jeudi 9 novembre 2017

Doug

Douglas Mac Arthur, général américain à la gueule d'acteur hollywoodien, a fait des choses dégueulasses et d'autres plutôt classieuses durant son interminable carrière militaire au long de laquelle il s'en est mangées, des guerres : révolution mexicaine, première guerre mondiale, Philippines, deuxième guerre mondiale, puis guerre de Corée. Bardé de médailles à chaque fois, à croire qu'en matière de pan-pan-pan, de bim-bim-bim et de viens-là-que-je-te-foute-un-pruneau-dans-le-buffet, il avait des capacités (de merde) qui l'ont d'ailleurs finalement conduit à diriger l'armée américaine toute entière, c'est dire si ça devait quand même être une belle sorte d'enflure. Je ne verse cependant pas assez ni en politique ni en militaireries pour me fendre d'une opinion à son sujet: ce qui m'intéresse, ce sont les quelques fulgurances qu'eut ce vieux décoré fumeur de pipe, tant, pour un bidasse, il sut
être bluffant en prenant la plume. Notons quand-même, pour rester impartial, qu'il a aussi, par exemple, après avoir dirigé le théâtre de guerre du Pacifique post-2nde guerre mondiale, pris quelques positions assez étonnantes pour l'époque: au sujet du Japon, en affirmant que toutes les occupations se finissent mal, pour l'occupant comme pour l'occupé; que l'avenir se trouvait, quoi qu'il arrive, en Extrême Orient; en réfutant totalement l'idée très en vogue aux USA, même après la nauséabonde expérience nazie, d'une supériorité raciale des caucasiens sur les asiatiques, et en témoignant le plus profond respect à ses homologues orientaux. Puis en exprimant toutes les réticences possible à raser Manille sous les bombes quand ses copains, rendus hystéros par six années de guerre, frétillaient de joie à l'idée de rayer des centaines de milliers de niakwés de la carte à coups de pétards (et bien sûr, ils l'ont rasée, Manille. Six mois avant d'éjaculer sur Hiroshima).
Bref, en 1962, Doug prend sa retraite. 
Il se fend, comme le font les bidasses, d'un grand discours devant les cadets de West Point (qu'il a lui-même dirigé et réformé en profondeur, avant que ses successeurs ne balaient tous ses efforts en annulant la plupart de ses décisions). 
Et là, tenez-vous. Doug, il leur envoie des trucs comme ça :
" Les ombres s'allongent pour moi. Le crépuscule est arrivé. 
Mes vieux jours ont disparu avec leurs teintes et leurs sons: ils s'en sont allés miroiter à travers les rêves des choses qui furent. Leur souvenir est celui d'une beauté merveilleuse arrosée par les larmes, cajolée et caressée par les sourires d'hier.
J'écoute en vain, mais d'une oreille assoiffée, la mélodie ensorceleuse des faibles clairons sonnant le réveil, des tambours lointains battant leur long roulement. Et dans mes rêves, j'entends encore la clameur lointaine des canons et le fracas de la fusillade, étrange et lugubre murmure du champ de bataille."  
(après, il s'est contenté de pomper "Youth", un vieux poème en prose de Samuel Ullman - qui n'a jamais vraiment brillé par les qualités issues de son hobby littéraire, mais davantage par son sens des affaires - pour regagner le sillon littéraire plus pompeux des bombeurs de torse en uniforme : il est hélas plus connu pour cette partie-là, dont il a quand même eu le bon goût de changer la fin originale particulièrement pourrie : "Quand l'antenne est baissée, quand votre esprit est recouvert de la neige du cynisme et la glace du pessimisme, alors vous vieillirez, même à vingt ans", en lui administrant cette petite claque hollywoodienne de bien belle facture :"Si un jour votre cœur était mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.")
Képi bas, Doug. 
T'avais beau avoir du sang plein les mains, t'avais quelques étoiles dans l'âme en plus de celles qu'on t'avait accrochées sur la poitrine, on dirait.
Il paraît que ça fait ça, d'avoir trop vécu au milieu des morts. 
Des comètes aux beaux éclats.
...d'obus. 

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