dimanche 19 novembre 2017

De l'électricité, et de l'Ecosse.

Dans le Guardian de 2015, Andrew Stafford, le Rock-érudit d’Australie, titrait à propos du départ officiel de Malcom Young du plus célèbre hard-blues band de tous les temps : « AC have lost their DC » avec, comme headline à un article particulièrement brillant[1] (traduction) : « C’était Malcom Young qui définissait le son d’AC/DC. Sans lui, les dieux du rock australiens sont menacés de ne plus être qu’un hommage permanent à leur ancien eux-mêmes. »
Le titre prémonitoire de cet article, rédigé à l’issue de la sortie du 16ème (!) album du groupe, s’inspire de la formidable réponse de feu Bon Scott, à qui un journaliste semble avoir demandé ingénument s’il se considérait comme le AC ou le DC du groupe : avec l'ambivalente modestie qui caractérisait l’écossais le plus badboy d’Australie, il aurait répondu : « Ni l’un ni l’autre. Je suis l’éclair de lumière entre les deux. » Entre les deux ? Ben oui. Entre les deux frères Young: Angus, courant alternatif soliste rugueux comme l’émeri, Malcolm, courant continu solide et sinusoïdal comme le laiton.
Malcom Young, atteint de démence (on dirait peut-être, en France, d’Alzheimer), n’est en effet plus en mesure de se rappeler de ses propres morceaux : durant le titanesque Black Ice Tour de 2010, il réalise l’exploit à peine concevable de réapprendre au sens strict du terme quasiment chaque morceau avant de monter sur scène. A la sortie de ce marathon, il jette l’éponge.
Andrew Stafford, devant la pochette de "Rock Or Bust", avoue donc qu’il n’aura plus le cœur d’aller voir AC/DC sur scène : pour lui, AC vient de perdre son DC. Anathème prémonitoire : Malcom Young meurt deux ans plus tard, ce 17 novembre 2017, laissant son frère Angus unique membre original du line-up australien.

Les hommages se multiplient sur le globe. Inutile d’en signer un de plus. 
Par contre, essayons de comprendre ce que signifie vraiment, si l’on parle d’Electricité (bah oui, quand même un peu…), le fait de perdre définitivement le « Direct Current» pour ne plus bénéficier que d’« Alternating Current ». Pour ce faire, laissons la parole à M. MATHLVET, Ingénieur en chef des Travaux du jour aux Mines de Vicoigne, Nœux et Drocourl, qui s’exprime en ces termes dans sa célèbre note technique « Comparaison entre le courant continu et le courant alternatif » :
« Tout en réservant nos pronostics, pour les lignes de force à très haute-tension et en souhaitant même qu'il soit fait une part au courant continu dans les grandes transmissions d'énergie, nous pourrons conclure ainsi : chaque fois qu'il s'agira d'une application vulgaire de l'électricité, et chaque fois qu'il s'agira de défricher un champ d'action jusque là vierge, il sera plus simple de faire appel au courant alternatif, ce qui ne veut pas dire que ce sera plus économique. Mais chaque fois que l'on voudra opérer un travail délicat, demandant à la fois de la souplesse et de la précision, il faudra revenir au courant continu par des transformations appropriées, en choisissant, dans chaque cas, la solution la plus économique pour ces transformations ; une fois que l'on aura transformé les courants alternatifs primaires en courant continu d'utilisation, il ne faudra pas craindre de développer au maximum les applications du courant continu qui sera ainsi considéré comme un auxiliaire indispensable du courant alternatif, c'est-à-dire un auxiliaire capable de redresser les erreurs et les faiblesses inhérentes à la nature même du courant alternatif, le courant continu n'étant pas autre chose, d'ailleurs, que du courant alternatif amélioré. Nous nous excusons de ne pouvoir faire franchement pencher la balance dans un sens, ni dans l'autre, mais ceci nous prouve, une fois de plus, qu'il n'y a pas, pour nous autres humains, de vérité intangible et que nous devons toujours nous contenter d'un médiocre à peu-près. »

So long, Malcolm.
Tu devais ton prénom à Saint Colomba, missionnaire irlandais ayant été condamné à l’exil en Ecosse pour, selon la légende, y « convertir autant de nouveaux chrétiens qu’il en était morts par sa faute » : il est dit qu’il y dompta le monstre du Loch Ness, et qu’il fut un des rares missionnaires à pouvoir traiter avec les druides. 
Disons donc : Saint Malcom.
Envoyez les cornemuses.




[1] https://www.theguardian.com/music/2015/nov/02/acdc-without-rhythm-guitarist-malcolm-young-ac-have-lost-their-dc

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