accord, mais sur rien de spécial.
Je voudrais être d’accord avec vous sur le monde.
Si vous aviez donc la bonté de bien vouloir, pour cet anniversaire totalement vide de sens et donc sans doute l’un des plus étrangement émouvant à fêter, vous manifester par l’envoi de quelque chose, je me ferai une joie de le publier dans ce même vide dont je soigne les contours avec constance. Sauf si ce que vous m’envoyez est nul à chier. Dans ce cas, je vous rendrai le service de taire votre médiocrité, tout en savourant le plaisir délicat de recevoir l’offrande d’une merde, ce qui reste une occasion rare, donc précieuse.
Soyez donc par avance remerciés de toute potentielle réaction quelle qu’elle soit.

Dans le cas où cet appel resterait lettre morte, je m’efforcerai de m’envoyer une belle merde à moi-même. Il se trouve que j’en suis parfaitement capable.
Je veux dire, d’écrire de la merde.
La seule différence notoire consistera dans le fait que je posterai quand même la merde que j'aurai écrite, et que vous la lirez.

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